Tribune Gisement « Baleine » l’or noir ivoirien – Entre prospérité et défis de gouvernance (Magloire N’Déhi)

Introduction La découverte du gisement pétrolier et gazier, baptisé par les autorités ivoiriennes « Baleine » est sans nul doute la plus grande découverte d’hydrocarbures dans le bassin sédimentaire ivoirien et le « premier projet zéro émissions » en Afrique. Doté d’une réserve impressionnante de 2,5 milliards de barils de pétrole brut et 3 300 milliards de pieds cubes de gaz naturel, le gisement Baleine propulse la Côte d’Ivoire sur le devant de la scène énergétique africaine. Cette découverte représente une opportunité significative dans l’histoire économique du pays. Jusque-là producteur modeste d’hydrocarbures, avec environ 30 000 barils de pétrole par jour (bp/j), le pays entre désormais dans la « cour des grands » producteurs sur le continent. Grâce à « Baleine », les réserves d’or noir du pays sont désormais multipliées par 20, un exploit qui promet des retombées économiques significatives pour la Côte d’Ivoire. La récente mise en exploitation du gisement Baleine, en Aout dernier, moins de deux ans après la première découverte en septembre 2021, marque un tournant décisif pour la Côte d’Ivoire, offrant une opportunité en or pour propulser l’économie nationale à des sommets  sans précédent. Mais avec de grandes opportunités viennent de grandes responsabilités. Le spectre des « malédictions des ressources » plane sur de nombreux pays riches en ressources, mais malheureusement, tous n’ont pas réussi à naviguer avec succès dans ces eaux tumultueuses. Dans ce contexte, notre analyse vise à explorer les implications économiques, les opportunités, ainsi que les enjeux et défis de gouvernance liés à cette découverte. Nous inspirant des expériences de nations comme le Qatar et la Norvège, qui ont su transformer leurs immenses réserves d’hydrocarbures en héritages durables, cette analyse ouvre par ailleurs des pistes de réflexion pour que cette découverte profite à l’ensemble des populations ivoiriennes en préservant l’intégrité des écosystèmes. Le Gisement Baleine en Côte d’Ivoire : Opportunités économiques et enjeux Avec la découverte du gisement Baleine, la Côte d’Ivoire a ouvert la porte à un futur économique prometteur. Projeté à produire 150 000 barils de pétrole par jour en 2026, le gisement sera une source précieuse de devises, essentielles pour soutenir et renforcer l’économie nationale, tout en alimentant des investissements des secteurs vitaux tels que la santé, l’éducation, et les infrastructures. Avec des estimations financières astronomiques basées sur les prix moyens actuels du pétrole et du gaz, les revenus générés par « Baleine » pourraient transformer radicalement les finances publiques du pays, en représentant une multiple significative du budget national total. En effet, en supposant un prix approximatif de 70 $ le baril (ce qui est une estimation), les 2,5 milliards de barils que vaut ce gisement pétrolier représentent en volume global approximativement 97,635 milliards de francs CFA. Pour le gaz naturel, si nous prenons un prix approximatif et hypothétique de 5 USD par million de pieds cubes (MMBtu) en référence à 2022, cela nous revient à environ 9 200 milliards de Francs CFA pour les 3 300 milliards de pieds cubes de gaz naturel. Soit en total brut de 106 835 milliards de francs CFA. Ce qui représenterait environ 9,13 fois le budget total de l’État de la Côte d’Ivoire en référence à l’année 2023. Ceci suggère que ces revenus hypothétiques des ressources pétrolières et gazières, s’ils étaient pleinement réalisés et alloués au budget, pourraient substantiellement influencer les finances publiques du pays. Cette manne offre non seulement une bouée de sauvetage économique, mais engendrera également un foisonnement d’emplois directs et indirects, essentiels dans la lutte contre le chômage. L’exploitation nécessitant des compétences techniques et spécialisées avancées, des programmes de formation et de développement de compétences pourraient être déployés, propulsant un cercle vertueux de croissance, de transfert de technologies, et d’acquisition de savoir-faire qui permettront d’améliorer les qualifications de la main-d’œuvre locale. Outre, l’impact direct sur l’emploi et les revenus, le gisement va également catalyser le développement d’industries périphériques. Les entreprises ivoiriennes, notamment les fournisseurs locaux, pourront capitaliser sur les opportunités générées par la chaîne d’approvisionnement énergétique du secteur pétrolier et gazier, tandis que l’exploitation de «Baleine» favorisera un environnement propice à l’innovation et à l’introduction de technologies de pointe dans divers secteurs de l’économie nationale. Un gisement de la taille de « Baleine » ne manquera pas d’attirer l’attention et les investissements internationaux, ce qui pourrait renforcer les infrastructures du pays et améliorer la technologie et le savoir-faire. Ainsi, de nouveaux projets d’infrastructure liés à l’exploitation, au transport et au traitement du pétrole et du gaz devront être initiés, incluant la construction de pipelines, de raffineries, de routes et de ports. De plus, ces investissements contribueront au renforcement des infrastructures sociales et éducatives du pays, jouant ainsi un rôle catalyseur dans son développement global. Les enjeux environnementaux représentent aussi un autre enjeu crucial. Les opérations d’extraction offshore peuvent porter préjudice à la biodiversité marine si elles ne sont pas menées de manière responsable et durable. L’adoption de mesures rigoureuses est impérative afin de minimiser l’impact écologique liée à l’exploitation du gisement « Baleine ».  D’autre part, l’exploitation de ces ressources précieuses pourrait aviver les tensions sociales en exacerbant les inégalités et en engendrant des conflits d’intérêts entre les communautés locales, les entreprises extractives et le gouvernement. Il est donc impératif d’instaurer des mécanismes équitables et inclusifs de redistribution des profits, afin de promouvoir le développement socio-économique des régions impactées et à réduire les disparités sociales à travers le pays. Sur le plan sécuritaire, l’exploitation accrue du gisement « Baleine » augmente inévitablement les risques dans la région. Les installations pétrolières et gazières deviennent des cibles de choix pour les groupes terroristes ou pirates, qui peuvent y voir une opportunité de déstabiliser l’économie nationale ou d’exiger des rançons importantes. Ainsi, l’élaboration et la mise en œuvre de mesures de sécurité solides et efficaces, capables de protéger tant les infrastructures que le personnel, se révèlent être une priorité incontournable pour assurer une exploitation sécurisée et durable de ces ressources énergétiques vitales. Concernant la gouvernance, la transparence et la reddition des comptes s’imposent comme des piliers essentiels dans la gestion des revenus provenant de « Baleine ». Ces principes fondamentaux sont cruciaux non seulement pour préserver la confiance des citoyens, mais également pour garantir une allocation équitable et responsable des bénéfices économiques dérivés de l’exploitation des ressources. De plus, il importe pour la Côte d’Ivoire d’éviter de tomber dans le piège d’une dépendance excessive aux hydrocarbures. Bien que « Baleine » représente une découverte significative, il est fondamental de poursuivre la diversification économique afin de minimiser la vulnérabilité face aux fluctuations des prix du pétrole et du gaz sur les marchés internationaux. En définitive, le gisement « Baleine » est sans aucun doute une source substantielle de revenus pour la Côte d’Ivoire, mais il requiert une gestion judicieuse et consciente. En maximisant les avantages offerts par cette opportunité unique, tout en atténuant et gérant minutieusement les risques et défis associés, la Côte d’Ivoire peut positionner « Baleine » comme un pilier de prospérité durable au bénéfice de l’ensemble de la nation ivoirienne. Gestion Responsable du Gisement Baleine : s’inspirer du Qatar et de la Norvège L’histoire de l’exploitation pétrolière et gazière dans le monde est jonchée d’exemples de nations qui ont mal géré leurs richesses naturelles. Pour naviguer habilement à travers ces eaux complexes, la Côte d’Ivoire peut tirer les leçons des stratégies adoptées par la Norvège et le Qatar dans la gestion de leurs ressources énergétiques. La Maturité Norvégienne : prévoyance et durabilité Avec sa gestion prudente et prévoyante des revenus pétroliers, la Norvège se pose en modèle instructif. En effet, Oslo a judicieusement mis en place un fonds souverain alimenté par les profits pétroliers. Cette stratégie avisée vise non seulement à assurer une stabilisation économique face aux imprévisibles fluctuations des prix du pétrole, mais elle assure également que la richesse générée profite aux générations futures, établissant ainsi un héritage de prospérité durable. En outre, la Norvège, avec son engagement ferme envers l’environnement a su adopter des standards rigoureux pour minimiser l’impact environnemental des opérations offshore, montrant une voie durable d’exploitation des ressources. De plus, la Norvège plaçant l’équité sociale au cœur de sa politique énergétique, a prôné une répartition équitable des richesses pétrolières, ce qui garantit une prospérité largement partagée plutôt que concentrée à une élite. L’Approche Qatari : spécialisation et vision globale Le Qatar, de son côté, a élaboré une stratégie astucieuse pour maximiser les bénéfices tirés de ses ressources gazières. Grâce à une spécialisation stratégique, le pays a réussi à dominer le marché global du gaz naturel liquéfié, générant des revenus stables même face à l’inconstance inhérente au marché pétrolier. Conscient de la nécessité de diversification, le Qatar a habilement réinvesti ses profits pétroliers et gaziers dans divers secteurs, de la finance au sport, transformant ainsi son économie. Par ailleurs, l’investissement significatif dans l’éducation et la recherche, et la mise en place d’institutions comme la Qatar Foundation, a non seulement renforcé le capital humain du pays mais aussi préparé le terrain pour relever les défis futurs. Pistes pour la Côte d’Ivoire Ainsi, en s’inspirant de ces deux nations, la Côte d’Ivoire pourrait envisager un fonds souverain similaire à celui de la Norvège, assurant ainsi que les bénéfices de « Baleine » soient un trésor pour le présent et un investissement pour l’avenir. Une approche environnementale rigoureuse, inspirée de l’exemple norvégien, couplée à une stratégie de diversification économique inspirée du modèle qatari, permettrait à la Côte d’Ivoire de bâtir une économie solide et diversifiée, réduisant ainsi sa dépendance aux hydrocarbures. Enfin, la mise en place de structures de gouvernance transparentes et responsables éviterait les pièges de la corruption, garantirait une exploitation équitable et durable de « Baleine » pour tous et assurerait la confiance des populations. CONCLUSION En conclusion, le gisement « Baleine » constitue pour la Côte d’Ivoire une opportunité sans précédent, une chance d’écrire un nouveau chapitre de prospérité et de durabilité. Toutefois, l’exploitation judicieuse de cette manne requiert une planification réfléchie et l’adoption de stratégies éprouvées, permettant de surmonter les défis intrinsèques liés à l’extraction des ressources naturelles. En s’inspirant des pratiques exemplaires de nations telles que la Norvège et le Qatar, et en s’engageant résolument vers une démarche axée sur la durabilité et l’équité, la Côte d’Ivoire peut non seulement optimiser les retombées du gisement « Baleine» pour le présent, mais également en faire un héritage précieux et pérenne au bénéfice des générations futures. Par Magloire N’DEHI, Analyste politique et Conseiller RH

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2 réflexions au sujet de “Tribune Gisement « Baleine » l’or noir ivoirien – Entre prospérité et défis de gouvernance (Magloire N’Déhi)”

  1. Bel exposé mais incomplet ! Le Koweït, l’Arabie Saoudite etc… ont aussi établi des fonds souverains. Ce serait en effet une stratégie visionnaire de la part de notre pays d’en constituer un. Mais l’auteur a manqué un point crucial pour un pays comme le nôtre. Au-delà de ce fonds souverain, on pourrait utiliser cette manne pour bâtir une industrie transformatrice TOTALE, je dis bien TOTALE, de nos matières premières. Plus d’exportations brutes. Si nous établissons cela pour le café, cacao, hévéa, palmier à huile, coton, etc…. croyez-moi, même les ressources financières dûes au pétrole égrenées par l’auteur seront dépassées et cela pour la postérité. Oubliez cet autre avantage comparatif dont nous disposons (depuis hélas toujours sans l’exploiter) c’est faire un peu trop de copier-coller en ignorant la structure même de nos économies… Juste un observateur de passage…. Merci.

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