D’un coût global de 100 milliards FCFA, les installations de Bonoua1 et 2 devaient fournir 160 000m3/j. Lorsqu’il a pris la parole lors de cette cérémonie d’inauguration, le ministre des infrastructures économiques de l’époque, Patrick Achi, avait affirmé que sous 48 heures les populations ressentiraient les effets de la nouvelle unité qui allait entrer en production.
Pourtant ce ne fut pas le cas. Les interruptions dans la fourniture d’eau se sont poursuivies comme si de rien n’était. Rien ne semblait avoir bougé, on pouvait toujours observer les populations se promener dans les rues avec de gros bidons à la recherche du précieux liquide, surtout dans les communes de Koumassi et Port-Bouët, censées être les premières à recevoir la nouvelle production de 160 000 m3/j annoncée. Notons qu’à Yopougon également, après la mise en service de la nouvelle station de traitement d’eau, les coupures ne se sont pas pour autant atténuées. Les manifestations de femmes en colère réclamant de l’eau sont ainsi devenues récurrentes dans la commune.
Qu’est ce qui se passe réellement avec ces investissements ? La production annoncée dans les discours est-elle effective ? Contrairement aux lacs de Yamoussoukro, ceux de Bonoua sont très profonds et les nappes sont reliées entre elles. Raison de la présence dans la zone de la quasi-totalité des forages pour la production des eaux minérales. Le problème ne se situe donc pas au niveau de la disponibilité de la ressource, mais bien au niveau des installations.
Les Chinois étaient à l’œuvre dans la construction des infrastructures. Ce sont eux qui ont fourni la majeure partie du prêt de 100 milliards nécessaires aux investissements. Or quand ils fournissent l’argent, ce sont eux qui construisent, et quand ils construisent ils ne tolèrent aucune interférence de la part des Etats. Le cas du stade d’Ebimpé nous a montré qu’il y avait lieu de s’interroger sur la qualité de leur travail. De même ce qui se passe actuellement sur le chantier du quatrième pont d’Abidjan prouve qu’ils ne jouent pas toujours la transparence.
Si la station de Bonoua1 a été officiellement inaugurée, ce ne fut pas le cas des de la station de Bonoua2. Sa mise en service n’a pas été officiellement annoncée par les médias. Qu’est ce qui s’est réellement passé à ce niveau ? Les deux stations devaient fournir 160 OOO de m3 d’eau par jour. Es-ce réellement le cas ? De toute évidence, leur production n’a visiblement pas résorbé le déficit dans les communes de la partie Sud D’Abidjan comme attendu.
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Le troisième investissement majeur réalisé pour le compte de la ville d’Abidjan, est l’usine de production d’eau de la Mé, inaugurée le 16 Juin 2023 par le premier ministre Patrick Achi. L’infrastructure a été construite par le français VEOLIA, le belge BESIX et l’Ivoirien PFO. Les travaux avaient été lancés en 2018. C’est la plus grande unité de ce type en Afrique de l’Ouest. D’un coût de 212 milliards de FCFA, elle doit fournir quelque 240 000 m3/jour et alimenter principalement les communes de Yopougon, Abobo et Cocody, soit la partie Sud D’Abidjan.
Là encore on a du mal à ressentir les effets de cette production additionnelle censée couler dans les robinets depuis la mi-juin. Les autorités ne cessent de se vanter des installations de la Mé, qui certes représentent un investissement majeur, mais dont l’impact sur le quotidien des populations reste mitigé. Les coupures d’eau semblent s’être plutôt intensifiées. Les robinets peuvent rester désespérément à sec durant plusieurs semaines. Sans oser l’avouer, la SODECI a mis en place aujourd’hui une politique de rationnement.
Sur le front de l’électricité, il y a une nette amélioration avec la mise en service du barrage de Soubré, les différentes extensions des centrales d’Azito et de vridi, la nouvelle centrale solaire de Boundiali etc….. Par contre sur le front de l’eau, l’Etat ivoirien est toujours à la peine. Dans les communes de la périphérie d’Abidjan et les nouveaux quartiers qui ont vu le jour, tous les ménages stockent de l’eau. Le secteur de la production des eaux minérales et des eaux conditionnées dans les sachets est en forte croissance, conséquence du déficit dans la production d’eau courante.
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En 2011, la production d’eau était de 360 000 m 3/j et le déficit de 200 000 m3/J au niveau de la ville d’Abidjan. Aujourd’hui la production est passée à 840 000 m3/j pour des besoins estimés à 960 000 m3/j soit un déficit de 120 000 m3/J. Mathématiquement la situation est donc toujours dans le rouge, même si on peut se féliciter d’une réduction du déficit de 60%, passé de 200 000 m3/j en 2011, à 120 000 m3/j en 2023.
Une seconde usine de production d’eau est annoncée sur la lagune d’Aghien, derrière Bingerville. Les travaux d’un coût de 108 milliards ont été lancés en Février 2021 et sont menés par le groupe américain Fluence. L’usine produira quelque 160 000 m3/j. Le bout du tunnel est-il pour bientôt ? Pas forcément, car de vastes cités résidentielles naissent continuellement dans les zones d’extension de la ville d’Abidjan, Songon, PK 24 autoroute du Nord, Anyama-Ebimpé, Bingerville, de Bassam-modeste …….etc….. C’est dire que le déficit va se creuser avant l’entrée en production de l’installation, et il n’est pas sûr que celle-ci puisse entièrement le résorber. Tout va dépendre des besoins issus de ces nouvelles cités.
D’autre part, on peut avoir des inquiétudes sur l’eau qui sera produite. Par le canal de vridi, la lagune et la mer communiquent. Du fait de ce brassage des eaux, la lagune Ebrié d’Abidjan (la même qui arrive à Aghien) a un taux de sel qui la rend impropre à la consommation, selon les explications de l’ex ministre de l’hydraulique Laurent Tchagba. Or cette eau sera bientôt fournie à la population, après bien sûr un traitement. Ce traitement va-t-il inclure le même processus de dessalement de l’eau de mer qu’on retrouve dans les installations des pays du golfe ? Ces infrastructures sont coûteuses et hors de portée de nos pays, et tout porte à croire que la future usine sur la lagune d’Aghien n’en sera pas une. Ainsi l’Etat ivoirien prend un risque en pompant une eau contenant du sel de mer, sans toutefois la traiter selon le processus de dessalement requis. On espère que des explications seront fournies ultérieurement sur la question.
Dans son discours lors de l’inauguration des installations de Bonoua1 en 2015, le président Ouattara avait promis que le problème serait »définitivement réglé avec une unité qui acheminera l’eau pompée dans le fleuve Bandama, au plustard en 2030 ». C’est peut-être de cette future unité que viendra le salut des populations. D’ici là, on verra toujours dans les rues les mères et jeunes filles se promener avec de grands bidons à la recherche de l’eau. Même si l’on ne peut parler d’échec, la bataille de l’eau n’est pas encore remportée par l’Etat ivoirien.
Douglas Mountain
oceanpremier4@gmail.com
Le Cercle des Réflexions Libérales
Belle analyse en perspective. Merci à son auteur. J’observe deux points. Premier, il ne fait aucun doute que le gouvernement a fait des efforts titanesques pour la production d’eau. Les chiffres le démontrent. Cependant, il se trouve que l’urbanisation de la métropole Abidjannaise est beaucoup plus galopante. Il faut donc courir deux fois plus vite que l’urbanisation. Deux, il ne faut pas pointer du doigt spécifiquement la Chine. En effet, la main qui donne ou les mains qui te soulèvent quand tu lèves les bras le feront bien souvent avec leurs conditions. Dans quel monde les sempiternels pleurnichards Africains se croient-ils ? Tous les pays du monde le font. Arrêtons donc nous Africains de toujours nous plaindre de ce que nos donneurs ne font pas ou les décrier. Si cela ne nous sied pas alors trouvons nous-mêmes nos propres moyens pour faire ce que nous voulons. Un point. Un trait. Sinon, tous les pays incluent d’une façon ou d’une autre des éléments propres qui leur conviennent dans tout contrat. On observe….