En décembre 2010 dernier, l’élection présidentielle, tant attendue, a finalement eu lieu en Côte d’Ivoire. Ce fut le scrutin le plus mémorable de sa jeune histoire. Cette élection aura eu le mérite de susciter les plus grands espoirs chez les ivoiriens. Et son aboutissement, devrait permettre de ressouder les fissures du tissu social d’un pays fragilisé et de se tourner résolument vers l’avenir.
Malheureusement, les armes néocoloniales se sont substituées au droit légitime des ivoiriens à choisir eux-mêmes leur dirigeant. Certains soutiennent que les armes ont, au contraire, fait respecter le choix des ivoiriens. Et ce choix serait Alassane Ouattara. Alors nous leur demandons: depuis quand la démocratie s’impose t-elle par les armes ? A moins qu’il ne s’agisse ici d’une nouvelle forme de ‘’démocratie’’ conçue, et mise en œuvre depuis l’Elysée. Car la danse de sorcière de la France autour de ce scrutin, le rôle de l’armée française, ne peuvent passer inaperçus. Ces manœuvres typiquement françaises, marquent dans l’esprit des uns et des autres, que cette France n’était pas là, comme elle l’affirme, pour accompagner la démocratie. Il fallait dégager Gbagbo l’insoumis, et installer Ouattara le docile, au nom de l’intérêt supérieur de l’état français.
Un an après ces élections, la grave crise qui ronge le pays est loin d’avoir régressée, bien au contraire. Et comme il fallait s’y attendre, lorsqu’on tient sa légitimé que par la seule force des armes : en lieu et place d’une démocratie apaisée, la Côte d’Ivoire, avec Alassane Ouattara, se retrouve plongée dans une ère de dictature sans précédent.
Ainsi, faut-il savoir que les armes ne sont pas et ne seront jamais un moteur de cohésion sociale. Elles auront certes le mérite d’intimider et de maintenir les gens dans la terreur, mais elles ne peuvent, en aucun cas, constituer un gage d’autorité et de légitimité permanente.
Vous n’aurez pas besoin d’être un expert pour le constater. En Côte d’Ivoire, les déclarations tonitruantes tranchent nettement avec la réalité du terrain. En d’autres termes, les gens au pouvoir ne vous diront que ce qu’ils veulent que vous croyez.
En Côte d’Ivoire, les vainqueurs (sans gloire) de la guerre font à eux seuls la pluie et le beau temps. Les autres, ceux qui ont choisi de rester aux côté d’une Côte d’Ivoire digne et souveraine, ceux qu’on brime et qu’on pourchasse pour avoir une opinion différente. Ceux-là, restent silencieux. Forcés à accepter sans broncher les humeurs pro-Ouattaristes. Ces personnes-là ont choisit de garder le silence devant les bombes qui ont porté Ouattara au pouvoir. Face à la bande de tueurs pompeusement appelée ‘’forces républicaines de Côte d’Ivoire’’, en mission commandée pour continuer le sale boulot entamé par l’armée française.
Ces ivoiriens restent silencieux devant le harcèlement de la presse libre à travers les suspensions fantaisistes du CNP ; la tentative ‘’d’assassinat’’ du FPI ; la mascarade d’élections législatives en cours ; la confiscation des maisons, des champs, des voitures et autres biens personnels par les hommes armés de Ouattara ; le dégommage d’autorités municipales et préfectorales soupçonnés de soutenir Gbagbo ; les propos méprisants et arrogants des nouvelles autorités grisés par un pouvoir inespéré…. Mieux, ces ivoiriens sont restés silencieux devant l’arrestation et la déportation récente du président Laurent Gbagbo à la CPI.
A ce sujet, les rumeurs les plus alarmistes avaient circulé. L’on a cru que ce serait la goutte d’eau qui ferait déborder le vase. Mais rien n’y fit. Ces hommes, ces femmes, ces jeunes ivoiriens n’ont toujours fait aucun bruit. Face à toutes ces provocations, pourtant dignes de révoltes, ces ivoiriens ont choisi d’observer un moment durant lequel ils ne font aucun tapage.
Un silence intriguant, quand on connait l’histoire passée et récente du peuple ivoirien. Comment ne pas se rappeler que ces ivoiriens se sont brillamment illustrés à travers de grands moments de sursauts et de mobilisations sans pareil ? Les années 90 avec les mouvements grèves et de revendications sociales. Ces mouvements populaires qu’on a appelé ‘’pression de la rue’’ ont contraint Houphouët Boigny, le premier président de la Côte d’Ivoire, à accepter le multipartisme. Puis en 2000, ce fut le temps du putschiste Robert Guei, chef de la junte militaire au pouvoir, de prendre la poudre d’escampette, face à la rue, malgré ses fidèles soldats lourdement armés. Puis suivirent les différentes mobilisations contre la tentative de hold-up de Linas Marcoussis…
Ce silence, cette absence de réaction, étonne donc plus d’un et donne à réfléchir. Est-ce de la peur, de la léthargie ou du repli stratégique ?
Certes, il y eu des réactions. Mais l’on s’est contenté de déclarations écrites ou de simples communiqués, puis, on en est resté-là.
Alors les supputations vont bon train. Pour certains, notamment proches du pouvoir, il s’agit du vieil adage : « qui ne dit rien consent ». Pour eux, il cette absence de réaction est un acte de reconnaissance de la légitimité d’Alassane Ouattara. Un « signe de symbiose manifeste entre un chef d’état et son peuple ».
Dites donc ! Le peuple ivoirien serait-il devenu masochiste au point de se complaire dans sa propre douleur ? Quelle injure ! Même pour les plus fidèles suiveurs d’Alassane Ouattara les faits sont là, implacables : le pays est loin d’être un havre de paix et un exemple de démocratie. Les dérives grossières du pouvoir leur font quelques fois honte, avouent-ils. D’autre part, Ouattara, devrait savoir qu’il est de ces silences-là, qu’on ne peut acheter. Ni à coups de pluies de milliards, ni de relance économique et de promesses démagogiques.
Pour d’autres, il s’agit tout simplement de la peur. Un genre d’omerta ivoirienne. Eu égard la barbarie sauvage de l’attaque dont la Côte d’Ivoire a été victime. La violence inouïe à travers laquelle s’illustrent les forces combattantes d’Alassane Ouattara et dont eux seuls en détiennent le secret. Le tout, dans une quasi impunité, au vue et au su des nouvelles autorités. Cela expliquerait donc l’appréhension d’éventuels indignés et candidats aux manifestations populaires.
On rencontre aussi ceux qui sont impatients. Ceux qui s’insurgent contre ce silence. « Jusqu’à quand les ivoiriens accepteront-ils de subir le mépris, l’arrogance de Ouattara et de ses alliés ? », s’indignent-ils.
Malgré tout, les ivoiriens restent silencieux. Un silence doublé d’une patience à toute épreuve.
Silence et patience, deux vertus de la sagesse divine. Ce silence souverain, qu’on a du mal à cerner, a manifestement un caractère qu’on pourrait qualifier de divin. Tant il échappe au contrôle du commun des mortels et aux prévisions des analystes les plus chevronnés.
Ce n’est ni le signe d’une abdication ni une indifférence. Connaissant les ivoiriens, pour nous-mêmes en être, ce silence est loin d’être une fin en soi. C’est un « élément dans lequel se façonnent les grandes choses » (Thomas Carlyle).
Ne nous leurrons pas, la tempête ivoirienne n’est pas passée, elle est encore là, devant nous, furieuse et menaçante. Avec Ouattara, nous le disions tantôt, la Côte d’Ivoire n’est pas sortie de l’auberge. Mieux, Gbagbo à la CPI ; le FPI écarté du jeu politique ; des ivoiriens maintenus en exil, certains pourchassés, contraints de se terrer ; la presse libre en danger ; des populations entières subissant jour et nuit les pires exactions des FRCI à la solde de Ouattara ; des policiers, gendarmes et miliaires relégués au second plan, au profit d’analphabètes notoires ; des cadres rétrogradés ou tout simplement dégommés du fait de leurs accointances avec le camp de Gbagbo ; des paysans spoliés de leurs terres, vivants dans la terreur…
Non, c’est un silence sur lequel Ouattara et consorts ne doivent se méprendre. Un silence nourrit par la colère sourde, la rage étouffée, l’indignation contenue, la douleur endurée par des cœurs meurtris.
Ce silence là, est semblable à celui qui précède les grands bouleversements, qui annonce le tsunami.
Et lorsque viendra le temps de briser ce silence, ce sera une réaction qui surprendra plus d’un par son caractère spontané et inattendu. Lorsque viendra cette heure, le monde entier en sera plus que surpris, se demandant s’il s’agit bien de ces mêmes ivoiriens d’aujourd’hui. Ce jour-là, ni armes, ni chars, ni fusils, ni roquette, ni aucune armée quelconque ne pourront rien y faire. Ce sera un processus irréversible, née pour atteindre son objectif : libérer la Côte d’Ivoire, et partant, l’Afrique du joug néo-colonialiste.
Ceci n’est point un appel à la révolte, comme aiment à le crier ces derniers temps, les nouvelles autorités se sachant assis sur des braises. Nous n’en avons même pas la prétention. Nous nous en remettons simplement à celui qui a dit : « à moi la vengeance, à moi la rétribution », pour que de ce silence qui en dit long, jaillisse la liberté et la dignité du peuple souverain de Côte d’Ivoire.
Marc Micael – zemami1er@yahoo.fr
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