Crise électorale et tensions entre groupes ethniques déchirent le Kenya

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Que c’est éprouvant de suivre la vie démocratique africaine ! La République démocratique du Congo, par exemple – deuxième plus grand et, potentiellement, le plus riche pays du continent – tourne en rond sur ce chemin tortueux avec un président qui ne veut pas donner sa place. Très inquiétants aussi ces temps-ci, le Kenya et ses élections doublement ratées !

Le Kenya est un de ces pays qu’on ne veut pas voir sombrer dans la violence et l’anarchie. Une des branches les plus sauvages et meurtrières du terrorisme islamiste sévit dans la région. C’est par milliers que se comptent les victimes d’Al-Shabaab en Afrique de l’Est.

Le groupe, associé à Al-Qaïda, profite de l’instabilité qui règne en Somalie pour multiplier ses coups depuis 10 ans. La dernière chose dont a besoin la lutte au terrorisme, c’est que le Kenya voisin ne plonge, à son tour, dans l’instabilité.

DES ÉLECTIONS CONTESTÉES

Pourtant, c’est ce qui s’est produit le 1er septembre, lorsque la Cour suprême du pays a annulé l’élection présidentielle du 8 août, parce qu’incapable de confirmer qu’elle s’est tenue honnêtement. Le président sortant Uhuru Kenyatta avait remporté une majorité des voix, mais l’opposition, menée par Raila Odinga, continue de vigoureusement contester ces résultats, évoquant des fraudes massives.

Un nouveau scrutin avait été appelé pour jeudi dernier, mais Odinga, persuadé qu’aucun progrès n’a été accompli pour assurer l’honnêteté du vote, avait invité ses partisans à le boycotter. Conséquence : alors que près de 80 % des électeurs s’étaient prononcés en août dernier, à peine un sur trois est allé voter cette fois-ci.

DES TENSIONS INTERETHNIQUES ANCESTRALES

Au-delà des désaccords politiques normaux, le conflit repose sur de vieilles rivalités ethniques entre la tribu Kikuyu du président Kenyatta et la tribu Luo de son rival, Odinga. Depuis 1963, année de l’indépendance, trois des quatre présidents qu’a connus le pays provenaient de l’ethnie Kikuyu, dominante aussi au sein de l’économie. Les membres de l’ethnie Luo expriment de plus en plus ouvertement leur frustration. Du coup, les élections kényanes ne se sont jamais déroulées en douceur.

On estime qu’un millier de personnes ont été tuées dans la suite de l’élection présidentielle contestée de décembre 2007. Sans trop s’en réjouir, les autorités, au cours des dernières semaines, s’avouaient vaguement soulagées qu’une cinquantaine de personnes « seulement » aient perdu la vie cette fois-ci.

Soulagement prématuré, de toute évidence, alors que, comme le rappelait vendredi le Council on Foreign Relations, « à présent, lors des élections africaines, la violence survient rarement le jour du vote, mais plutôt lorsque les résultats sont annoncés », c’est-à-dire à tout moment maintenant.

TOUTE UNE RÉGION EN DANGER

Tristement, c’est ce que l’on commence à observer. À Kawangware, un bidonville à une quinzaine de kilomètres du centre de Nairobi, la capitale kényane, des affrontements entre bandes rivales ont eu lieu à coups de bâton et de machette. Des commerces ont aussi été attaqués, pillés, détruits. Pour plusieurs, ce ne serait que le début.

L’inquiétude ne tient pas qu’à la façon dont les islamistes vont vouloir profiter du chaos. Le port hyper actif de Mombasa, dans le sud du Kenya, alimente l’économie de toute la région, de la Tanzanie au Soudan du Sud, en passant par l’Ouganda. Le moindre ralentissement des activités pourrait entraîner des troubles bien au-delà des frontières kényanes.

Compte tenu de la barbarie dont les terroristes d’Al-Shabaab se sont montrés capables, on ne peut souhaiter qu’une sortie d’impasse rapide dans ce coin d’Afrique.

Source: Journaldemontreal.com par Richard Latendresse

KENYA, PRÉSIDENCE EN JEU

UHURU KENYATTA, le président sortant

56 ans
Président depuis 2013
Ex-ministre des Finances (2009-2012)
Fils de Jomo Kenyatta, figure légendaire de l’indépendance kényane et premier président du pays.
Accusé de crimes contre l’humanité, la Cour pénale internationale a abandonné les poursuites en 2014, faute de preuves.

RAILA ODINGA, l’éternel opposant
Photo courtoisie

72 ans
Ex-premier ministre (2008-2013)
Fils de Jaramogi Oginga

Odinga, premier vice-président du Kenya

Candidat défait à la présidence en 1997, 2007 et 2013 Al-SHABAAB, des terroristes purs et durs
Signifie « la jeunesse » en arabe
Fondé en 2006
Actif surtout en Somalie, mais aussi au Kenya
Entre 7000 et 9000 militants
Dernier grand attentat : 14 octobre 2017, explosion d’un camion piégé à Mogadishu, capitale de la Somalie
Bilan : 358 morts

KENYA, carrefour économique de l’Afrique de l’est

Ex-colonie britannique, indépendante depuis 1963
Population : 47 600 000 habitants, 7e plus peuplé d’Afrique
Superficie : 580 000 km2, 23e plus grand d’Afrique
Économie : 70 milliards $, 9e d’Afrique
Espérance de vie : 64 ans

Principaux groupes ethniques :

Kikuyu 22 %
Luhya 14 %
Luo 13 %
Kalenjin 12 %
Kamba 11 %

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