S’il a y un homme d’État dont les héritiers ou prétendus tels ont juré de bafouer le testament politique, c’est bien Félix Houphouët-Boigny.
Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, ont ouvert les hostilités le jour même de son décès officiel, le 7 décembre 1993. Chacun voulait lui succéder à la tête de l’État pour terminer son dernier quinquennat (1990-1995).
Or, la Constitution de la Ière République avait réglé ce cas de figure pour éviter toute crise institutionnelle. C’était l’article 11 qui désignait le dauphin constitutionnel, Henri Konan Bédié, alors président de l’Assemblée nationale, comme successeur.
Alors que Boigny défendait que « la paix, ce n’est pas un vain mot, c’est un comportement », il a prêché dans le désert, servi par la guéguerre. Ouattara, alors Premier ministre, soutenu par des apparatchik comme Philippe-Grégoire Yacé, a tenté un coup de force.
Nous connaissons tous la suite. Bédié a été combattu par tous les moyens et, renversé par un putsch militaire le 24 décembre 1999, il ne put terminer son premier mandat présidentiel (1995-2000).
C’est ce cycle infernal de désobéissance politique que les mêmes héritiers ont engagé. Et la remise de la 30è édition du Prix UNESCO pour la recherche de la paix, qui porte le nom de Félix Houphouët-Boigny, est menacé par les querelles byzantines.
Avant sa mort, le premier président ivoirien a choisi, intuitu personae, le parrain et le protecteur du Prix: Abdou Diouf, alors président du Sénégal, et Henri Konan Bédié.
Mais voilà. Les rivalités locales entre le protecteur du Prix et le chef de l’État Ouattara, qui se regardent en chiens de faïence depuis la rupture de leur mariage politique au sein du RHDP, grippent l’engrenage.
Le 29 avril 2019, le jury du Prix Houphouët-Boigny a porté son choix sur le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed Ali, comme lauréat. Le 9 juillet, qui avait été retenu pour remettre la distinction à Paris, a été reporté sine die. Et nul ne sait si cette cérémonie va avoir lieu avant la fin de l’année, surtout que non seulement l’image du « Père de la nation » ne préoccupe aucun des protagonistes, mais le sujet est empoisonné par les bagarres politico-diplomatiques.
Car, au même moment, Abiy A. Ali a décroché, le 11 octobre 2019, le Prix Nobel de la paix. C’est le 10 décembre, jour anniversaire du décès d’Alfred Nobel, créateur du Prix, qu’il recevra sa distinction.
Et de là où il se trouve, Houphouët-Boigny, en regardant le champ de ruines d’un pays dévasté (coup d’État, rébellion armée, guerre civile post-électorale…) et le beau gâchis de ses héritiers, doit certainement s’interroger sur le casting politique qu’il a opéré au soir de sa vie.
F. M. Bally
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