La Côte d’Ivoire est en chantier, dixit Alassane Ouattara. Une précision de taille : les chantiers de ses prédécesseurs !
«La cérémonie (lancement du troisième pont, ndlr) marque le départ d’une série de grands projets tels que prévus dans mon programme de gouvernement, l’autoroute Abidjan-Bassam, le pont de la Marahoué, le pont de Jacqueville, les travaux de voierie à Abidjan et à l’intérieur du pays. Le pont Henri Konan Bédié en est la toute première illustration», a indiqué Alassane Ouattara, à l’occasion du lancement officiel des travaux du troisième pont devant relier Marcory et Cocody.
Si l’Ivoirien consciencieux ne peut bouder son plaisir et dissimuler sa fierté de voir que la Côte d’Ivoire se remet en chantier, il ne peut toutefois s’empêcher de faire remarquer que c’est sur une page déjà noircie par les idées lumineuses de Laurent Gbagbo que Alassane Ouattara veut réécrire l’histoire de la Côte d’Ivoire à son profit. Il appelle cela son programme de gouvernement. Ouattara n’a donc rien à proposer.
Concernant ce fameux troisième pont, il est bon de noter que c’est un projet vieux de quinze ans, qui fait partie des «douze chantiers de l’Eléphant d’Afrique» de Henri Konan Bédié, alors chef de l’Etat. Et comme Ouattara l’a si bien noté, ce projet n’a pu prendre corps -alors que les travaux de déguerpissement avaient été réalisés et le bouclage financier terminé avec la France – parce que «les circonstances de l’histoire ne lui ont pas permis d’arriver au terme de son projet». En fait de circonstances de l’histoire, le nouvel homme fort d’Abidjan veut parler du coup d’Etat dont a été victime en 1999 N’zueba. Un coup d’Etat mené par des hommes proches de Ouattara. Un coup d’Etat malencontreux… d’où l’hommage à lui rendu.
Par la suite, Laurent Gbagbo a pris le relais. D’abord avec la Chine qui proposait un financement deux fois moins disant que la France après un appel d’offres (environ 60 milliards FCFA contre 129 milliards FCFA). Le début des travaux était prévu pour début 2009, comme l’avait annoncé le ministre Patrick Achi (le même!) alors ministre des Infrastructures économiques à la fin d’une table-ronde organisée sur le financement du troisième pont en août 2008 : «Nous n’attendrons pas que tous les bailleurs de fonds privés intéressés mobilisent des ressources. Nous avons fixé une date au terme de laquelle la différence à financer entre le montant nécessaire et celui proposé par les bailleurs de fonds privés soit financée par l`Etat. On considère que le mois de décembre sera la date butoir pour la réception des manifestations d’intérêts des différents bailleurs de fonds. Au terme de cette date, le chef de l’Etat (Laurent Gbagbo, ndlr) et le Premier ministre (Soro Guillaume, ndlr) ont déjà indiqué au ministre des Finances (Charles Koffi Diby) et à nous-mêmes, la nécessité de mobiliser au niveau des finances publiques, les ressources pour combler le gap afin que, dès le début 2009, les travaux reprennent ». Acte !
Les Chinois s’apprêtaient à commencer les travaux quand, pour des raisons politiques (préparation des élections courant 2009), un accord est conclu avec le groupe Bouygues qui reprend le dossier. Les discussions reprennent et une nouvelle date est choisie pour démarrer les travaux de construction : le 19 février 2010. Malheureusement, éclate l’affaire Robert Beugré Mambé qui fait tomber le gouvernement et fait changer le ministre des Infrastructures économiques. Dans la foulée, la suite des échéances électorales cristallisent toutes les attentions, et tous les projets d’investissement sont mis en sourdine. Acte !
Quant au projet de construction de l’autoroute Abidjan-Grand Bassam (un autre chantier de Henri Konan Bédié), il a été activé sous Laurent Gbagbo. Le 21 juillet 2010, le nouveau ministre des Infrastructures économiques, Dagobert Banzio, lançait officiellement, à Grand-Bassam, l’étude portant sur l’impact environnemental et social. Dans son allocution, il souhaite que le temps imparti pour ladite étude se fasse rapidement pour le démarrage des travaux. La construction de cet ouvrage était prévue d’entrer très rapidement dans sa phase active. Les travaux devraient durer 22 mois et coûteraient à l’Etat 60 milliards FCFA.
Profitant de cette occasion, le député-maire de Grand-Bassam, Jean Michel Moulod, a plaidé la prise en compte de l’assainissement de sa commune. Kablan Duncan, Ezan Akélé, Achi Patrick, Kobena Kouassi Adjoumani et Adou Kouaho sont des témoins vivants. Acte !
Pour le pont de Jacqueville, la mémoire collective retient que c’est Laurent Gbagbo qui a accédé à la demande des populations de cette localité d’avoir un pont à l’effet de rallier facilement et rapidement Abidjan. Et c’est le Président Laurent Gbagbo lui-même qui en a posé la première pierre. Les travaux ont même débuté pour durer 24 mois. Ils ont été freinés du fait de la crise post-électorale. C’est encore Patrick Achi qui, saluant cette œuvre, avait dit que l’heure du doute était passée et qu’il fallait maintenant mettre le cap sur celle du défi. Acte !
Pour ce qui est du pont de la Marahoué, le projet a été annoncé par Laurent Gbagbo lors la campagne présidentielle. Le financement avait déjà été bouclé puis gelé du fait de la crise post-électorale. C’est récemment qu’ils ont été débloqués par le président de la Boad. Cette institution a prêté 7 milliards FCFA à la Côte d’Ivoire. Acte !
Il est clair que Alassane Ouattara ne fait que surfer sur la vague des projets de ses prédécesseurs. En langage nouchi, on dirait qu’il est en train de fumer les «cra» de Gbagbo. Celui-là même qui a dit à Jacqueville : «Nous avons donné des milliards pendant la guerre pour que le pays ne sombre pas. Cet argent peut servir aujourd’hui à faire autre chose». A travers cette déclaration, il invitait ainsi les Ivoiriens à tourner définitivement le dos à la guerre et à se mobiliser pour la construction du pays. Hélas ! la France a refusé qu’il poursuive son œuvre de développement de la Côte d’Ivoire. Ceux qui ont pris le relais doivent donc se montrer humbles.
J-S Lia
Notre Voie
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