Commentaire – Profession de foi ou l’art de croquer du journaliste sans donner l’air de violer la loi

Le Nouveau Courrier

Que veut-on prouver au juste ? Qu’on n’a pas peur ? Qu’on s’en fout ? Qu’après Notre Voie, on peut s’en prendre à Le temps, à Le Nouveau Courrier, et autres. Que si on ne l’a pas encore fait, ce n’est pas par peur, mais plutôt par pitié. Nous voulons montrer que l’Etat n’a pas d’amis. Qu’on ne badine pas avec l’autorité de l’état. Un mot que les anciens dirigeants aimaient eux aussi, très bien… Que ça ne vous étonne pas, tout le monde a la même réaction, à l’épreuve du pouvoir…. Ah oui, c’est une réalité avec laquelle il faut faire. Ceux de la presse, qui croient qu’ils sont nos amis, doivent donc bien se tenir. Nous n’avons que faire des jérémiades du Gepci, des états d’âme de l’Unjci, des élucubrations de Reporters sans frontières. Ils peuvent brailler tant qu’ils veulent. Si à la moindre grogne de Reporters sans frontières et des autres, Laurent Gbagbo se déculottait, c’est bien parce qu’il n’était pas légitime. Nous nous sommes bien élus. Nous sommes soutenus par toute la communauté internationale. Et puis nous savons bien contourner la Loi. Le procureur Tchimou était moins futé que nous. Son combat, contre le Nouveau courrier pour vol de documents administratifs était du pipeau. En plus, c’était son combat à lui. La République n’avait pas à payer les dysfonctionnements intervenus dans son secrétariat. Nous, notre dossier est solide. Avec la jolie trouvaille de délit commis par voie de presse, on va pouvoir taper et frapper les journalistes tranquillement. Solution pour le travail, pour le chômage. Solution pour la justice, et pour la presse ! Tout est possible et permis, tant qu’on ne ferme pas RFI, France 24 and co ; tant qu’on n’assassine pas un Jean Hélène, tant qu’un Kieffer ne disparaît pas. Vous savez, Gbagbo n’était pas toujours fin. C’était grossier de faire déchirer les journaux, de faire attaquer les sièges des rédactions, d’envoyer des militaires devant des imprimeries. Nous on fera les choses, avec plus de finesse, tout en restant sourds à toutes les protestations. Pour qui se prennent-ils ces journalistes, qui se croyaient intouchables ? Bientôt, on leur fera le coup de Ben Ali à Taoufik Ben Brik : mettre des femmes et des hommes sur leur route, pour les provoquer ; quand ils vont réagir et faire des palabres et du scandale, la sécurité débarque, et on leur colle un délit de droit commun. Ce n’est pas tout, on a tout un arsenal. Souvenez-vous : une fois, Laurent Gbagbo a fait arrêter un journaliste, pour avoir parlé avec un militaire, pour obtenir des informations. Il a été accusé de complicité de coup d’Etat. Même en faisant leurs investigations, on peut leur coller des délits de tentative d’escroquerie et de chantage. De toutes les façons, on les avait déjà prévenus au cours d’un conseil des ministres. La justice est libre, mais elle doit tenir compte de l’environnement. L’environnement est que le gouvernement a besoin de tranquillité. L’environnement, c’est que les organes de régulation n’arrivent pas à réguler les choses. La justice est indépendante. Il faut la laisser faire son travail, et aller à son rythme. Ce que nous ne comprenons pas, ce sont quelques journalistes pro-Ouattara, qui se la jouent bonne conscience. Nous on fait le sale boulot pour eux. Les gens de Notre Voie, d’ailleurs, voulaient finir avec eux, sous Gbagbo. On fait leur travail, on les venge un peu seulement, et ils ne sont pas d’accord. Gouverner, c’est accepter l’ingratitude des siens. Même si les journaux cessent de paraître durant un jour, la justice ira selon son rythme. Elle a bien mis huit mois, pour obtenir le transfert de Laurent Gbagbo. Les journalistes et ceux de Notre Voie, doivent bien être heureux, qu’on mette l’affaire en flagrant délit. C’est vrai que les écrits des journaux de l’opposition, n’ont pas encore changé, mais on s’en fout. Notre vrai problème n’est pas de moraliser vraiment la presse, encore moins la professionnaliser. D’ailleurs pour montrer que nous sommes dans l’impartialité, dès que l’occasion se présente, nous allons rabattre le caquet à Reporters sans frontières et aux autres, en tapant un peu dans nos rangs. Que nos amis de l’Intelligent, de Le Nouveau Réveil, de le Patriote, de L’Expression, de Le Mandat, de Le Démocrate, et nous presqu’amis de Soir Info et de l’Inter, qui pensent qu’on ne voit pas le dos des nageurs, soient vigilants ! Intelligence avec l’ennemi, complicité d’appel à la révolte et à la déstabilisation, ça existe aussi pour nos amis qui, au lieu d’avertir la police, ou de se taire, dévoilent tous les jours des coups d’Etat. C’est bien d’aimer le Président Ouattara, mais quand on est au courant d’un coup d’Etat en préparation, on va voir la police, le procureur ou autre, on n’étale pas les choses dans la presse, à moins de vouloir perturber l’activité économique. La rigueur Ouattara, n’est pas un vain mot. Elle ne met personne à l’abri. Mais la liberté de la presse existe, n’est ce pas ?
Charles Kouassi

L’Intelligent d’Abidjan

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