Alexandre Lebel Ilboudo – Journaliste « L’attribution du Super Ebony 2010 ne se justifie pas »

Chef du Service des grandes enquêtes au quotidien Le Patriote, Alexandre Lebel Ilboudo a figuré parmi le trio nominé en presse écrite dans la course à l’Ebony. Le Jury l’a déclaré 3é lors de la 13é édition de la soirée des communicateurs. Informateur.net l’a sollicité pour un entretien critique de l’évènement.

Quelle est votre réaction après les résultats du jury du concours Ebony qui vous a proclamé 3é meilleur journaliste de l’année 2010 ?

Je voudrais dire un sincère bravo au président de l’Unjci, Mam Camara, et à son équipe pour avoir pu organiser cette soirée parce que ce n’était pas évident, cinq mois après la crise que nous avons connue. Ce sont des partenaires qu’il fallait mobiliser et de gros moyens. Ce n’était pas gagné d’avance pour Mam. Maintenant en ce qui me concerne, c’est d’abord un sentiment de joie de se savoir parmi le trio meilleur de l’année 2010. Autant je peux avoir rêvé d’Ebony ou du super Ebony ce qui me semble légitime, autant ils sont nombreux des journalistes ivoiriens qui ont souhaité atteindre ne serait-ce que le niveau de reconnaissance de leurs compétences à l’échelle nationale. C’est en cela que je me réjouis et considère ma place avec honneur. Je crois que c’est la première fois que le journal qui m’emploi est nominé. Je fais modestement partis des meilleurs. Et quand on est à ce niveau, on doit y rester. C’est ce que je retiens humblement de cette compétition.

La Super Ebony 2010 est une femme, Irène Bath. Quel commentaire ?

On a eu, par le passé des femmes Ebony comme Marie Laure Digbeu et bien d’autres à la Radio et à la Télé, mais c’est la première fois qu’on a en Côte d’Ivoire une consœur Super Ebony. C’est une première qui mérite d’être saluée à sa juste valeur. Il faut encourager par la même occasion les femmes à compétir. Nous exerçons un métier ingrat qui ne nous assure aucune richesse matérielle. Notre consolation, c’est la reconnaissance de nos mérites, surtout quand cela vient des confrères et de l’opinion. Je félicite Irène Bath pour cette distinction. Vous voyez bien qu’elle nous a battus, nous les hommes. Je veux parler d’André Sylver Konan et moi-même. C’est ça la compétition. Je suis heureux pour elle.

Vous avez pourtant été l’an dernier le meilleur journaliste africain en décrochant le prix CNN à Kampala?

Ca été un moment formidable dans ma vie et dans ma carrière. J’obtenais ce prix dans ma dixième année de carrière journalistique. Ça été pour moi un décanat bien rempli. J’ai été le premier journaliste de la presse privée ivoirienne à avoir remporté ce prix. C’est un honneur. Les deux qui l’ont remporté avant moi venaient de Fraternité Matin.

Beaucoup avaient parié sur vous dans la course à Ebony…

S’ils se sentent déçus, je les comprends. Mais ce n’était qu’une compétition. En effet, j’ai reçu beaucoup de coups fils des amis d’Afrique et des Etats unis. Des relations que j’aie depuis ma distinction à CNN. Des gens qui suivent mes productions et mon travail et qui estiment que ce que je fais est au dessus de la moyenne. Personnellement, ces encouragements valent plus qu’un prix pour moi et me confortent dans mon travail. Mais une compétition est une compétition, et nul n’est jamais assez intelligent ou assez chanceux pour être toujours le premier. L’essentiel était d’être parmi les meilleurs.

Si l’on vous demandait de jeter un regard critique sur le travail du jury. Que diriez-vous ?

Ce type d’exercice venant de la part d’un candidat est vite perçu comme les sentiments d’un mauvais perdant. Mais je voudrais prendre le risque de dire, par devoir de sincérité, ce que je pense plutôt du concours Ebony. Je crois, pour avoir suivi son évolution depuis 2000, que c’est un prix qui est encore entouré de beaucoup de préjugés. Le président de l’Unjci devrait, à mon sens travailler, à briser cela pour faire en sorte que les journalistes aient moins le sentiment que les dès sont pipés d’avance.

C’est ce que vous pensez aussi ?

Personnellement je me suis posé beaucoup de questions en 2005 où j’ai participé pour la première fois à ce concours. J’étais à l’époque chef de service Société au quotidien Le front qui appartenait au ministre André Louis Dacoury. Un organe proche des Forces nouvelles. Je me suis entendu dire par un proche d’un membre du jury qu’un journaliste à « Le Front » ne peut pas remporter l’Ebony. Mais j’étais déjà dans la vitesse de croisière qui m’a valu le prix Cnn en 2010. Je peux vous avouer qu’après 2005, j’avais arrêté de participer à ce concours par principe. Parce qu’avec de telles considérations, on n’était pas loin de dire qu’un Ilboudo ne peut pas aspirer aussi à Ebony en Côte d’Ivoire. Mais je suis convaincu que cela n’enlève rien à mes compétences et à la qualité de mes productions. J’ai été dans la course cette année car le jury permanent m’a présélectionné. Mais, là aussi, je dois avouer que par deux fois, j’ai dû aller compléter mes dossiers qui ont été perdus. Et je ne pense pas être le seul dans ce cas. César Etou et Mam Carama peuvent confirmer ce que je dis. C’est pour vous dire qu’il y a encore beaucoup de choses à parfaire pour rassurer les journalistes et crédibiliser davantage le prix Ebony.

Vous avez des propositions à faire dans ce sens ?

Je vais être sincère. C’est frustrant qu’une soirée comme Ebony soit prise en otage par des hommes d’affaires et des gens qui n’ont rien à voir avec la profession, alors que les journalistes eux-mêmes ne peuvent pas accéder à cette soirée. Dans le fond, je disais qu’il faut aller vers la crédibilisation du prix Ebony, d’abord dans notre propre milieu entre nous journalistes. Puis entre l’opinion publique et nous. Il faut une relation de confiance. Ebony et le Super Ebony doivent être au-dessus de tout soupçon. Vous savez, par le passé on avait des gens qui trichaient en s’appliquant juste pour obtenir ce prix. Après, ils retombaient dans l’attitude du moindre effort du point de vue professionnelle. Incapable même à la limite de rédiger une simple enquête expresse. Si l’Unjci a eu la noble idée de mettre en place un jury permanent, il va de soi que les plus méritants doivent être choisis parmi ceux qui sont constants dans la production des grands genres. Parce qu’il s’agit d’un modèle que l’on recherche et qu’on veut promouvoir. Mais pas des gens qui l’obtiennent comme par hasard et qu’on ne revoit plus. Qui plus est, l’ensemble de leurs productions n’atteste pas parfois d’un parcours exemplaire. Il faut corriger cela. Ma conviction est qu’un bon jury pour le prix le plus prestigieux en journalisme en Côte d’Ivoire devrait aller plus loin que ce qu’on a. Il faut maintenir le jury permanent qui fait la première sélection. Mais il faut en dernier ressort associer aussi des professionnels venant d’autres pays de la sous-région ou d’ailleurs pour le travail final. La pratique du métier étant universelle.

Vous n’avez pas confiance au jury national ?

Ce n’est pas ce que je dis. Ce sont d’ailleurs des gens que je ne connais pas. Ce sont des hommes et des femmes de grandes qualités et de grande probité sans doute. Mais je parle de généralité et je dis ce que j’estime bien pour conforter le crédit de l’Ebony. Par exemple, comment ce jury justifie t-il l’octroi du super Bony 2010 alors qu’il n’y a eu ni Ebony Télé ni Ebony Radio cette année. Quelle compétition y a-t-il eu au niveau des Ebony ? Cela obéit à quelle logique raisonnable ? Moi je n’en vois pas. Ce sont des actes qui prêtent à polémique et devant lesquels on ne saurait garder le silence. En Côte d’Ivoire tout le monde sait que la presse est inféodée à des partis politiques. Et qu’autant la presse est politisée, autant des juges peuvent avoir du mal à se départir de leurs convictions politiques pour reconnaître avec objectivité un travail bien fait. C’est une réalité qu’on ne saurait occulter. Fort heureusement, un jury ne confère pas des compétences ou des talents. Et Dieu merci, il y a d’autres alternatives à Ebony à l’échelle africaine et internationale en journalisme. Comme les prix Cnn, Lorenzo et même RFI. Cela dit, il faut créer de l’attraction autour de l’Ebony. Parce que les promesses d’une villa ou d’une voiture ne suffisent pas à motiver des journalistes à postuler massivement à Ebony s’ils n’ont n’a pas le sentiment qu’ils seront jugés à leur juste valeur, si l’on devrait y aller avec le sentiment que les considérations non professionnelles entourent ce concours. C’est ma conviction et je l’assume.

Nous avons appris la sortie prochaine de votre premier livre. De quoi parle cet ouvrage?

En effet, c’est un recueil de dix nouvelles, intitulé « Insurrection » qui sera, début décembre, en librairie. Je l’édite à compte d’auteur. Il s’agit d’un roman qui se présente un peu comme un tableau synoptique des dix dernières années de la crise ivoirienne. J’ai eu le privilège d’être témoin des faits, j’ai le devoir, en tant que journaliste, je crois, d’écrire pour lutter contre l’oubli. Vous découvrirez l’ouvrage dans quelques semaines. J’espère que votre portail m’appuiera dans la promotion.

Charlène Adjovi, Informateur.net

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