Connectionivoirienne.net par Sylvain Debailly à Abidjan
Crise au Fpi – Gbagbo veut un congrès incluant Affi
Informé, Sangaré fait de la résistance et la guerre des clans éclabousse Blé Goudé
Après une première tentative avortée, Laurent Akoun a finalement rencontré le président Gbagbo dans sa cellule du pénitencier de Scheveningen à La Haye le 22 avril 2016. Les deux hommes qui s’apprécient mutuellement avaient alors fait un large tour d’horizon de l’actualité nationale et internationale avant d’aborder l’épineuse crise que traverse le Fpi depuis l’échec du congrès de décembre 2014.
Depuis la fin de cette audience, c’est un silence radio, Laurent Akoun n’ayant pas encore pris la résolution de communiquer sur cette entrevue. Toutefois, apprenons-nous de sources officieuses qu’il a informé son mandant Sangaré Abou Drahamane du contenu de l’entretien. Le « gardien du temple » ne serait pas très emballé par les résolutions prises par son mentor pour régler définitivement la crise au sein de la formation politique et passer maintenant à autre chose.
Il ressort des fuites que, Laurent Gbagbo qui a pris la pleine mesure des choses, conscient des enjeux politiques qui vont déterminer l’issue du procès à la Cpi, a décidé de se déterminer vis-à-vis des clans qui se battent pour lui. Le Woody de Mama, veut rester l’homme de la mesure et du compromis, refusant d’être l’homme d’un clan contre un autre. Il aurait ainsi décidé de s’affranchir de tous ceux qui gravitent autour de lui et qui jusque-là manipulent à leur guise les instructions qu’il donne çà et là. C’est en homme averti, en génie politique qu’il a décidé d’agir et très bientôt, les choses pourraient s’accélérer au sein de sa formation.
Le congrès comme première étape
Dans la guerre des clans qui secoue le Fpi, Laurent Gbagbo, selon nos informations ne cherche pas à savoir qui a raison et qui a tort puisque, heureusement, jusqu’ici, tous se réclament de lui. Aussi sans désavouer Affi et sans rejeter l’offre du camp Sangaré qui fait de lui le seul président du Fpi, l’ex-chef d’Etat qui a mis des mois à examiner tous les scenarios, propose l’organisation d’un congrès dans les plus brefs délais. Pour lui, seul le congrès pourrait mettre tout le monde d’accord sur la suite des choses. Et Laurent Gbagbo souhaite même, selon les mêmes sources, qu’il se tienne avant les législatives de novembre 2016. Il tient à ce que son parti se batte de toutes ses forces pour avoir un groupe parlementaire. C’est seulement en ayant des députés, que le Fpi peut assurer sa survie et avoir droit au chapitre, croit Laurent Gbagbo.
Le dialogue avec le pouvoir Ouattara, une pilule amère mais qu’il faut avaler
Le père du « dialogue direct » aurait également préconisé au Fpi de s’écarter de la voie du déni et du rejet systématique du pouvoir en place. Une solution certes, amère mais à laquelle il tient, assurant qu’il n’y a pas d’autres voies que le dialogue pour sortir de l’impasse actuelle. Cette recommandation s’adresse surtout au camp Sangaré qui fait du « Tout sauf Ouattara » (Tso) son cheval de bataille. On se souvient que lors de sa fête de la liberté à Dabou le 30 avril 2016, prétendant livrer un message de Gbagbo aux militants du Fpi, Sangaré Abou Drahamane avait fait montre de son aversion pour le régime actuel en déclarant : « Je n’ai pas accepté ce pouvoir, je ne l’accepte pas et je n’accepterai jamais ce pouvoir». Pour Laurent Gbagbo, il faut dépasser les rancœurs et les ressentiments nés de la guerre.
D’une manière générale, très bientôt, les lignes pourraient bouger si les deux camps sont convaincus que Gbagbo est le ciment de l’unité. Plus concrètement, il est fort probable qu’après le retour de Laurent Akoun qui a un autre rendez-vous avec l’ex-président de la République le 12 juin 2016, l’on revienne au secrétariat général du Fpi d’avant le 4 juillet 2014 ou au pire des cas celui constitué après la médiation des anciens.
L’imprévisible réaction du pouvoir et l’affaire « Johnny Patcheko contre Blé Goudé »
Si la position du fondateur du Fpi va dans le sens d’un retour à la cohésion dans son parti, reste à prévoir la réaction du pouvoir Ouattara qui n’a pas du tout intérêt que les choses s’arrangent au Fpi. Il n’est pas innocent dans cette guerre pour le contrôle du parti de Gbagbo qui compte plusieurs prisonniers rien que pour cette crise interne. A tort ou à raison, il a conditionné Affi N’guessan qui fait plus son affaire que le camp Sangaré qui refuse de plier l’échine. Il n’est pas exclu que le régime Ouattara multiplie les coups de boutoir dans sa volonté de casser du Fpi. C’est dans ce contexte que s’appréhende l’affaire de la vidéo postée sur Facebook par un certain Johnny Patcheko Antonio et qui accable Charles Blé Goudé.
Ce dernier [Patcheko Antonio] serait d’ailleurs un agent double, selon le Directeur de publication de Connectionivoirienne.net, interrogé depuis La Haye, où il se trouvait le 9 mai à la reprise du procès contre Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé.
De sources crédibles, le fondateur du Cojep aurait fait pression sur son mentor Laurent Gbagbo pour l’amener à régler la crise au sein de son parti et de s’affranchir de tous les caciques qui profitent de sa situation de prisonnier pour se livrer à une guerre de positionnement. C’est cette posture que combattent certains pro-Gbagbo qui veulent que Blé s’éloigne des problèmes du Fpi. « Tous ceux qui sont pour le statu quo actuel au sein du Fpi sont derrière cette vidéo. Le pouvoir comme certains pro-Gbagbo y sont impliqués. Nous les dénoncerons tous en temps opportun. C’est le même réseau qui a réussi à faire passer Affi N’guessan pour un anti-Gbagbo », confie un homme sûr de la galaxie Gbagbo.
Jusque-là, Sangaré Abou Drahamane qui est déjà informé en personne des premières décisions de Gbagbo, fait pour le moment fi de les ignorer. Son antipathie pour Affi N’guessan est trop forte pour qu’il s’incline maintenant. Il le considère comme un militant exclu du Fpi. Ses hommes continuent leur randonnée dans la ceinture d’Abidjan. Au cours de leur tournée, ils se contentent d’annoncer que Gbagbo va revenir bientôt grâce à la mobilisation des militants. Ils excluent de grands sujets comme les législatives et le référendum qui vont pourtant déterminer la vie et le futur de la nation. Pour eux, parler de législatives et d’une quelconque participation à un processus électoral, c’est légitimer le pouvoir Ouattara.
Avec les pro-Sangaré, tous ceux qui luttent pour être adoubés par Gbagbo en 2020 ne voient pas d’un bon œil un retour au calme au sein du Fpi. Des personnalités comme Stéphane Kipré, président de l’Ung, Nady Bamba, la seconde épouse du Woody, Jo Mamadou qui a récemment revendiqué les logos et insignes du Fpi, jouent sur ce tableau. C’est une guerre dans la guerre de succession. Mais, seul, Gbagbo a le dernier mot.
SD
sdebailly@yahoo.fr
Les commentaires sont fermés.