Côte d’Ivoire – En l’absence d’une véritable décentralisation, les visites de Ouattara comme un viatique

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En l’absence d’une véritable politique de décentralisation, les visites d’Etat de Ouattara comme un viatique

Qui des cadres de la coalition Rhdp ne fait pas la courbette pour que sa région bénéficie d’une visite d’Etat ? En Côte d’Ivoire, Ouattara n’invente rien. Depuis l’époque de Félix Houphouët-Boigny en passant par Bédié, Guéi et Gbagbo, c’est de façon constante que des visites d’Etat ont été entreprises. Mais ces dernières années, avec Alassane Ouattara, elles sont désormais au cœur de la politique gouvernementale. De sorte que des régions entières ne jurent que par les visites d’Etat. Ultime occasion rêvée pour bénéficier de quelques subsides de l’Etat de Côte d’Ivoire. Ponts, voirie, eau potable, construction ou réhabilitation de classes et de dispensaires, électrification… tout y passe. Pourtant Ouattara en campagne lors des élections de 2010, a promis de faire de la politique de décentralisation l’épine dorsale de sa gouvernance. L’on se souvient encore des pluies de milliards promis à travers, villes, monts et vallées. Devenu président de la République, Alassane Ouattara a opté pour la centralisation et la concentration des pouvoirs dans ses seules mains, ne cédant que ce qu’il a envie de céder. Des conseils généraux, inaugurés par son prédécesseur Laurent Gbagbo, Ouattara est passée à des entités plus éloignées des besoins des populations, à savoir les conseils régionaux qui regroupent plusieurs départements. Aucune évaluation, aucun bilan des conseils généraux n’ont été faits pour savoir s’ils étaient défaillants ou non avant de leur préférer les conseils régionaux. Dans la foulée, il a créé sur papier des districts à l’image de ceux d’Abidjan et de Yamoussoukro sans que l’on ne sache réellement quelle en était l’utilité. Ici, il se rendra compte que c’était du superflu et jamais la loi sur les districts n’a été adoptée. Dans sa volonté à conserver jalousement son pouvoir entre ses seules mains, le chef de l’Etat a, certes, créé les régions mais sans leur donner les moyens administratifs et financiers de leur autonomie. Des régions entières, deux ans après l’installation des conseils, peinent à boucler leur budget et à conduire leurs projets. Le Goh (Gagnoa), Le Haut Sassandra (Daloa), le Béré (Mankono), le Poro (Korhogo) sont parmi les exemples. Hormis les acquis de la visite d’Etat, Korhogo et sa région peinent à réaliser des projets faute d’argent. A Gagnoa, des projets de 2013 en matière d’éducation et d’adduction d’eau sont différés sans cesse. S’ils sont adoptés, leur réalisation tarde à se faire. Voilà comment Ouattara maintient les régions dans la pauvreté pour mieux les contrôler. A titre d’exemple, l’un des budgets les plus élevés pour l’année 2013 fut celui de Daloa et sa région. A peine un milliard de FCFA. Inutile de dire si avec ce maigre budget, le conseil régional peut construire une voie bitumée.
On comprend dès lors l’engouement que suscitent les visites d’Etat d’Alassane Ouattara qui constituent aujourd’hui une tribune de propagande politique sur fonds d’appel de Daoukro. Ce sont les seules occasions où à travers les fonds du Programme présidentiel d’urgence (PPU) entièrement contrôlés par le directeur financier de la présidence Tiéné Birahima Ouattara, l’Etat entame quelques investissements aussitôt délaissés après le passage du président. Quitte aux cadres d’aller négocier après pour leur achèvement. Il en est ainsi des projets routiers de Man après la visite d’Etat de 2012. Pour Alassane Ouattara, les populations doivent le vénérer, adhérer à ses idées si elles veulent bénéficier de ses ‘’bienfaits’’, d’où les promesses récurrentes à l’occasion de ses visites. Ne promet-il pas de bâtir de nouveaux barrages à Soubré après celui en cours de construction, ne promet-il pas le bitumage d’axes routiers pour les années à venir à San Pedro et Sassandra, sous réserve de sa réélection.
Or, il aurait fallu accorder les prérogatives nécessaires aux conseils régionaux pour qu’ils jouent entièrement leur rôle que de faire la courbette. Jusque-là, les pouvoirs promis à travers des textes clairs tardent. Si bien que les préfets donc les représentants de l’Etat central demeurent les vrais patrons de la politique de décentralisation version Ouattara. Tout passe par eux pour voir tel ou tel projet aboutir. Et les conseils généraux demeurent encore des coquilles vides. Peu importe la fanfaronnade de leurs tenants à l’occasion des visites d’Etat.

S. Debailly

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