Robert Mugabe vient d’être victime d’un « pas-coup-d’Etat »

Le »pas-coup-d’Etat » a tous les effets du coup d’Etat mais est qualifié autrement parce que les arbitres des élégances internationales en ont décidé ainsi. Cette « figure de style politique » fleurit en Afrique depuis que les organisations continentales et sous-régionales (Union Africaine, CEDEAO, SADC, etc…) ont édicté une règle selon laquelle elles ne tolèreraient plus de coup d’Etat et qu’elles exerceraient des représailles, mécaniquement appuyées par l’Union européenne et les pays riches en général, en cas de coup d’Etat.
Il a donc fallu habiller ces choses-là.

– On se souvient du « pas-coup-d’Etat » de 2002 en Côte d’Ivoire. Des rebelles ont essayé de faire un coup d’Etat, ont échoué, se sont installés dans le Nord du pays, ont en quelque sorte fait un « semi coup d’Etat ». Contre l’esprit des dispositions anti coup d’Etat, la « communauté internationale » a consolidé leurs positions, en coupant le pays en deux, mais leur a donné un bonus – de nombreux ministères stratégiques dans le gouvernement du président qu’ils n’avaient pas pu renverser. On se souvient aussi du « pas coup d’Etat » de 2010 dans le même pays. A la suite d’une élection chaotique, le chef officieux des rebelles est déclaré perdant par l’institution du pays en charge de désigner le gagnant, mais son auto-proclamation est reconnue par la « communauté internationale » qui l’aide à prendre le pouvoir le 11 avril 2011. Il sera investi un mois après sa prise de pouvoir. Normalisation du « pas-coup-d’Etat ».

– On se souvient du « pas-coup-d’Etat » qui a renversé Amadou Toumani Touré au Mali. Les putschistes ont pris le pouvoir, puis l’ont plus ou moins lâché, mais le président n’a pas été réinstallé. On plaide la « vacance de pouvoir ». Un bancal exécutif politico-militaire de transition est mis en place. Et les sanctions concernant les pays où il y a eu coup d’Etat sont annulées.
– Au Burkina Faso, la révolution contre Blaise Compaoré était un coup d’Etat d’un point de vue juridique, mais un « pas-coup-d’Etat » d’un point de vue politique, puisqu’une transition non constitutionnelle mais validée par la « communauté internationale » a été mise en place.

– Ces formules hypocrites peuvent satisfaire à des projections néocoloniales (comme en Côte d’Ivoire) ou finalement à un souhait légitime de sortir par le haut de situations compliquées, où la légalité formelle fait obstacle, souvent depuis longtemps, à une expression authentique de la légitimité populaire.

– Elles témoignent du caractère problématique de la position de l’Union africaine et dérivées sur le refus de toute accession au pouvoir de nature non constitutionnelle. En effet, ces institutions, par couardise, ne disent rien sur des critères objectifs d’exercice démocratique (et constitutionnel) du pouvoir. Une telle demi-mesure consacre les rentes de situation de ceux des pouvoirs politiques qui ne dérangent pas la « communauté internationale ».

– Mais dans la mesure où elles ne prennent pas en charge la question des transitions démocratiques, et la question de la subversion des institutions, détournées de leur rôle par les pouvoirs en place, elles rendent inéluctables les contradictions accouchant généralement de coups d’Etat. Soulagée dans certains cas, la « communauté internationale » construit alors des théories opportunistes de « pas-coup-d’Etat » en se servant d’artifices divers. Et en fonction de nos intérêts et/ou de notre évaluation, nous soutenons ou pas ces « pas-coup-d’Etats ».

– Mais ces pratiques opportunistes ouvrent la voie à toutes les manipulations des puissants de ce monde, dont l’appareil idéologique construit un « politiquement correct » visant à légitimer certains « pas coups d’Etat » et à considérer comme « démocratiques » (donc insusceptibles d’être renversés par ce qui serait alors désigné comme coups d’Etat) des régimes qui servent leurs intérêts.
– Il me semble urgent de militer pour la mise en place, par l’Union africaine, de critères de convergence démocratiques, d’institutions d’arbitrage politique entre adversaires dans tel ou tel pays, de process de mise à niveau démocratique. A quoi doivent ressembler les institutions électorales de nos pays ? Quels sont les droits intangibles des oppositions en matière de droit de parole dans les médias publics ? Quelles sont les bonnes et les mauvaises pratiques en matière de financement de la vie publique ? Etc. La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a engagé ce travail dans le cas ivoirien, mais tout le monde s’en fiche : pouvoir, oppositions, médias, organisations internationales des droits de l’Homme, « bailleurs de fonds »…

– Et pourtant, ce n’est ni le formalisme juridique hors sol ni l’anarchisme généralisé qui sauveront l’Afrique. En Afrique francophone, l’OHADA harmonise le droit des affaires. Pourquoi ne pas harmoniser les droits politiques ?
– C’est la loi juste qui crée la paix et assure la prospérité.

– J’ai plaidé.

Tambou Tchagain

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4 réflexions au sujet de “Robert Mugabe vient d’être victime d’un « pas-coup-d’Etat »”

  1. Evidemment on occultera à dessein les conditions qui ont amené à la démission forcée du vieux Mugabé.
    Quand au mépris de toutes les règles démocratiques, on se met à purger son propre camp dans le seul et unique but de dégager le chemin pour confier sa succession à sa femme et transformer ainsi le Zimbabwe en une dynastie familiale, moi je dis bravo à l’armée zimbabwéenne d’avoir aider à se débarrasser de ce vieux gâteux qui a complètement perdu la raison.

    Il a 93 ans, il est au pouvoir depuis 37 années et 90% de la population active zimbabwéenne est au chômage. Par décence il aurait du démissionner depuis fort longtemps, mais bon la démission n’est pas dans la culture africaine.

  2. hié!
    Tambou Tchagain
    tu as parlé ho !
    (pas coup d’état en Côte-d’Ivoire)
    bizarrement tu dis pas c’est qui, qui a été victime
    d’un (pas coup d’état)
    ce que moi je sais,
    la Côte-d’Ivoire est une et indivisible.
    il faut être possédé que dis-je ?
    il faut être (posséder) par le diable et
    s’appeler Yao N’dré pour supprimer
    5 régions du pays de la carte pour
    déclarer son vieux copain de classe vainqueur !

  3. Tout est bien qui finit bien… Tout de même, je dirai petit chapeau à Mugabe pour cet acte : LA DEMISSION. J’insiste JUSTE POUR CET ACTE. JUSTE POUR CET ACTE. Il a mis le pays avant lui et ses intérêts et son orgueil. Le PEUPLE ZIBABWEEN SORT GRAND GAGNANT.

    Si gbagba avait eu autant d’intelligence, il ne serait là où il est, et notre pays n’aurait connu une descente aux enfers inutiles avec son cortège de morts dont se moquent pas mal les suppos de ce dernier.

  4. Un ennemi de Gbagbo…pardon…ami de Gbagbo vient de tomber !!!

    Au moins il ne sera pas enfermé derrière 7 portails blindés…Il a ainsi évité de très peu la présidence à vie…lui aussi va connaître la vie d’après présidence et le ciel ne lui tombera pas sur la tête !!!!

    A qui le prochain ???

    té ande

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