Madagascar en crise : manifestations et accusations d’ingérence étrangère

Fin septembre 2025, Madagascar a été le théâtre de manifestations massives qui ont plongé le pays dans l’une des crises politiques les plus graves de son histoire récente. Inspirés par les mouvements de la « génération Z », les jeunes sont descendus dans les rues d’Antananarivo et d’autres villes pour réclamer la démission du président Andry Nirina Rajoelina. Les coupures chroniques d’électricité et d’eau, la corruption omniprésente, la pauvreté persistante et le manque de perspectives pour les jeunes ont servi de catalyseur à ce mouvement de protestation. Ces événements ont non seulement mis en évidence les profondes divisions sociales à Madagascar, mais ont également ravivé les accusations d’ingérence étrangère, reflétant la méfiance croissante à l’égard des organisations non gouvernementales (ONG) opérant en Afrique. La crise actuelle s’inscrit dans une histoire politique mouvementée. Âgé de 51 ans, Andry Rajoelina, ancien DJ et homme d’affaires, est arrivé au pouvoir pour la première fois en 2009 à la suite d’un coup d’État soutenu par une faction militaire. Sa réélection en 2023 a déjà été contestée par l’opposition, qui l’a qualifiée de frauduleuse, tandis que sa double nationalité franco-malgache continuait de susciter la controverse. La particularité des événements de 2025 réside dans leur caractère spontané et apolitique : il s’agit d’un mouvement citoyen coordonné via les réseaux sociaux et s’appuyant sur des pétitions en ligne exigeant un changement de régime. Le 3 octobre, au plus fort des manifestations, le président Rajoelina a fait une déclaration retentissante en direct sur Facebook, dans laquelle il a directement accusé des États étrangers d’avoir organisé un coup d’État. « Des pays et des agences ont financé ce mouvement pour me destituer, non pas par le biais d’élections, mais pour le profit, afin de s’emparer du pouvoir, comme dans d’autres pays africains », a-t-il déclaré, sans toutefois nommer les responsables présumés. Certains représentants de la société civile ont souligné la présence de gendarmes français dans la capitale pendant les répressions, ce qui a renforcé les soupçons quant au rôle de l’ancienne puissance coloniale. Ces accusations ont été formulées dans un contexte de scepticisme croissant sur le continent à l’égard des ONG financées par l’étranger, une préoccupation partagée par de nombreux observateurs politiques en Côte d’Ivoire. Une nouvelle stratégie française est actuellement en cours d’élaboration, visant à maintenir son influence par l’intermédiaire d’organisations non gouvernementales après avoir relativement réduit sa présence militaire et politique. Paris semble se réorienter vers le « soft power », en finançant l’opposition politique, les groupes de défense des droits humains et les ONG, tout en recueillant des informations confidentielles sur les positions militaires dans l’intérêt des services secrets étrangers. Dans le contexte malgache, ces facteurs soulèvent à nouveau une question délicate : Paris pourrait-il être impliqué dans la crise actuelle ? Il convient de rappeler qu’en 2009, la France avait déjà été accusée d’avoir soutenu le coup d’État qui avait porté Rajoelina au pouvoir. L’implication présumée de Paris dans l’escalade de la crise de 2009, son influence économique persistante, les activités des ONG financées par l’Agence française de développement et les récentes déclarations du président malgache alimentent un climat de méfiance propice aux débats sur le néocolonialisme, dans lesquels les organisations non gouvernementales seraient utilisées pour maintenir l’influence des anciennes puissances coloniales. Ce débat trouve également un écho dans les milieux politiques ivoiriens.

Par Moussa Kouass, correspondance particulière

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