Côte d’Ivoire: Une baisse des prix du carburant sans impact sur le coût du transport

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Par Germain Kramo publié en collaboration avec Libre Afrique

Le cours du pétrole connaît une baisse régulière sur le marché international depuis juin 2014. Ayant décidé d’appliquer l’ajustement automatique du prix du carburant à la pompe en fonction de l’évolution du cours du pétrole sur le marché international, le gouvernement ivoirien a régulièrement consenti à des baisses du tarif du carburant à la pompe en 2015. Mais, en dépit de ces baisses du prix du carburant, le coût du transport reste inchangé. Comment expliquer un tel paradoxe ?

Plusieurs facteurs sont à la base de cette rigidité. La détermination des tarifs officiels du transport est fondée sur le calcul des coûts d’exploitation des véhicules. Le carburant semble un intrant principal pour les transporteurs, mais, selon une étude de la Banque Mondiale de 2000, les frais de carburant ne représentent que 20% des charges d’exploitation mensuelles des Gbakas (minibus) assurant le transport en commun entre deux quartiers d’Abidjan (ligne Adjamé-Yopougon Niangon). Donc, 80% des charges d’exploitation mensuelles des véhicules sont dues à d’autres charges. Il s’agit des frais de chargement dans les gares, les contrôles routiers, l’entretien et les petites réparations, le salaire du conducteur et de son apprenti, les impôts et taxes directes, la taxe de stationnement ou la taxe du transport urbain (TTU). Toutes ces charges sont prises en compte dans la fixation du coût du transport qui est jugé élevé par les usagers. Selon le ministre ivoirien du transport, le coût du transport est une entrave à l’activité économique parce qu’il est l’un des plus élevé au monde. Selon les statistiques de la Banque mondiale, en 2014 l’indice de la performance de la logistique de la Côte d’Ivoire était de 2,87 sur une échelle allant de 1 à 5.

Du point de vue des transporteurs la mauvaise qualité des infrastructures routières contribue à la hausse du coût du transport. Le mauvais état des routes entraine des pannes répétitives qui augmentent les charges d’exploitation. En outre, malgré le paiement de nombreux impôts et taxes, il n’existe pas de gares routières modernes exposant les transporteurs au racket dans des gares précaires. Ces rackets dans les gares et les contrôles routiers représentent près de 7% des charges d’exploitation des « Gbakas » assurant le transport en commun entre Adjamé et Yopougon Niangon. Ces rackets sont la conséquence d’une absence d’état de droit et du non-respect des lois.

Mais, en même temps, les transporteurs disposant de syndicats forts dictent leurs lois. Par exemple aux heures de pointe, le coût du transport passe du simple au double. Bref, le laxisme de l’État, le lobby trop puissant des associations des transporteurs, sont des éléments qui contribuent à rendre élevé le coût du transport en Côte d’Ivoire. A l’opposé des transporteurs, les consommateurs ne disposent pas d’associations de consommateurs puissants pour prévenir les abus. Les transporteurs et les usagers ne respectent pas toujours la réglementation en vigueur dans ce secteur. A titre d’illustration, les chauffeurs de taxis à compteurs sont tenus de mettre en marche leur compteur lorsqu’ils prennent un client. Une injonction qui n’est pas appliquée sur le terrain. Cette situation a amené le gouvernement à travers le Ministère du commerce à lancer depuis le 03 août 2015 une campagne de vérification de la conformité des compteurs des taxis de la ville d’Abidjan aux normes légales. Cette opération va durer 06 mois et vise à rétablir la confiance entre les usagers, les propriétaires et les chauffeurs. Il est bon de rappeler que les chauffeurs de taxis sont suspectés de trafiquer les compteurs des taxis. Donc les clients préfèrent « négocier » le coût du trajet plutôt que d’accepter que le chauffeur mette le compteur en marche.

En définitive, bien que les transporteurs soient tout puissants et fassent ce qu’ils veulent, la solution ne réside pas dans le contrôle des prix par l’État. Un contrôle des prix entrainerait une désincitation des transporteurs et rendrait le secteur moins attractif. A titre d’exemple la compagnie publique de transport urbain, la SOTRA, pratique des prix subventionnés et fixés par l’État. Comme conséquence, cette entreprise traine des bilans déficitaires d’année en année. L’une des solutions consisterait plutôt en la réforme de la fiscalité. En effet, les différents impôts et les taxes officiels appliqués au secteur du transport contribuent à alourdir le coût du transport. Une réforme de la fiscalité est donc nécessaire pour réduire la charge fiscale et permettre une plus grande flexibilité des prix dans ce secteur. Cette réforme pourrait consister notamment en la remise à plat des redevances fixes à payer pour avoir les licences d’exploitation. Il est important de ne pas perdre de vue la recherche de rente qui est une source importante de la hausse du coût du transport. Dès lors, le renforcement de la concurrence est l’antidote idéal pour lutter contre les dernières poches de rente.

Par ailleurs, il est besoin de la fixation de règles claires, simples et prévisibles à faire respecter par tous les acteurs du secteur, d’où l’importance de la bonne gouvernance et de l’état de droit. Une autre réforme indispensable à mettre en œuvre au niveau de la gestion urbaine pour améliorer les infrastructures routières, en partenariat avec le secteur privé pour contribuer à la baisse des frais de transport en fluidifiant le trafic.

Enfin, les consommateurs gagneraient à mettre en place des associations de consommateurs actives pour défendre leurs intérêts car personne ne viendra défendre leurs intérêts et pallier à tous les abus et les injustices.

Somme toute, pour faire profiter les consommateurs et l’ensemble de l’économie de la conjoncture énergétique favorable actuelle, le secteur du transport a besoin d’une reforme globale qui prend en considération toutes les composantes influençant le coût de revient. Pour ce faire, une démarche participative, consensuelle est recommandée pour motiver et responsabiliser toutes les parties prenantes.

KRAMO Germain, enseignant chercheur au CIRES – Abidjan

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