Ivoirien, c’est vraiment celui qui ne voit rien. Sinon on aurait su que, durant ce mois de décembre 2017, la sous-région ouest-africaine, involontairement et indirectement, a parlé aux Ivoiriens, à leur conscience.
Et pour interpeller directement les Ivoiriens, deux dates ont servi de théâtre à de grandes manifestations d’envergure nationale: le 7 et le 24 décembre. Hélas ! les Ivoiriens sont des malentendants et des malvoyants. Ils ne se donnent même pas le courage d’écouter et de voir, et ils sont incapables d’entendre, de voir et de comprendre les faits et les signes.
Le 7 décembre marque la mort, en 1993, du premier Président de la République ivoirienne, Félix Houphouët-Boigny appelé le «Père de la Nation». Coïncidence d’agenda, c’est ce jour-là, 24è anniversaire de la disparition de notre «Nanan» national, que le président sénégalais inaugurait l’aéroport international Blaise Diagne (AIBD) de Dakar.
Son discours à cette occasion solennelle témoigne d’un grand sens de l’Etat. «Il en va ainsi de la vie des nations. Vous pouvez entamer une œuvre et laisser d’autres la parachever. C’est comme cela que Léopold Sédar Senghor a bâti cette nation où toutes les religions cohabitent dans la paix. (Abdou) Diouf a consolidé son legs. Ce dernier a œuvré pour l’approfondissement de la démocratie», a déclaré Macky Sall pour rendre hommage à tous ses prédécesseurs.
«(Abdoulaye) Wade aussi a joué sa partition et nous l’avons accompagné dans ce travail. Si on avait laissé les choses en l’état, peut-être qu’on ne serait pas là aujourd’hui à inaugurer cet ouvrage. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, on a renégocié les contrats. C’est cela la réalité», a-t-il poursuivi avant de terminer sous les ovations: «C’est une propriété de tous les Sénégalais. Cet aéroport n’est pas celui de Macky Sall» (In Dakaractu du 7 décembre 2017).
A ce premier coup de tocsin, nous avons préféré contre-attaquer à l’inauguration du CHU d’Abidjan-Angré, le 15 décembre. Nous démarquant de la continuité de l’État, nous avons choisi des coups de boutoir pour voler dans les plumes du prédécesseur Laurent Gbagbo qui, à nos yeux, ne mérite pas de la nation.
«Malheureusement, nous avons ce scandale des déchets toxiques. Et de l’argent avait été mis à la disposition du Gouvernement de la Côte d’Ivoire à cette époque pour construire cet hôpital et pour faire autre chose avec cet argent; je crois qu’il s’agissait de 100 milliards de FCFA. Mais tenez-vous, cet argent a totalement disparu. Nous n’avons pas trouvé un franc de cet argent dans les caisses de l’État», a fustigé Alassane Ouattara pour dénoncer un détournement de fonds (In koaci.com du 15 décembre 2017).
Le 24 décembre est la veille de la Nativité, grande fête religieuse chrétienne. Heureux concours de circonstance des chiffres 24: 24 décembre et 24è anniversaire de la mort de Nanan.
Le Mali est un pays très majoritairement musulman. Mais le président Ibrahim Boubacar Kéita ou IBK (à gauche sur la photo), musulman, n’a pas choisi le Maouloud, le pendant de la Nativité dans l’Islam qui a été fêté cette année le 1er décembre, mais le 24 décembre pour célébrer l’œcuménisme en posant un geste d’une grande portée politique: il a spécialement dépêché à Dakar l’avion présidentiel pour ramener, à Bamako, Amadou Toumani Touré ou ATT (à droite).
Ce dernier, officier général de l’armée, a été président de la République du 8 juin 2002 jusqu’au 21 mars 2012. Ce 4è chef de l’État malien a été renversé par une junte militaire pour sa passivité et son incurie face à la rébellion touareg qui mettait en déroute l’armée malienne.
Après plus de cinq ans d’exil, IBK lui a ouvert les portes de son pays qui l’a accueilli dans la liesse populaire pour célébrer, dans la ferveur nationale, les fêtes de fin d’année. «Il faut que le Mali sorte de la crise et qu’il y ait une certaine unité au niveau du pays», ont clamé les partisans d’ATT.
C’est le deuxième coup de tocsin que la sous-région sonne à l’intention des Ivoiriens avant la nuit de la Saint Sylvestre et le message de nouvel an aux Ivoiriens. Allons-nous encore faire la sourde oreille ou alors allons-nous mettre de l’eau dans notre vin qui coule à flot en ces périodes de fête? Peut-être que oui. Peut-être que non.
Il y a néanmoins un premier pas dans la bonne direction. «Sans paix, il ne peut y avoir de développement», avons-nous fini enfin par reconnaître, le 22 décembre, à l’inauguration du pont de Bettié.
Cette intention de grande lucidité ne vaut pas encore l’acte. Elle appelle cependant des actes forts et concrets pour commencer à panser les plaies béantes d’un pays profondément et ouvertement divisé. L’instinct de conservation nationale impose aux Ivoiriens de transcender leurs querelles intestines afin de construire le… pont de la réconciliation nationale et ne pas demeurer dans la malédiction des malentendants et des malvoyants.
Bally Ferro
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