Côte d’Ivoire: La peur comme mode de gouvernance, un triste héritage colonial

En Côte d’Ivoire, les décennies passent, les partis changent, mais certaines pratiques semblent tristement résister à l’usure du temps. Le PDCI-RDA d’hier et le RHDP d’aujourd’hui, pourtant opposés sur le plan historique, semblent partager une même tentation : gouverner par la contrainte, la répression et la mise au silence des voix dissidentes. Une logique héritée de l’ère coloniale, où la baïonnette et la prison servaient d’outils politiques pour maintenir l’ordre dans les territoires conquis.

Un pouvoir qui recycle les méthodes d’hier

Interdictions de manifester, arrestations arbitraires, poursuites sélectives, pressions administratives : le paysage politique ivoirien semble prisonnier d’un schéma colonial autrefois dirigé contre les mouvements d’indépendance. Au lieu d’un véritable État de droit, c’est souvent une gouvernance verticale, méfiante et punitive qui domine. Cette manière de gouverner n’est pas nouvelle, mais sa persistance interroge.

Le PDCI-RDA, parti historique de l’indépendance, a longtemps exercé un pouvoir centralisé et autoritaire, justifié au nom de la stabilité. Le RHDP, héritier d’une autre époque et d’autres promesses, reproduit aujourd’hui des pratiques qui rappellent les heures sombres du parti unique : usage sélectif de la justice, intimidation, dissolution de mouvements estudiantins, harcèlement des opposants, instrumentalisation d’institutions supposées neutres.

Une élite riche, corrompue et déconnectée

Le malaise politique s’explique aussi par la fracture grandissante entre une élite dirigeante fortunée et un peuple laissé pour compte. Cette classe politique, souvent installée dans un confort matériel remarquable, semble fonctionner en vase clos — comme les administrateurs coloniaux d’hier — coupée des réalités quotidiennes des citoyens, qu’on considérait jadis comme des « indigènes » : chômage endémique, pauvreté, misère sociale, accès difficile aux services essentiels.

Loin d’être un simple problème éthique, cette déconnexion menace désormais la cohésion nationale. Comment gouverner un peuple dont on ne partage ni les difficultés, ni les aspirations, ni même la réalité économique ?

Un pays conçu par d’autres, pour les intérêts d’autres

La Côte d’Ivoire moderne est née d’un projet colonial pensé par d’autres et pour d’autres. Cette architecture politique initiale, orientée vers l’exploitation plutôt que vers l’autonomie, continue de produire ses effets. Des ethnies rassemblées de force dans un même État restent profondément désunies près d’un siècle plus tard. La peur de l’autre, la méfiance de l’étranger, et les réflexes identitaires persistent, souvent exacerbés par les luttes politiques.

Administration, frontières, économie, institutions : beaucoup de structures actuelles furent conçues pour servir des intérêts extérieurs. Elles n’ont jamais été repensées en profondeur pour répondre aux besoins des populations locales, ni pour intégrer durablement les différentes composantes de la société ivoirienne.

Aujourd’hui encore, cette continuité historique se reflète dans un État souvent perçu comme protecteur des puissants — parfois étrangers — plutôt que garant de la justice pour tous.

Pour une refondation politique réelle

Aucun pays ne peut durablement avancer en recyclant les mécanismes archaïques de l’oppresseur. La Côte d’Ivoire a besoin d’une nouvelle génération de dirigeants capables d’entendre les frustrations populaires, de rompre avec la politique de la matraque et de restaurer la confiance dans les institutions.

L’enjeu dépasse les partis politiques : c’est un changement de culture qui doit advenir. Il s’agit de passer d’un pouvoir patrimonial, centré sur la domination, à un pouvoir véritablement républicain, fondé sur la justice, la transparence et le respect des citoyens.

La Côte d’Ivoire, riche de ses femmes et de ses hommes, mérite mieux qu’une gouvernance d’un autre âge. Elle mérite un État qui ne craint pas son peuple, mais qui s’appuie sur lui pour bâtir un avenir commun.

HC

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