Chronique: La Côte-d’Ivoire à la reconquête d’une grandeur altérée

Par Jean-Baptiste Placca Source: RFI

Au-delà des mots choisis pour définir les missions assignées à la Commission installée ce 28 septembre à Yamoussoukro, il y a, chez les Ivoiriens, comme une grande souffrance, presqu’un sentiment de déchéance, par rapport à l’idée qu’ils se faisaient d’eux-mêmes et de leur pays.

Les maux dont doit guérir la Côte d’Ivoire remontent à bien plus loin que les élections de novembre 2010, et même que la rébellion de septembre 2002. Le sentiment d’exclusion, chacune des grandes composantes de la nation a pu, au fil des quinze dernières années, s’en estimer victime. L’impression de la confiscation de l’Etat et de ses moyens par ceux qui sont au pouvoir, tous l’ont eue !

 

A la reconquête d’une grandeur altérée

(02:24)

Au-delà du dialogue, de la vérité et de la réconciliation prônées, la sincérité de tous et de chacun sera déterminante dans la reconquête de la grandeur altérée, sinon perdue, de la Côte d’Ivoire. On a compris que la référence absolue est Félix Houphouët-Boigny, à qui Laurent Gbagbo lui-même s’est parfois oublié à rendre hommage.

Houphouët-Boigny aimait suffisamment son peuple pour lui éviter tout ce qui pouvait le déchirer. Il a même su rendre son pays enviable dans toute la sous-région.

Lorsque, à la suite du fameux discours de François Mitterrand à La Baule, en 1990, il a senti son pouvoir vaciller, le « Vieux » a clairement laissé entendre qu’il était prêt à quitter le pouvoir, mais demandait à ne pas le faire dans un contexte de désordre. Ce n’était pas de la ruse. Et, plutôt que de voir son pays à feu et à sang, il se serait certainement éclipsé. La nature lui a évité une telle fin…

Les Ivoiriens n’imaginaient pas devoir un jour connaître un coup d’Etat, un pouvoir militaire, la promiscuité avec les armes et, finalement, la guerre. Ils savent, à présent, à quel point ces fléaux peuvent compromettre l’envol d’une jeune nation. Après avoir goûté à tout ce qui leur a été servi ces quinze dernières années, ils ne peuvent que mieux apprécier les vertus de la paix, en attendant la prospérité, si les dieux sont cléments.

L’essentiel, le plus dur, sera d’éviter que les salles d’audience de cette commission ne se transforment en un confessionnal public pour les seuls « vaincus ». Cela est aussi valable pour la justice, pour le moins sélective, jusqu’à présent, dans les inculpations. Et l’opinion ne peut durablement accepter cette sélectivité, qu’un ministre a cru devoir justifier par cette belle mais combien redoutable notion de « justice de l’évidence ».

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