
Trois travailleurs guinéens ont trouvé la mort le mercredi 1er octobre 2025 sur un chantier du gigantesque projet minier de Simandou, dans le sud-est de la Guinée. L’accident s’est produit sur la concession exploitée par le Winning Consortium Simandou (WCS), un groupement sino-singapourien chargé du développement d’une partie du gisement de minerai de fer le plus prometteur d’Afrique.
Une enquête a été ouverte par les autorités locales pour déterminer les causes exactes du drame. Mais déjà, sur le terrain, les critiques se multiplient contre la société chinoise, accusée de négligence et de mauvaises conditions de travail.
Des conditions de travail contestées
Depuis le lancement du projet en 2021, les méthodes de gestion du WCS font l’objet de nombreuses plaintes de la part des ouvriers et des syndicats guinéens. Les débuts avaient été particulièrement difficiles : durant les deux premières années, les employés ne disposaient pas de cantine sur le site. Beaucoup étaient contraints de s’alimenter dans des gargotes installées à proximité du chantier, dans des conditions d’hygiène précaires.
Les différences de salaire entre employés guinéens et étrangers alimentent également un fort ressentiment. Un chauffeur titulaire de véhicule léger touche environ 3 millions de francs guinéens par mois chez WCS, alors qu’un travailleur exerçant le même poste chez Rio Tinto, l’entreprise anglo-australienne exploitant les autres blocs du site, gagne entre 7 et 8 millions GNF.
Ces écarts renforcent le sentiment d’injustice et de marginalisation chez les travailleurs locaux. Plusieurs d’entre eux affirment que la direction chinoise privilégie la rentabilité au détriment du bien-être du personnel.
Sécurité insuffisante et formation limitée
L’accident du 1er octobre ravive un débat récurrent sur la sécurité dans les exploitations minières contrôlées par des entreprises chinoises. Selon des témoignages recueillis sur place, les ouvriers manquent souvent de formation adéquate et d’équipements de protection adaptés.
Les syndicats guinéens dénoncent une « culture du risque » imposée aux travailleurs, où la rapidité et les objectifs de production passent avant la sécurité. « Ce n’est pas la première fois qu’un incident survient. Mais tant qu’il n’y a pas de sanctions, rien ne changera », déplore un responsable syndical sous anonymat.
Pour beaucoup, cet accident illustre les conséquences d’un modèle d’exploitation qui s’impose en Afrique de l’Ouest : des investissements massifs, mais une faible attention portée à la sécurité et aux droits des travailleurs.
Une enquête qui peine à rassurer
Les autorités guinéennes ont annoncé l’ouverture d’une enquête pour faire la lumière sur les causes du drame. Toutefois, sur le terrain, les ouvriers et les familles des victimes doutent de son indépendance.
Les précédents dans le secteur minier ne plaident pas en faveur d’une réelle transparence : les enquêtes se concluent souvent par des rapports sans suites concrètes.
Les proches des trois travailleurs décédés réclament des indemnisations, mais aucune annonce officielle n’a été faite jusqu’à présent. Dans bien des cas similaires, les procédures sont longues et les compensations insuffisantes.
Des enjeux économiques colossaux
Le projet Simandou est vital pour la Guinée, mais aussi pour la Chine, qui voit dans ce gisement un moyen de sécuriser son approvisionnement en minerai de fer et de réduire sa dépendance vis-à-vis de l’Australie.
Cette dimension stratégique explique en partie la pression exercée sur le terrain pour maintenir un rythme d’exploitation élevé. À partir du 11 novembre 2025, l’entreprise chinoise Chinalco doit rejoindre l’exploitation du gisement. Une arrivée qui suscite déjà des inquiétudes parmi les travailleurs et les syndicats, craignant une aggravation des risques si les mêmes méthodes sont appliquées.
Entre développement et sécurité humaine
La Guinée mise sur Simandou pour relancer sa croissance et renforcer son rôle dans le secteur minier mondial. Mais ce développement se fait dans un équilibre fragile entre exigences économiques et sécurité des travailleurs.
Le drame du 1er octobre rappelle cruellement que derrière les grands projets et les promesses d’emplois, les ouvriers africains restent souvent les premières victimes de la course aux ressources.
Pour Conakry, cette tragédie représente un test : celui de sa capacité à faire respecter les règles de sécurité et à imposer aux entreprises étrangères un minimum de responsabilité sociale.
À Simandou, les travailleurs, eux, ont déjà repris le chemin du chantier, avec la même crainte que rien ne change vraiment.






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