La Commission électorale ivoirienne vient de rendre publique la liste électorale pour les consultations citoyennes à venir. Plus que simple support de consignation de noms, il s’agit d’un outil au service de la population et permettant à chacun de décider de la configuration nouvelle de son pays, de sa région et de sa commune d’habitation.
L’on constate que le nom du Président Laurent Gbagbo ne figure pas dans cette liste qui se veut être une liste provisoire. Le Président de cette commission argue, que lui se fonde sur les informations qui lui ont été transmises par la justice.
C’est à se demander s’il est vraiment sérieux ou s’il fait une blague. La commission électorale qu’il préside ne peut se contenter d’être une simple chambre d’enregistrement au service du pouvoir en place. C’est un outil d’aide à la clarification, à la structuration du jeu politique et de l’espace social. Se positionner comme instrument véritablement indépendant et d’apaisement est un défi qu’il doit chercher à relever à travers l’exercice des responsabilités qu’il a. Donc, avant de fonctionner comme simple outil d’enregistrement des décisions du pouvoir, la commission électorale doit s’assurer d’avoir fait le nécessaire pour éviter toute situation conflictuelle sinon elle devient conflictogène.
Or, ce dont le pays a le plus besoin aujourd’hui, c’est d’éviter de tomber dans un autre conflit dévastateur.
Voilà des mois que le chant clamé et mille fois déclamé dans l’arène politique est la réconciliation. Même si de cette réconciliation, rien de précis et de concret n’est encore dit. On n’en connaît ni les contours ni le contenu réel.
Nous pensons qu’il faut être un peu sérieux dans l’exercice des responsabilités dont on a la charge. On peut faire la politique et se montrer un peu sérieux surtout parce que ce jeu impacte la vie quotidienne et influe sur le destin de millions de personnes.
Le pendant de tout processus de réconciliation, c’est la paix. La dynamique de réconciliation après une grave crise comme celle que la Côte d’Ivoire a vécue ne peut être cantonnée à des mots. Il faut la traduire en actes et l’inscrire dans les comportements.
C’est l’élément substantiel dont s’abreuve la réconciliation et d’ailleurs vice-versa.
La Côte d’Ivoire, convient-il de le rappeler, a connu une des épreuves les plus douloureuses de son histoire avec des milliers de morts, des milliers d’estropiés, des milliers de personnes disparues, des milliers d’âmes en errance car sans sépultures, des milliers de réfugiés en souffrance en des cieux pas toujours cléments, etc.
Cette situation appelle donc particulièrement tout responsable politique, tout haut fonctionnaire et toute personnalité administrative de premier plan à plus de tenue et à plus de sagesse dans les décisions qu’il est amené à prendre.
L’argument qui est avancé dans cette affaire est, dit-on, que le Président Laurent Gbagbo a été condamné dans une histoire de braquage d’une banque en son absence. Celle de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Et que suite à cette condamnation, il est privé de ses droits. Mais, en fait, de qui se moque-t-on ?
Ce qui est remarquable, c’est qu’à ce jour, il n’y a l’ombre de quelque plainte déposée par la BCEAO, pseudo-victime de ce braquage.
Le chef de l’Etat actuel dans sa « magnanimité » fait néanmoins rédiger une ordonnance. Dans cette ordonnance remplie de calculs et très personnalisée, il trie entre les bénéficiaires de sorte que des faits effacés pour des personnes sont maintenus pour d’autres.
C’est quoi çà-là . C’est çà-là la réconciliation ?
Le président Laurent Gbagbo qui a été déporté à la Haye pour y subir un procès qui a abouti à son acquittement pur et simple est revenu au pays dans des dispositions incontestablement dénuées de tout esprit de vengeance ou de revanche.
Il est revenu légitimement et humblement prendre sa place dans le jeu politique et social du pays. Dès lors, il s’est attelé, évitant tout affrontement inutile, à mettre en place un outil au service des peuples africains en général et ceux ivoiriens en particulier sans distinction tribale ou religieuse. Cet instrument nouveau est un outil qui permet de construire une nouvelle alliance républicaine et citoyenne. En soit, c’est déjà un grand pas vers la réconciliation dont il n’y a donc pas de quoi avoir peur. Il n’hésite d’ailleurs pas, dès que les circonstances le permettent, à rencontrer l’ancien Président Henri Konan-Bédié et même l’actuel chef de l’Etat.
Il faut laisser en transparence et de façon apaisée le jeu politique se dérouler sainement et permettre à la population de choisir le moment venu le projet et la personne qui lui conviennent le mieux.
C’est cela la démocratie au service de la paix.
Il faut éviter de donner une image plus honteuse car la Côte d’Ivoire est déjà et suffisamment dans la honte au niveau continental avec une guerre stupide dont les traces mettront beaucoup de temps à s’effacer. Il ne sert strictement à rien de tirer sur une corde qui est déjà trop tendue.
Il faut donc rapidement revisiter cette liste provisoire et remettre le nom du Président Laurent Gbagbo là où il n’aurait jamais dû être effacé. Il en va de l’avenir de notre pays.
Chaque ivoirien, à quelque niveau qu’il se trouve, a des yeux pour voir. Il a aussi des oreilles pour entendre.
Voyons donc ! Et entendons donc !
Et nous nous entendrons mieux.
©DR KOCK OBHUSU, ECONOMISTE
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