Refus d’exil et de démissionner, pourquoi Condé reste une épine dans le pied de son ex « bon petit » Mamady Doumbouya, le putschiste

Exil d’Alpha Condé : refus de la junte ou de l’homme ?

Après la mission des présidents Ivoirien et Ghanéen le 17 septembre dernier, tous les médias ont annoncé que la junte refusait de laisser partir l’ex-président Condé en exil.

En réalité, les choses sont quelque peu différentes de ce que disent les médias.

Tout d’abord, Alpha Condé refuse absolument de signer une quelconque lettre de démission, il ne reconnaît pas la légitimité du Comité National du Rassemblement et du Développement (CNRD), l’organe mis en place. Or c’était la première exigence des militaires. Ensuite, Alpha Condé, s’il est maintenant conscient de la nouvelle donne, n’est pas particulièrement enthousiasmé par l’idée d’exil. En revanche, il a émis le souhait de regagner son domicile privé, ce que les militaires ont refusé.

Or la posture de la junte tend à faire croire à l’opinion, qu’elle s’est fermement opposée au souhait de la CEDEAO de libérer l’ex-président Alpha Condé et le laisser partir en exil. En réalité, le blocage vient d’Alpha Condé lui-même.

L’homme sait qu’il a été renversé, mais ne « l’accepte pas ». Et surtout il a un profond mépris pour le Lieutenant-Colonel Doumouya, qui était, rappelons-le, son homme de confiance dans l’armée. Le Groupement des Forces Spéciales avait été créée en 2018, dans le but de contrer toute tentative de déstabilisation en provenance de l’armée dont Condé s’était toujours méfié.

Le Lieutenant-Colonel Doumouya serait ravi qu’Alpha Condé quitte le pays et parte le plus loin possible. Tant qu’il reste en Guinée, la situation peut « évoluer », dans la mesure où il a encore des partisans dans l’armée. Le jour même de l’arrivée des deux Chefs d’État, la junte lui avait donné un ultimatum de « 05 jours » pour signer sa lettre de démission sous peine d’être « traduit en justice ». Alpha Condé a balayé cela de la main. En réalité, une pression est sur la junte tant que l’homme reste dans la place, et l’équation est désormais délicate pour le CNRD, même si on a vu les nouvelles autorités multiplier les rencontres avec les « forces vives », dans le but de convoquer la grande concertation nationale qui jettera les fondements de la transition, selon la formule consacrée. En fait l’inquiétude commence à poindre chez les nouveaux maîtres de Conakry, car la présence d’Alpha Condé sur le sol guinéen peut susciter un malaise dans l’armée.

Concernant le putsch, on en sait un peu plus aujourd’hui sur le déroulé des opérations. Les forces spéciales n’étaient pas en charge de la sécurité du palais, mais disposaient d’une antenne dans l’enceinte. De là, il était facile d’observer le dispositif mis en place pour sécuriser le palais, et le déjouer. Un soldat de garde a expliqué que les éléments des forces spéciales ont mis la tenue des soldats de la garde présidentielle et se sont infiltrés dans leurs rangs. Les forces spéciales s’étaient affranchies de l’armée, le Lieutenant-Colonel Doumouya ne répondait que devant Alpha Condé, pas devant le Chef d’Etat major ou le Ministre de la défense. Il n’a pas fait carrière dans l’armée guinéenne, et avait une relation personnelle avec Alpha Condé, qui le connaissait certainement depuis la France où l’un était en exil en tant qu’opposant, et l’autre dans la légion étrangère de l’armée française. C’est un peu l’image du fils qui poignarde le père dans le dos.

D’aucuns disent que c’est cela qui fait le plus mal à Alpha Condé, l’unité censée protéger son régime, celle qui avait toute sa confiance, s’est retournée contre lui.

Faut-il condamner ou applaudir ce putsch ? Une chose reste certaine, l’armée n’a pas vocation à intervenir dans le débat politique, quelle que soit la crise de l’heure (modification de la constitution, contentieux électoral etc….). C’est dangereux de voir les putschs comme des instruments de résolution des crises politiques internes aux États. C’est encourager d’autres putschs sur le continent, sans garantie que la démocratie sorte gagnante.

Au Mali c’est le doute qui domine. Les militaires ont mis en place une répression rampante. Aucune contestation n’est désormais autorisée, le débat est verrouillé, et les arrestations s’enchaînent. La démocratie est mise entre parenthèses, personne ne sait pour combien de temps, les militaires ne donnant pas l’impression de vouloir s’en aller. La date du 22 février 2022 arrêtée pour la tenue des élections générales, n’est plus évoquée. On parle plutôt de « 18 mois supplémentaires », soit une transition de 3,5 années. Et rien ne permet d’affirmer qu’au terme de cette période, tout soit enfin « prêt ». Or il n’est pas exclu qu’après avoir goûté au fauteuil présidentiel, le Colonel Assimi Goita décide de le conserver sous le prétexte de « continuer l’œuvre entamée ». C’est le grand danger qui guette en ce moment la démocratie malienne.

Le Lieutenant-Colonel Mamady Doumouya s’est largement inspiré du Colonel Goita. C’est dire que l’évolution dans les deux États sera parallèle. D’ailleurs, le Général Sékouba Konaté, l’homme qui avait présidé la transition à la chute de Dadis Camara en Guinée, parle d’une transition qui cette fois doit avoir une durée comprise entre 3 et 5 ans. A-t-il été mis en mission par la junte pour préparer les esprits ? La durée de la transition risque de voir apparaître les premières fissures entre la junte et les partis politiques.

‘’ Nous n’avons plus besoin de violer la Guinée, mais de lui faire l’amour simplement ‘’. Face à des déclarations aussi malheureuses, comment ne pas s’inquiéter de l’état d’esprit, de l’éducation, des intentions du nouvel homme fort de Conakry ? Avons-nous affaire à un gentleman qui tiendra parole, ou à un cambrioleur à qui on a confié la clé d’un coffre-fort ? « Nous CNRD, restons fermes sur nos positions et ne nous laisserons pas intimider par ce syndicat des chefs d’État. Nous n’avons de compte à rendre qu’au seul peuple de Guinée », ont précisé dans un communiqué les nouvelles autorités guinéennes après le communiqué final du sommet de la CEDEAO du 16 Septembre. La junte au Mali s’était montrée beaucoup plus polie.

Tout comme au Mali, il est prématuré d’affirmer que le putsch rapproche la Guinée de la démocratie. Une « opération mains propres » vient d’être lancée, et curieusement elle a pour première victime l’ex-Ministre de la défense, le Dr Mohamed Diané, l’homme qui avait fini par convaincre Alpha Condé des intentions du Lieutenant-Colonel Doumouya. On a du mal à croire qu’en si peu de jour, les investigations ont permis aux militaires de savoir que toutes les richesses répertoriées appartiennent bien à l’homme. ( https://www.afrique-sur7.ci/481588-guinee-junte-depouille-mohamed-diane ). Hélas le moment des règlements de compte semble avoir déjà sonné à Conakry.

Douglas Mountain
oceanpremier4@gmail.com

Commentaires Facebook

1 réflexion au sujet de « Refus d’exil et de démissionner, pourquoi Condé reste une épine dans le pied de son ex « bon petit » Mamady Doumbouya, le putschiste »

  1. Sa démission n’est pas importante. Il ne doit pas quitter la Guinée.Un tel type comme Alpha Condé doit être traduit en justice de son pays et être sévèrement puni.

Les commentaires sont fermés.