Sur les traces des descendants des ouvriers voltaïques ayant participé au creusement du Canal de Vridi

Des descendants de ceux qui ont creusé le Canal de Vridi réclament une reconnaissance historique de l’apport de leurs parents dans la construction de l’édifice, et préconisent l’érection d’un monument pour honorer leur mémoire.

Abidjan. Commune de Port-Bouët. Samedi 29 juin 2019. Le Colonel Vaudro des Forces françaises de Côte d’Ivoire, à la tête d’une délégation de militaires, s’apprête à faire don de matériels orthopédiques à la section locale de l’Association nationale des personnes en situation de handicap.

Daouda Kaboré, imam dans ladite commune et résidant précisément à Vridi-Canal, est invité par les autorités communales pour formuler des prières pour bénir cette cérémonie. Á ses côtés, un pasteur, ocuménisme oblige, pour respecter la forme.

L’imam Kaboré est descendant des migrants venus pour la plupart de l’ex-Haute Volta, aujourd’hui Burkina-Faso. Ils furent au nombre des ouvriers qui ont réalisé le canal de Vridi, inauguré le 5 février 1951. Depuis lors, l’homme vit à Vridi Canal en compagnie d’autres descendants de ceux qui ont travaillé sur le chantier.

Aujourd’hui, il est à la tête d’une association qui les rassemble et réclame plus de 500 membres actifs.

La psychose du déguerpissement…

Pour revenir à l’histoire : en 1837, l’Amiral Bouët Willaumez fut envoyé par le roi de France, Louis Philippe 1er, pour signer des traités de commerce, d’amitié et de protection avec les chefs côtiers.

Sur la base de ces traités, ils firent venir des ressortissants de la colonie de Haute Volta vers la Côte d’Ivoire [passée colonie française formellement en 1893], pour faire des travaux dans l’intérêt de la France. Á commencer par le canal.

Il faut aussi signaler que durant la même période, d’autres populations à l’intérieur de ce qui était déjà une colonie française furent déplacées. Dans la plupart des cas il ‘s’agissait de mouvements nord-sud, c’est à dire de l’intérieur des terres conquises vers les côtes ou se faisaient la plupart des grands travaux. C’est ainsi que des hommes de l’ouest furent amenés vers les côtes, mais aussi des hommes venus aussi du nord, sans oublier ceux venus de l’est et du centre du pays. Tout ce beau monde se retrouvait sur les chantiers coloniaux côtiers en compagnie des ressortissants de la Haute-Volta d’antan.

«Ceux qui venaient ont laissé leurs parents, leurs frères, les amis, en Haute-Volta. Ils ne sont plus retournés chez eux. Les deux rives, gauche et droite du Canal, sont des cimetières pour nos parents», fait remarquer Kaboré. Et de poursuivre : «La portion de terre qui existe aujourd’hui, c’est Vridi canal. On veut nous déguerpir, alors que ce sont, par des accords antérieurs à la colonisation, que nous sommes-là ».

Souvenirs

L’homme se souvient. C’est en février 1951 que le canal de Vridi et le Port d’Abidjan ont été inaugurés par François Mitterrand, ministre de la France d’Outre-Mer. Le canal mesurait 2.700 m de long sur 370 de large. Ce jour-là, mon père fut présent, avec le Moro Naaba et le président Houphouët-Boigny (alors député).

Daouda Kaboré et son association plaident pour une prise en compte de leurs préoccupations, tant par les autorités ivoiriennes que burkinabé ; et cela, à travers le Traité d’Amitié et Coopération (TAC) qui existe entre les deux États. « Un peuple sans histoire, est un peuple sans repère. Nous demandons aux plus hautes autorités de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso de revoir cette situation », plaide-t-il. Pour lui, il n’appartient pas seulement à la Côte d’Ivoire de se saisir de ce dossier si les autorités burkinabé n’en font pas cas.

Le 21 février 2019, lors de l’inauguration de l’élargissement et l’approfondissement dudit canal, les descendants de ceux qui ont participé au percement du Canal de Vridi, se sont mis à l’écart, ignorés, disent-ils : « Si les descendants des premières personnes qui ont creusé ce canal avaient été associés, la cérémonie aurait été meilleure et même historique », estime Daouda Kaboré.

Photo: Daouda Kaboré et quelques descendants de ceux qui ont creusé le canal de Vridi

Avec Salif D. CHEICKNA
Fratmat

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1 réflexion au sujet de « Sur les traces des descendants des ouvriers voltaïques ayant participé au creusement du Canal de Vridi »

  1. Il y a une sale manie hélas récurrente en Afrique, celle de la reconnaissance éternelle.

    – En vacances en Côte d’Ivoire dans les années 90, je fais un accident de voiture. Les pompiers m’extirpent de l’épave et me conduisent au CHU d’où on m’évacue dans une clinique. L’un des pompier qui m’aurait « sauvé la vie » passe voir mes parents et reçoit argent et dons. Il défilera des semaines et même après mon départ, pour rappeler que je lui dois la vie.

    – Milieu des années 2000, je fais des travaux pour rénover une maison en ruines rachetée. L’entrepreneur est si indélicat que je suis obligé de gérer directement ses travailleurs. Aujourd’hui encore et à intervalles de 3 mois, le chef de chantier continue de défiler chez moi, en n’arrêtant pas de se gargariser d’avoir construit cette maison. En recevant bouteilles, argent de poche et même en présentant des ordonnances à régler, sans oublier la rentrée de ses nombreux enfants.

    La reconnaissance aujourd’hui s’exprime via le salaire perçu. Point. Si ces manœuvres voltaïques ont été abusés dans le cadre du travail forcé, qu’ils saisissent qui de droit parce qu’après une stèle érigée pour eux, on en érigera une pour les Maliens, une pour les Sénégalais, une pour les nordistes, une pour les sudistes, une pour les eastern, une pour les western et une pour les centristes. Tout ça sur le même site ! Merci encore pour leur travail de l’époque certainement dans des conditions pénibles, mais que peut-on y faire vu que nous étions colonie française à cette époque ? Avançons !

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