En 2001, dans l’attente d’un visa pour la France où je devais préparer une thèse de doctorat, je donnais un coup de main à la paroisse Saint-Jean de Cocody dirigée alors par l’abbé André Benoît Mobio qui avait pour vicaires Pascal Séka, Yapo Monnet Basile Florent et Rodolphe Etty.
Un dimanche, après la messe de 7h30, une dame, que je connaissais depuis quelques années, vint me saluer et parler avec moi. Elle me confia que Monsieur Ezan Akélé aimait beaucoup mes prédications et qu’il souhaitait m’inviter un jour chez lui. Madame Élisabeth Yeboua entretenait d’excellentes relations avec la famille Akélé.
Je ne voyais aucun inconvénient à faire la connaissance d’un frère en Christ. J’acceptai donc l’invitation. Nous nous retrouvâmes plusieurs fois au domicile de l’ancien ministre. C’est là que j’appris comment l’Église catholique via Mgr Paul Dacoury-Tabley le soutint dans la terrible épreuve qui le fit tant souffrir quelques années plus tôt.
L’ambassade de France me demandait de fournir, entre autres documents, un relevé bancaire. Lorsque je m’adressai au nouvel archevêque de Gagnoa qui m’avait accordé 5 ans pour que j’écrive et soutienne ma thèse, il me répondit que les caisses du diocèse étaient vides et qu’il n’était donc pas en mesure de me fournir ce relevé. Un prêtre d’Abidjan à qui j’avais exposé l’affaire m’assura que c’était un petit problème car son diocèse avait déjà donné ce document à plusieurs prêtres appartenant à des diocèses de l’Intérieur. Quand j’allai rencontrer l’ordinaire du lieu pour lui demander le fameux relevé bancaire, il déclara qu’il pouvait me rendre ce service à condition que je lui présente une lettre de mission dûment signée par mon évêque qui était Mgr Jean-Pierre Kutwã. Le lendemain, je me rendis à Gagnoa pour rencontrer mon évêque. Celui-ci me dit que rédiger et signer une lettre de mission ne lui posait aucun problème mais se demandait si son “grand-frère” me donnerait vraiment le relevé bancaire. Devant moi, il téléphona à son collègue. À la fin de la conversation téléphonique, Mgr Kutwã me dit ceci: “Il promet de me donner la réponse quand je serai à Abidjan.” L’archidiocèse d’Abidjan avait effectivement prévu de fêter les deux nouveaux évêques, Jean-Pierre Kutwã et Joseph Aké Yapo. Je ne pouvais pas ne pas être à cette messe qui eut lieu 4 jours après mon voyage à Gagnoa. À la sortie de la messe, je pus rencontrer Mgr Kutwã qui me fit savoir que son collègue lui avait dit que si Gagnoa me donnait une lettre de mission, Gagnoa devait aussi me fournir un relevé bancaire. En clair, Abidjan refusait de me donner, non pas de l’argent, mais un papier, juste un relevé bancaire.
Le lendemain, Ezan Akélé m’invita chez lui. Lorsqu’il me demanda où j’en étais avec mon visa, je ne pus m’empêcher de lui narrer ce qui s’était passé la veille. Il proposa ensuite que je revienne le lendemain et que nous allions ensemble à sa banque. Nous allâmes à la banque et Monsieur Akélé me remit un relevé bancaire. Un fidèle laïc venait ainsi de sauver un clerc. C’est donc grâce à Ezan Akélé que j’obtins mon visa quelques jours plus tard. C’est après cet épisode de ma vie que je compris mieux la parole du Christ aux grands prêtres et anciens du peuple:”Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu” (Matthieu 21,31).
Jésus voulait dire par là que le salut, ce n’est pas d’abord une affaire de qui porte le plus grand titre dans l’Église, de qui parle bien ou de qui a reçu le plus de sacrements mais une affaire de qui fait la volonté du Père, de qui est humain, de qui est capable de rendre service au prochain sans regarder son ethnie, sa religion ou sa couleur de peau. Akélé, le Nzima, n’a pas hésité en 2001 à aider le Dida que je suis. Quelle belle leçon!
Akélé est parti sans que j’aie eu l’occasion de lui rappeler l’important service qu’il me rendit. Son épouse Virginie et ses enfants, s’ils sont sur le Meta, liront cette histoire. Tout en leur présentant mes condoléances, je voudrais leur dire qu’ils peuvent être fiers de leur mari et père. Je voudrais surtout leur redire la parole de Jésus à Simon le pharisien à propos de la pécheresse qui s’était occupée de lui dans la maison de Simon:”Ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés puisqu’elle a montré beaucoup d’amour.“ (Luc 7, 47)
Grand frère Akélé, nous n’étions pas toujours d’accord à propos de notre pays mais que valent nos opinions devant le Juge suprême? Les opinions disparaîtront tout comme les prophéties, les langues, la connaissance, les miracles disparaîtront. Seule la charité ne périt jamais (1 Corinthiens 13,8).
Puisse Dieu, en qui tu as cru, se souvenir de ta charité! Au revoir!
Jean-Claude Djéréké
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