APPEL au peuple Bété « Encourageons Gbagbo à céder pacifiquement le pouvoir »

Par KRAGBÉ NESTOR, Autochtone Bété

En 1982, j’avais 41 ans. Jeune cadre Bété, je me suis retrouvé au milieu de mes aînés du Centre-ouest pour présenter des excuses et demander pardon au Président Félix Houphouët-Boigny, blessé par le « complot des enseignants ». Une période moins noire que
celle de 1970, marquée par l’affaire Kragbé Gnagbé et dont personne n’osait parler, de peur d’éveiller de mauvais souvenirs. Pourtant, un jour viendra où les Ivoiriens doivent ouvrir le débat afin qu’éclate la vérité, pour que nul ne revienne encore exploiter l’ignorance du Peuple pour des visées politiques. Compagnon de Kragbé Gnagbé, la Vérité enfouie en moi, sera révélée ce jour-là. Aujourd’hui, c’est la première fois que je donne de la voix, meurtri par le blocage politique en Côte d’Ivoire. La vérité m’impose de revenir en arrière. En 1982, je me demandais ce qui pouvait motiver la démarche des cadres Bété auprès du Président Houphouët-Boigny. Pourquoi lui demander pardon, parce que notre frère Laurent Gbagbo avait été identifié comme le chef
des comploteurs qui voulaient du mal à la Côte d’Ivoire? Je me souviens encore de ces images, où assis devant Président Houphouët-Boigny, nous avions tous les têtes baissées. Était-ce parce que nous avions peur de cet homme, ou parce que nous avions
vraiment honte? Je crois que les deux sentiments nous habitaient à l’époque. A cause, en réalité, non pas de Laurent Gbagbo, mais de l’affaire Kragbé Gnagbé. Ceux qui connaissent la vérité, savent que parler de complot contre les Bété était de la mauvaise foi.

Yao Ndré prête serment

En 1982, tous les officiers, ministres et anciens ministres Bété, avaient été appelés devant les caméras de la télévision pour condamner sans appel « le complot des enseignants Bété ». Nous avions, à l’époque, présenté des excuses à la Nation tout
simplement parce que nous étions Bété comme Laurent Gbagbo. Il avait été identifié comme le « déstabilisateur professionnel qui manipule les étudiants ivoiriens pour assouvir les desseins de ses maîtres étrangers. » A la différence de Kragbé Gnagbé, Laurent Gbagbo ne manipule pas des analphabètes. J’ai 70 ans aujourd’hui. J’ai vu et entendu beaucoup de choses depuis le 29 novembre
2010, lendemain du second tour de l’élection présidentielle. J’avoue que les deux sentiments qui nous animaient en 1982, devant le Président Houphouet-Boigny, n’ont pas disparu. Ils sont encore là. Ils font souffrir ceux qui à l’époque, étaient allés demander
pardon au Président pour le mal que le frère Laurent Gbagbo avait causé à la Côte d’Ivoire. Je découvre aujourd’hui que le Président Houphouët-Boigny aimait vraiment son pays.

Pendant longtemps, j’ai cru que l’ancien régime PDCI, chaque fois qu’il était en difficulté, créait artificiellement une opposition entre les Baoulé et les Bété. A l’instar de nombreux Ivoiriens, je me suis trompé. Peut-être que l’âge m’a permis de découvrir aujourd’hui la vérité. Je réalise présentement que l’on trompe depuis des années les Ivoiriens à cause du pouvoir. A cause du pouvoir, les Bété sont aujourd’hui vus comme ceux qui veulent détruire la Côte d’Ivoire. A cause du pouvoir d’un seul homme, le Peuple Bété risque de perdre la face devant ses frères du même pays qui a vu naitre nos ancêtres et nos parents. C’est pourquoi, je veux demander pardon à toute la Côte d’Ivoire pour deux raisons.Premièrement. Le 29 novembre 2010, j’ai compris que le mensonge érigé en règle de gouvernement pour conserver le pouvoir en Côte d’Ivoire n’a pas fait gagner mon
candidat. Est-il normal de penser que ce pays doit disparaitre à cause d’une défaite aux élections qui n’est pas la défaite des Bété, mais celle d’un régime qui n’a pas su gérer les contingences du temps. Seuls, les Bété ne pouvaient jamais gagner cette élection
présidentielle. Parce qu’on ne gouverne pas au nom de son ethnie. Le pays Bété qui n’a aucunement profité des bienfaits du pouvoir depuis 2000, date de l’élection de Laurent Gbagbo à la tête du pays, doit-il payer pour les crimes et les fautes de celui qui incarnait le régime? Le pays Bété ne s’est pas construit avec tous ses enfants devenus qui policiers, qui gendarme, qui militaires pour défendre un régime. Le pays Bété ne doit pas disparaitre parce que Laurent Gbagbo a perdu les élections du 28 novembre 2010.
C’est cette vérité que certains frères et soeurs du pays Bété refusent de dire à notre frère Laurent Gbagbo. Les images qui défilent à la télévision ne nous honorent pas. Ceux qui prétendent parler au nom de tous les Bété de Côte d’Ivoire doivent savoir qu’ils ne rendent pas service au fils et au frère Laurent Gbagbo. Les Bété aiment la vérité. C’est pourquoi, en 1982, quand certains d’entre nous, demandaient pardon au Président Houphouët-Boigny pour les fautes commises par Laurent Gbagbo, d’autres parmi nous dénonçaient cette attitude peu courageuse qui consistait à condamner la bravoure de ce fils et frère
illustre.

Il n’y a pas d’unanimité sur cette terre. Nous avons tous cru en la victoire au premier tour, de notre Frère Laurent Gbagbo. Hélas, il n’a pas convaincu les Ivoiriens. Au second tour, son discours de bagarreur effronté n’a pas accroché les Ivoiriens. Les Baoulé sur lesquels la stratégie de la victoire a été construite n’ont pas voté Laurent Gbagbo. Notre Frère Laurent Gbagbo battu dans son propre fief du pays Bété par Alassane Ouattara, soutenu par le PDCI, a bel et bien été battu au Nord, où il n’avait aucune chance de gagner. Notre frère Gbagbo Laurent n’a pas été réélu. Le peuple Bété doit avoir le courage de lui demander de se retirer sans complaisance. Le peuple Bété ne doit pas se laisser manipuler au risque d’accumuler encore plus de honte. Le Peuple Bété ne doit pas
s’aliéner les autres peuples de Côte d’Ivoire, au risque de détruire ce beau pays.

Deuxièmement, pour les crimes de sang commis au nom de notre Frère Laurent Gbagbo. Des crimes commis au nom du pouvoir de Laurent Gbagbo, la Côte d’Ivoire en a enregistré des centaines. Le Peuple Bété, qui s’est emmuré dans le silence coupable
depuis le sang versé de centaines de jeunes Ivoiriens en octobre et en décembre 2000, devra tôt ou tard demander pardon aux parents des victimes et à tous nos frères et sœurs meurtris par la douleur. Parce que l’on nous avait dit que toutes ces personnes
assassinées, s’opposaient à l’accession au pouvoir d’Etat de notre frère Laurent Gbagbo. Ce pardon est vraiment sincère. Il est exprimé par un Ivoirien de 70 ans, qui voit son pays crouler minute après minute, par la faute de femmes et d’hommes politiques élevés dans le mensonge politique et qui n’ont rien perdu des réflexes anciens qui poussaient en 1982, le Président Houphouët-Boigny à dénoncer « ces éternels opposants et ces paresseux, qui ne pensent qu’à danser, chanter et fêter le Bagnon». Frères et soeurs Bété, Peuple valeureux du pays Bété, ne donnons pas raison une nouvelle fois au Président Houphouët-Boigny. Ne donnons pas raison à ceux qui se moquent de nous, quand on choisi de célébrer des « héros étrangers » au détriment de nos parents Biaka Boda et Kragbé Gnagbé.Toi mon compagnon de Cocody, toi ma soeur de Daloa, vous mes frères, descendants de Zokou Gbeuly, et vous autres qui avez choisi l’exil volontaire en fuyant le Guébié pour vous réfugier dans le pays Godié, ne vous taisez plus à cause d’un seul homme. Brisez le silence de la nuit et demandez depuis nos villages au Frère Laurent Gbagbo qui a perdu l’élection présidentielle de céder pacifiquement le pouvoir au nouveau Président de la République. Nos ancêtres nous soutiendront dans la vérité. Ils nous honniront dans le mensonge!

KRAGBE NESTOR, Autochtone Bété,

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