Carnet de voyage par Emmanuel de Kouassi | journaliste-reporter | Connectionivoirienne.net
Le 1er août 2023 en début d’après-midi, à la surprise générale et compte toute attente, la nouvelle du décès de l’ancien chef de l’État ivoirien, SEM Aimé Henri Konan Bédié fait le tour des canaux de communication officiels et officieux. Cette triste nouvelle inonde également les réseaux sociaux. Partout en Côte-d’Ivoire et au-delà de nos frontières, c’est la consternation. Le successeur du père fondateur, Félix Houphouët-Boigny venait de quitter le monde des vivants. L’homme était certes âgé (89 ans au moment du décès) mais ne présentait aucun signe de maladie ou de fatigue lors de ses dernières apparitions publiques. Ces obsèques organisées du 20 mai au 2 juin 2024 dix mois après son décès ont été un succès du point de vue organisationnel. Les Ivoiriens dans leur ensemble et comme un seul homme lui ont rendu un vibrant hommage à la dimension de ses services rendus à la nation.
Daoukro, un an sans Bédié
En ce début de mois d’aout 2024, un an après son décès, Connectionivoirienne a voulu s’imprégner du quotidien des populations de Daoukro afin de savoir ce qu’est devenue la vie dans cette ville qui, dans un passé très récent était une destination très prisée des décideurs de notre pays. Ce carnet de voyage sera pour l’essentiel une compilation de témoignages de plusieurs acteurs clés vivants à Daoukro et dans son village natal à Pépressou.
Une tradition encore respectée
Un temps glacial et une fine pluie depuis ce jeudi matin 1er août 2024 sur tout le littoral ivoirien. Sur le tronçon qui mène d’Abidjan jusqu’à Daoukro, les Dieux de la nature se sont également pliés aux exigences de l’événement du jour: AN 1 du décès de N’zueba.
La pluie était naturellement au rendez-vous
Ce qui frappe dès l’entrée de Daoukro, ce sont les posters géants de l’ex- homme fort de la ville. Ces posters qui inondent encore la ville sont des signes évocateurs qui montrent que la disparition du successeur de Félix Houphouet boigny est encore vive dans l’esprit des populations de Daoukro.
Depuis le mercredi 31 juillet 2024 déjà, les populations de Daoukro ont tenu à rendre un vibrant hommage à l’ex-chef de l’état en organisant une procession dans toute la ville, selon les informations qui nous sont parvenues dès notre arrivée dans la ville. Cette parade toujours selon nos sources a parcouru chaque artère de la ville pour se terminer au siège local du PDCI-RDA.
Ce jeudi, une messe a été organisée à la cathédrale sainte Anne de Pépressou, son village natal.
Chiffres d’affaires en baisse
Daoukro ce vendredi 2 août 2024 très tôt nous prenons la route pour Pépressou, village qui a vu naître l’ex-président du Pdci et ancien président de la République de Côte-d’Ivoire.
À la gare où nous empruntons le véhicule, c’est monsieur Touré Mamadou, président de la mutuelle générale des chauffeurs de l’Iffou (Mugci) qui nous accueille. “Le décès du président Bédié impacte négativement notre secteur. Nos chiffres d’affaires ont drastiquement chuté. Comme vous le savez, notre région avant le décès du président Bédié était beaucoup fréquentée. Depuis son décès et avec la fin des obsèques tout est au ralenti. Nous le sentons. Je prie pour que l’État n’abandonne pas Daoukro. Nos routes qui relient nos différents villages sont dans un état de dégradation avancé. Le président Bédié avait en projet de renouveler notre parc auto, un projet qui nous tenait vraiment à cœur. Fasse Dieu que son souhait soit entendu“, nous a-t-il confié la gorge nouée d’émotions.
Pépressou est situé à 8km de la ville de Daoukro. Pour y arriver, il faut dépasser Dadiekro 1 et Dadiekro 2. Ce qui attire notre attention ici, c’est que ces deux villages n’ont pas goûté aux délices du développement depuis les années de l’indépendance et, ce, malgré qu’ils soient situés à quelques minutes de marche du village de l’ancien chef de l’état. Selon nos sources, seulement 10 maisons par village ont été offertes comme dons par l’ex-chef de l’État. Ces deux villages ont gardé leur architecture postindépendance contrairement à Félix Houphouët Boigny qui avait pris soin de moderniser tous les villages aux alentours de Yamoussoukro.
À notre arrivée à Pépressou, un calme de cimetière plane sur le village. “Pepressou a toujours été un village calme et sans animation particulière comme dans les autres villages. Ici, il y a des jours où vous ne trouvez personne dans le village. Les gens sont plus concentrés sur les travaux champêtres”, nous dit un jeune la trentaine qui avec d’autres jeunes sont à l’œuvre pour faire sortir une bâtisse de terre. “C’est la statue du président Bédié qui sortira de terre dans quelques semaines. C’est une initiative du président Thiam” nous dit le chef de chantier avec un large sourire. Juste à quelques pas de ce chantier se trouve la célèbre chapelle Sainte-Anne, un don du président Bédié à la communauté catholique de son village. C’est au sous-sol de cette chapelle que repose à jamais le deuxième président de la Côte-d’Ivoire. Pepressou est une “ville au village “, propre avec une architecture digne d’un village moderne.
Le palais inachevé de Pépressou (mégalomanie ?)
On ne peut venir à Pepressou sans voir le palais inachevé de Bédié. À quelques mètres de La chapelle Sainte-Anne, un décor triste nous est planté. La brousse s’est emparée d’un vaste chantier en construction.
Il était une fois un palais en construction. On remonte aux années 95-99, le président Bédié était l’homme fort de la Côte-d’Ivoire. Sur ce vaste espace de plus de 4km était en construction un palais digne d’un Palais Royal. Le coup d’état militaire de 1999 a brisé le rêve des habitants de Pepressou de voir sur leur terre la réalisation d’un tel palais. Plus personne sur le chantier. Aucune brique n’y a été posée depuis 99. Le décor nous ramène à celui du palais de Gbadolité appartenant à un certain Mobutu Sesé Seko à la différence que celui de Pepressou était en en construction et Bédié n’y a jamais posé ses valises.
Une question toute aussi légitime se pose : pourquoi ce palais est-il resté en l’état depuis 1999 ? Était-il construit sur fonds propres ou budgétisé sur les dépenses de l’Éat ? Était-Il l’œuvre d’un donateur ? Il va falloir un jour trouver des réponses à ses questions. Une chose est cependant sûre, le palais de Pépressou ne verra jamais le jour, il est classé dans le placard de l’histoire. Une symphonie inachevée.
Retour à Daoukro – Bédié vu par les communautés
Nous sommes à la grande mosquée de Daoukro. Comme à Pepressou son village, le président Bédié a offert une mosquée à la communauté musulmane de Daoukro.
Nos échanges avec des fidèles de la communauté musulmane ont été l’occasion pour nous de constater que le président Bédié avait un lien fort avec cette communauté. La grande mosquée de la ville a été un don de Bédié à la communauté musulmane de Daoukro.
«Le président Bédié était un père et grand-père pour nous. Dans les moments de joie comme dans les difficultés, il était toujours à nos côtés. C’était un homme de paix, un humaniste. Sa disparition laisse à jamais un grand vide pour notre communauté. Ce qui nous reste maintenant à faire, c’est de poursuivre ce qui était essentiel à ses yeux. La paix. Nous devons en faire une religion pour que de là où il se trouve désormais qu’il repose en paix et qu’il soit fière de nous. C’était un homme très ancré dans la tradition mais d’une ouverture exceptionnelle sur les autres confessions. Daoukro perd un de ses plus dignes fils, notre pays perd un homme d’État aux grandes qualités », a dit Traoré Youssouf en larmes.
Idem avec les autres communautés. Le président Bédié était très proche des populations, très ancré dans la tradition. Proche des têtes couronnées.
Une chapelle chrétienne à Pepressou comme don à la communauté catholique, une grande mosquée à la communauté musulmane de Daoukro. Assistance permanente aux autres confessions religieuses. C’est cette image que Bédié a laissé dans la conscience collective dans sa région d’origine et particulièrement à Daoukro et dans son village natal.
Proche des jeunes
IPOU Jean est président des jeunes de Baoulékro un quartier très célèbre de Daoukro. Il a pu nous dire ses ressentis sur la disparition du président Bédié et a profité pour lancer un appel aux autorités de sa localité.
« Difficile de réaliser que notre papa à nous tous, nous a quittés et cela fait maintenant un an. Il est et restera dans la conscience collective. Nul ne peut contre la volonté de Dieu. Nous devons consolider L’héritage qu’il nous a légué : l’amour et la paix. Cultivons l’amour entre nous. Aux autorités mais surtout aux responsables politiques je leur demande de nous épargner la division. Ils doivent mettre au cœur de toutes leurs actions le développement de notre région. On peut faire la politique sans semer la division, nous sommes une famille à Daoukro. C’est en agissant ainsi que nous allons mieux rendre hommage à l’homme de paix que fût le président Bédié », a-t-il conseillé.
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