La manifestation c’est la matérialisation d’un sentiment. On manifeste contre une situation, une décision du gouvernement le plus souvent. Mais on manifeste aussi sa joie par rapport à une situation. Par exemple, on vient de voir des populations qui ont marché en faveur des putschs au Mali, Burkina, et en Guinée. Il pouvait aussi y avoir des manifestations contre ces putschs. Je ne comprends donc pas pourquoi il faut une autorisation avant de marcher. De cette même manière, il m’est difficile de comprendre s’il faut délivrer une autorisation pour pleurer ou pour rire. Il faut manifester pacifiquement sans perturber l’ordre public, sans violence, sans déranger qui que ce soit certes, mais les autorités doivent être informées de l’organisation d’une manifestation. Cependant, de grâce, que les autorités ne se servent pas de l’argument de protéger l’ordre public pour empêcher les manifestations. Elles doivent plutôt encadrer les manifestations pour éviter tout débordement.
Les autorisations de manifester se font au gré des hommes politiques. Quand ils sont dans l’opposition ils affectionnent les manifestations mais au pouvoir ils les rejettent systématiquement arguant qu’elles doivent être autorisées d’abord. La manifestation n’est pas la protestation systématique. Elle n’est pas la négation nécessairement. Dans ce cas-ci on se précipite à l’autoriser. A l’inverse, son côté protestataire n’est pas le bienvenu. Autoriser la manifestation ne sera pas une évidence, elle sera rejetée dans la plupart du temps par les autorités. Par exemple hier en Côte d’Ivoire, le RDR était dans l’opposition et avait demandé la désobéissance civile à la population parce que M. Gbagbo ne voulait pas accepter sa défaite proclamée par la commission électorale. Le même RDR avait même sollicité et obtenu des français l’embargo sur les médications entre autres pour étouffer le régime Gbagbo. Aujourd’hui, ce même RDR est au pouvoir et puni sévèrement ce même mot d’ordre de désobéissance civile réclamé par l’opposition pour protester contre le troisième mandant de M. Alassane. Sacrés politiciens.
Pourquoi n’autorisons-ton pas les coups d’État? Les coups d’états sont l’expression d’un ras le bol des militaires. Pourquoi seuls les civils doivent avoir le monopole de diriger nos pays? En quoi les civils sont-ils excellents dans la gestion de nos pays? Je déteste les coups d’états mais je ne suis pas contre un militaire au pouvoir s’il est élu démocratiquement selon la constitution à partir d’un projet de société qui intéresse le maximum d’électeurs. D’ailleurs les candidatures ne devraient pas être seulement réservées aux civils. Les militaires participent aux votes dans les camps mais on les empêche d’être candidats, quel autre paradoxe des politiciens
Pour en venir aux manifestations, je dirais que les gouvernements n’ont pas à autoriser leur réalisation. Ce que les gouvernements peuvent faire c’est de prévenir les manifestations qu’ils ne souhaitent pas dans la cité. Le plus souvent, les gouvernements sont au courant que des gens veulent manifester. Ils doivent donc les approcher et discuter pour trouver un compromis et non interdire les manifestations ou exiger des autorisations préalables.
Pour manifester sa joie il faut l’autorisation du gouvernement. Pour pleurer ses morts, il faut être autorisé à le faire. Les dozos et les FRCI demandaient des autorisations aux corbillards entre 2011 et 2016 dans les villages dans la région de Gagnoa. Je souhaite que les autorités revoient leur conception de la manifestation dans les rues. Les manifestations sont d’ailleurs rares et leurs réalisations participent de l’expression du droit de manifester librement et garanti par la constitution et les conventions internationales. Les gouvernements ne doivent pas les interdire quand elles ne les arrangent pas et les autoriser quand ils sont contents. Où en est-on avec la démocratie? A la rigueur les organisateurs d’une manifestation peuvent informer les autorités de leur intention d’occuper telle ou telle rue pour manifester leur mécontentement sur un sujet bien précis. Mais pas une demande d’autorisation encore moins une autorisation à mon sens. Un gouvernement ou un régime en démocratie ne devrait pas s’inquiéter outre mesure quand des gens veulent manifester. Bien au contraire, un régime qui ne se reproche rien doit toujours anticiper, prévenir, éduquer, chercher des consensus, et non sanctionner, brimer, torturer, emprisonner, ou tuer. Ce serait comme empêcher quelqu’un qu’on frappe de pleurer sa douleur.
De plus, du point de vue des gouvernants, oui toute manifestation doit être soumise à une autorisation préalable. La manifestation doit être régulée, suivre les normes, un itinéraire bien précis, un point A de départ à un point B d’arrivée et suivant un temps bien précis. Le plus souvent les manifestants sont violents, cassent, brûlent tout ce qui est sur leur passage. De fois des gens de mauvaise intention s’infiltrent dans les manifestations pour semer le désordre. Le gouvernement se voit donc dans l’obligation d’interdire les manifestations ou de les soumettre à autorisations préalables pour éviter de troubler l’ordre public.
Alors qui a tort, qui a raison? Les organisateurs des manifestations ou les gouvernants? Moi j’accuse les gouvernants. J’accuse les gouvernements parce que les manifestations sont l’expression d’un ras le bol des populations sur un ou des sujets bien précis. Le plus souvent les manifestations ont lieu parce que les gouvernements refusent d’écouter et refusent tout compromis. Les gouvernants sont plus ou moins au courant de l’organisation des manifestations. Plutôt que d’approcher les organisateurs pour les dissuader, ce sont les forces de l’ordre qu’ils activent pour réprimer violemment les manifestations, des forces de l’ordre qui ne connaissent rien en matière de droit de l’homme. Bien sûr qu’il est pratiquement impossible de satisfaire tout le monde mais on parle de la majorité ici. Le devoir des gouvernants c’est de prévenir, c’est d’éduquer, c’est de communiquer, c’est de dissuader, c’est de trouver des compromis et non de tuer ou d’emprisonner ceux qui ne partagent pas les mêmes idées qu’eux. Tout citoyen doit être libre d’exprimer ses pensées sans aucune contrainte bien sûr dans les limites de la loi et du respect de l’autre.
Merci
Dr. Charles Koudou
Consultant Indépendant en Santé et Développement, USA, Fondateur de la Société Civile Conscience Africaine pour le Développement (CAD) Administrateur en Santé et Développement www.cnd1.org
koudoucharles@gmail.com charleskoudou@facebook.com
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