Affaire DSK: les rêves brisés de son communicant Stéphane Fouks (Ex conseiller de Gbagbo)

Le communicant Stéphane Fouks (SIPA)

 

Source: tempsreel.nouvelobs.com

 

Le patron d’Euro RSCG avait engagé toute son influence au service de « Dominique. » Jusqu’à un certain 15 mai. Par Odile Benyahia-Kouider Stéphane Fouks, le tout-puissant patron d’Euro RSCG, s’y voyait déjà. Ce devait être sa première grande campagne présidentielle en solo. Le rêve de tout grand communicant. Dans quelques semaines, son client et ami Dominique Strauss-Kahn serait le candidat du Parti socialiste. Et lui, Fouks, décrocherait enfin le Graal. Mais le dimanche 15 mai, à 2 heures du matin, son portable a sonné : Anne Hommel, l’attachée de presse de DSK, l’appelait pour lui annoncer que « Dominique » avait été embarqué dans un commissariat de Harlem. Cette fois, il ne s’agissait pas de l’aventure d’une nuit avec une cadre du FMI ou d’une promenade en Porsche, mais d’une accusation de viol. Evidemment, le « gourou » de DSK n’a pas réussi à se rendormir. Le dimanche midi, il déjeunait avec Manuel Valls, son copain de fac, parrain de sa fille aînée. Il avait déjà compris : « Tout est fini. »

Pouvait-il imaginer un tel cauchemar ?

Avec la chute de DSK, le système Fouks est touché en plein coeur. Depuis trente ans, le stratège en communication a construit son réseau d’influence au confluent du monde de l’entreprise et de celui de la politique. Le premier lui avait fourni le nerf de la guerre et il pensait que le second lui ouvrirait les portes du pouvoir suprême. Comme Jacques Pilhan, l’homme qui avait conseillé Mitterrand et Chirac, ou mieux encore comme James Carville, le Machiavel de Bill Clinton, il chuchoterait bientôt à l’oreille d’un président de la République. Fouks s’était même offert des implants capillaires dans la clinique de l’un de ses clients, le député socialiste Jérôme Cahuzac. Et voilà que dans ce bel ordonnancement déboule la femme de chambre Nafissatou Diallo. DSK, le champion des sondages, est menotté, en attente de procès. Fouks pouvait-il imaginer un tel cauchemar ? Après l’échec de sa campagne pour Jospin en 2002, le ratage de la primaire de DSK en 2006, la Berezina de Laurent Gbagbo – un autre de ses « poulains » – en Côte d’Ivoire en 2010, voici la catastrophe du Sofitel de New York !

En mode survie
D’habitude, ce sont les grands patrons ou les ministres gaffeurs qui appellent Stéphane Fouks à la rescousse. Maintenant, « Mazarin » doit se sauver lui-même ! Inventer sa propre com de crise et ses « éléments de langage ». Il faut rassurer les salariés. Ne pas perdre de contrats avec les boîtes qui pensaient avoir acheté une assurance DSK en prenant un ticket Fouks. Et infléchir le débat sur la nocivité des cabinets de communication en politique. Autrement dit, se mettre en mode survie. Car déjà les rumeurs s’affolent. On raconte que Vincent Bolloré, le patron d’Havas, maison-mère d’Euro RSCG, songerait à se séparer du consultant trop voyant qui a constitué un Etat dans l’Etat. Dans les cercles du pouvoir, on attribue à Nicolas Sarkozy qui ne le porte pas dans son coeur, ce commentaire cruel : « Il est trop fort ce Fouks, avec le Sofitel, en une semaine, il a réussi à faire oublier la Porsche ! » Stéphane Fouks a laissé dire. Puis il a fini par accorder quelques entretiens, dont celui-ci, au Nouvel Observateur. A condition qu’on lui laisse relire ses citations. Contrôler, c’est son métier…

« Il n’y avait rien à faire »
31 mai. Suresnes, au cinquième étage d’un bâtiment moderne, à quelques encablures de la tour Bolloré. Le quinquagénaire s’enfonce dans le canapé en cuir noir de son bureau design, avec vue sur la Seine. Son visage bronzé, percé de deux billes bleues, ne trahit rien de ses peines ni de ses inquiétudes. « C’est ultraviolent, confesse-t-il. Mais l’agence n’a pas commis de faute. Il n’y avait rien à faire. » Quand on lui demande si son business ne va pas pâtir de l’effet DSK, Stéphane Fouks prend un air faussement détaché : « Dès le lundi midi, je suis descendu à l’heure de la cantine pour retrouver nos équipes. Elles m’ont dit qu’elles avaient intégré qu’avec la campagne je ne serais pas très présent à l’agence pendant les neuf mois à venir et que, finalement, elles étaient rassurées parce que je serais là pour elles et les clients. » Entendez ses  » vrais » clients, ceux qui rapportent de l’argent : BNP Paribas, Orange-France Télécom, EDF, Veolia, Lazard…

La com politique, il en a toujours fait

En vingt ans, Stéphane Fouks a construit la première agence de conseil en communication d’entreprise en France. Loin devant ses concurrents Publicis, Image 7 (la société d’Anne Méaux) ou DGM (celle de Michel Calzaroni). Une véritable success story. Ce sont ses réseaux politiques qui lui ont permis d’asseoir son influence auprès des entreprises. La com politique, il en a toujours fait. A gauche, avec Rocard, Jospin, Valls, Montebourg et DSK. Mais à droite aussi, avec Xavier Bertrand, qui lui a remis sa Légion d’honneur, Pécresse, Wauquiez, Dati, Villepin. Il fut même durant quelques semaines, en 1997, le conseiller d’un ex-copain de Sciences-Po, Jean-François Copé, jusqu’à ce que ce dernier ne soupçonne son « ami » Fouks d’utiliser leurs conversations pour les mettre au service du candidat socialiste Lionel Jospin.

« Euro RSCG n’a jamais fait d’aussi bonnes affaires ! »

« Je ne regrette ni l’engagement ni l’amitié pour DSK, mais nous considérer comme une agence de com politique est très réducteur, explique Stéphane Fouks, ce business ne représente que 3% du chiffre d’affaires d’Euro RSCG dans le monde. » Cette dernière phrase est son mantra. Depuis le crash du Sofitel, il l’a répétée dans chaque dîner en ville. A chaque fois qu’on interroge un de ses clients sur les perspectives d’avenir d’Euro RSCG, la réponse fuse : « Vous-savez, la politique ne représente que 3% de leur business… » Et Stéphane Fouks d’enfoncer le clou : « Euro RSCG n’a jamais fait d’aussi bonnes affaires ! La semaine dernière, nous avons décroché Amazon comme nouveau client. » Il se vante d’avoir aussi engrangé LU, Nouvelles Frontières et arraché un nouveau contrat à Sanofi.

« Si j’étais allé voir Dominique, on m’aurait accusé de faire sa com… »

Le 7 juin, comme si de rien n’était, Stéphane Fouks accueillait ses clients au Musée du Quai Branly pour une soirée privée. Dans l’allée tropicale, il raconte à un ancien collègue qu’il est rentré de New York le matin même. « Non, je ne suis pas allé voir Dominique. J’ai plein de clients à New York. Si j’étais allé voir Dominique, on m’aurait accusé de faire sa com… », lance-t-il. Cette fois, Stéphane Fouks ne demande pas le « of » au journaliste qui assiste à la scène. Il veut qu’on écrive qu’il continue à travailler « normalement », même si la situation est anormale. Il veut aussi qu’on écrive qu’il ne s’occupe pas de la « défense » de DSK dans les médias français, même s’il a livré ses « convictions de lecteur ». Stéphane Fouks a-t-il au moins parlé à DSK au téléphone ? Il esquisse un petit sourire. A-t-il vu Anne Sinclair ? Un geste évasif. Ses avocats ? Silence entendu. Créer l’illusion qu’il vous racontera peut-être… si vous êtes sage. Du Fouks tout craché !

Lire la suite de l’article « Y a-t-il une vie après DSK ? » dans l’hebdomadaire paru le 23 juin.

Odile Benyahia-Kouider – Le Nouvel Observateur

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