En Côte d’Ivoire “il y a 700 000 personnes sans nationalité” selon Mohamed Askia Touré du HCR

Apatride

L’Expression par  Nomel Essis et Krouman Issiaka

Qu’est ce qu’un apatride, selon le HCR ?

Selon les conventions de 1954 et de 1961, un apatride est une personne dont la nationalité ne peut pas être confirmée. Ce dernier n’a aucun lien juridique quant à la citoyenneté avec un pays particulier. Il est sans nationalité et sans identité juridique. Ces personnes ne peuvent pas commettre les
actes juridiques les plus banales. C’est-à-dire, qu’il ne peut pas se marier, ouvrir un compte bancaire, passer un permis de conduire, parce qu’il n’a pas de pièces d’identité qui puisse justifier une identité.

Pourquoi le Hcr a-t-il lancé en 2014, une campagne pour éradiquer l’apatridie dans les 10 prochaines années ?

Il y a 10 millions de personnes sur terre, aujourd’hui, qui sont sans nationalité. Le cas de la Côte d’Ivoire nous intéresse particulièrement. Nous estimons à plus de 700.000 le nombre de personnes qui sont apatrides ou qui risquent de devenir apatrides. Toutes ces personnes se trouvent dans une situation de délit juridique. Pour ce faire, ils n’ont aucune possibilité de faire un acte juridique. La campagne que le Hcr a lancée en 2014 pour mettre fin à l’apatridie est de rétablir 10 millions personnes dans le monde.

Comment expliquez-vous ce taux élevé d’apatrides en Côte d’Ivoire ?

La Côte d’Ivoire est un pays ou il y a un taux élevé de migrants. On peut distinguer des migrants historiques De tous les temps, le pays a connu de très fortes migrations.
Il y a aussi une succession de régimes juridiques qui ont trait à la nationalité. Ce régime a été pendant longtemps gouverné par le «Jus Soli» (le droit du sol). Ce droit
prévoyait la nationalité ivoirienne à toute personne née en Côte d’Ivoire. Ce droit a changé en 1972 où nous sommes tombés dans un régime juridique qui s’appelle le «jus sanguini», où la personne acquiert la nationalité que si l’un des parents est ivoirien. De père ou de mère, ce dernier devient ivoirien. De 1961 à 1972, chaque
personne qui naissait en Côte d’Ivoire, était considérée comme ivoirien. Quant la loi a changé, on ne devenait ivoirien que lorsqu’on avait un parent ivoirien. Ceux qui
n’avaient pas acquis la nationalité où qui n’avaient pas fait des démarches nécessaires pour l’avoir, entre 1961 et 1972 quand la loi a changé, se retrouvaient dans une
situation où ils ne pouvaient pa produire de pièces d’identité prouvant qu’ils sont nés en Côte d’Ivoire. Quand vous allez dans des villages reculées du pays, beaucoup de ces personnes vivent de travaux champêtres. Ils mènent des activités qui ne demandent pas nécessairement d’avoir une pièce d’identité. Ils peuvent survivre sans cela. Dans le même temps, lorsqu’ils doivent faire des actions beaucoup plus sophistiquées, c’est-à-dire passer un permis de conduire ou passer un examen scolaire, ils sont contraints de fournir des pièces. Parfois celles-ci ne sont pas conformes. Je dois signaler que le Hcr a pour mandat de s’occuper des personnes apatrides, en plus des réfugiés.

Quel recours la justice offret-elle à ces personnes ne pouvant prouver leur nationalité ?

La Côte d’Ivoire a été à l’avant garde dans la lutte contre l’apatridie. D’abord, le pays a incorporé dans son arsenal juridique les conventions de 1954 et de 1961.
Elle a adhéré à ces conventions en les ratifiant et a permis à son arsenal juridique d’incorporer ces deux conventions. La Côte d’Ivoire a pris une mesure forte par l’élaboration d’une loi sur la nationalité. Cette loi permet l’acquisition de la nationalité par déclaration. Les personnes nées entre 1961 et 1972, qui n’avaient pas la possibilité d’avoir un extrait de naissance permettant d’avoir la nationalité, peuvent déposer une demande de nationalité par déclaration auprès des tribunaux. Une fois la demande déposée, le ministère de la Justice statue pour voir si ces derniers remplissent les conditions permettant d’avoir la nationalité ivoirienne. Si les conditions ne sont pas remplies, ces personnes ne peuvent pas l’acquérir.

Que deviennent ces personnes qui ne remplissent pas ces conditions ?

Elles deviennent citoyennes ivoiriennes si toutefois elles remplissent les conditions. Si tel n’est pas le cas, il faut leur retrouver forcément un lien juridique. Ce ne sont pas toutes ces personnes qui vont remplir les conditions. Peut être qu’elles ignorent leur citoyenneté parce qu’elles n’ont pas fait les démarches nécessaires pour cela. La possibilité de déposer toutes ces demandes devant le juge vont permettre à celui-ci de statuer sur la véritable identité de ces personnes. Cet exercice est important. Et ce dans la mesure où il permettra à toutes ces personnes de justifier de leur nationalité ivoirienne ou autre.

La Cedeao organise le 25 février un sommet sur l’apatridie à Abidjan. Quel est l’objectif visé par cette rencontre internationale ?

De manière concomitante, nous avons décidé avec la Cedeao d’organiser une rencontre sous régionale. C’est une première du genre dans le continent noir pour parler de l’apatridie en Afrique de l’ouest. On parle de 700.000 apatrides en côte d’Ivoire. Ce pays est le seul qui a publié ces statistiques. Les autres Etats ont surement des situations d’apatridie, mais n’ont pas de données statistiques. Il est important que tous ces ministres de l’Intérieur et de la Justice des pays membres de la Cedeao se retrouvent pendant ces assises à Abidjan pour harmoniser les politiques par rapport à cette situation. Nous espérons qu’aux sorties de cette conférence, un ensemble de recommandations vont être adopté. Elles vont permettre d’harmoniser au niveau de la sous région, les politiques par rapport à l’apatridie. Après la conférence, il y aura surement des résolutions.

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