Pas de dédommagements pour les victimes des violences du boycott actif d’octobre 2020 en Côte-d’Ivoire (désobéissance civile)

Toumodi fait partie des villes qui ont été secouées par les actes de violence ayant émaillé l’élection présidentielle du samedi 30 octobre 2020. Un peu plus de sept mois après ces faits traumatisants, nous sommes allés constater de visu le climat social qui prévaut à Toumodi.

Toumodikro, 20 mai 2021. Au bout de quelques minutes de marche, lorsque nous avons quitté les sœurs Allah, nous arrivons, non loin de la place Gabriel Tiacoh, devant un tas de gravats, en face duquel se trouve une quincaillerie qui a été entièrement cramée. la cour située non loin des tas de briques, vivent des proches parents du propriétaire des magasins détruits. Une jeune fille nous conduit au magasin de N’Guessan Amani Yves-Renault qui précise qu’il est cordonnier bottier : il répare les chaussures abimées, et il en fabrique.

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« J’avais construit, raconte-t-il, trois magasins et un studio de style américain à côté de la cour familiale, d’où vous êtes venus. Ils me rapportaient tous trois, la somme de 350 000 F. CFA mensuellement. Malheureusement, ils sont tous partis en fumée au cours des incidents qui se sont produits le 30 octobre et le 1er novembre 2021. C’est le reste des gravats qui est sur place ».

Certains des manifestants ont même tenté de piller son magasin de chaussures. Fort heureusement, ils n’y sont pas parvenus. Le cordonnier n’a pas eu le temps de rentabiliser les 24 000 000 F. CFA investis dans la construction des magasins et du studio américain. La tragédie est survenue près d’un an après le début de leur exploitation. Le loyer des trois bâtiments lui permettait de subvenir à ses besoins, et de répondre aux différentes sollicitations de certains de ses proches parents. Bien qu’il ait été consterné par l’incendie de ses magasins et son studio américain, N’Guessan Amani Yves-Renault a fini par se refaire le moral avec le temps.

Il déplore cependant le fait qu’aucune victime n’ait jusqu’ici été dédommagée. Afin de leur permettre de poursuivre leurs activités en attendant la reconstruction de leurs bâtisses détruites.

Non loin de Toumodikro, le marché Nago a subi lui aussi les affres des incidents survenus le jour de la présidentielle et le lendemain. Mais la vie semble y reprendre progressivement son cours normal. Une partie de ce marché a été reconstruite. L’autre est en chantier. Sur les ruines de certains magasins incendiés, de nouveaux ont été bâtis. Ce n’est pas l’ambiance des grands jours qui y règne, vu la faible présence des commerçants et autres prestataires de services. Les clients viennent au compte-gouttes.

« Nous avons perdu toutes nos marchandises »

Une commerçante, que nous avons abordée, sort de son sac à main sa pièce d’identité : on peut y lire Abiore Samira, de nationalité nigériane. Elle rappelle, comme si elle était encore sous le choc, la situation ayant abouti à l’incendie du marché Nago. « Quand ma mère et moi sommes venues trouver le marché brulé, nous avons pleuré, car nous avons perdu toutes nos marchandises. Cela nous a fait très mal. Sur le champ, nous ne savions que faire. Puis, au fil du temps, nous avons pris toutes nos économies pour relancer nos activités. Deux millions de F. CFA pour reconstruire nos deux magasins et deux millions de F. CFA pour les équiper en marchandises. Cela fait un peu plus de 4 à 5 mois que nous avons fait reconstruire nos magasins et repris notre commerce », raconte la jeune dame.

A une trentaine de mètres du magasin de Samira, nous trouvons un tailleur. Kaboré Seydou pratique la couture dans le marché depuis 2003. Le conteneur lui servant d’atelier, les trois machines à coudre, des vêtements de clients et la télévision qu’il y avait installée, ont tous été entièrement calcinés au cours de l’incendie du marché. Contrairement à Abiore Samira et sa mère, qui avaient des ressources financières propres à elles, Kaboré Seydou n’a pu reprendre son activité que grâce à l’aide de ses parents, qui ont accepté de lui prêter la somme de 905 000 F. CFA. Etant financièrement limité, il a fait le choix de louer deux machines à coudre pour ses travaux, moyennant 15 000 F. CFA par mois, avant de pouvoir en acheter.

Suite à l’incendie de son conteneur, Kaboré Seydou dit avoir saisi un huissier pour faire le constat. Il a ensuite déposé un dossier à la préfecture de la ville, en vue de recevoir un soutien. Jusque-là, il n’a eu aucune suite. Mais il espère qu’un jour le gouvernement pensera à dédommager toutes les victimes des affrontements qui ont eu lieu à Toumodi. En attendant, chaque victime se débrouille comme elle le peut, pour aller de l’avant.

Junior Jeremy

Envoyé spécial

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