5e Festival des arts agni – Edjampan Tiémélé aux cadres:
Le 5e Festival des arts et de la culture agni (Festagni), le rendez-vous culturel du peuple agni (ethnie de l’Est ivoirien) se tient cette année dans la ville de Koun Fao (300 km d’Abidjan). En prélude à l’évènement qui débute le 15 novembre 2017, les organisateurs ont organisé une conférence mercredi à l’hôtel Azalaï autour du thème « culture et émergence ». Elle a été dite par Dr Bruno Koffi Ehui, directeur de la Formation artistique et culturelle au ministère de la Culture et de la Francophonie, enseignant-chercheur, consultant à l’Unesco.
Cette activité de réflexion a rassemblé quelques sommités du terroir au nombre desquelles l’ambassadeur Amoakon Edjampan Tiémélé, par ailleurs vice-président du Pdci. Au nom du doyen des cadres, il a félicité les organisateurs, notamment le commissaire général du festival, Ané Eric. Ce festival, a-t-il dit, reste une occasion de rassemblement et de solidarité autour des valeurs qui fondent ce peuple, le respect des anciens, la dignité… « On n’est pas très nombreux mais on est importants. Nous devons être ensemble pour que nous soyons respectés. Ne soyons ni timorés, ni hésitants. (…) N’ayez pas peur de parler votre langue. Il y a encore des cadres qui se font traduire. Le député qui se fait traduire désormais ne sera pas élu une deuxième fois », a-t-il dit pour exhorter les siens à s’imprégner réellement de leur culture.
La culture, a rappelé Dr Bruno Ehui lors de sa conférence qui a précédé l’intervention d’Amoakon Edjampan, est ce qui permet de développer un peuple. « Un peuple se développe avec sa culture. Il faut que nous croyions en nous. Nous devons nous réveiller », a-t-il soutenu comme pour exhorter tous les Ivoiriens à puiser dans leur propre culture en vue de la construction nationale. En ce qui concerne le peuple Agni, le conférencier a affirmé : « Le peuple agni ne va pas vers l’émergence, il va à l’émergence ». Puis le conférencier d’avertir en guise de conclusion qu’il n’y aura pas d’émergence sans la culture car, selon lui, l’émergence a pour sous-bassement la culture, définie elle-même, toujours selon lui, comme « l’ensemble des créations d’un peuple pour vivre avec la nature et d’autres peuples. C’est sa mémoire collective qui fait qu’il est lui-même ».
Interrogé sur l’opportunité d’un tel événement au moment où il est question d’unité nationale, Ané Eric a eu cette réponse : « Nous sommes à l’heure du village planétaire et l’Unesco appelle à valoriser la culture. Nous sommes au rendez-vous du donner et du recevoir et à ce rendez-vous, il ne faut pas être déraciné. Nous avons la chance que Dieu nous a établis sur une terre de 62 ethnies. Cette diversité de culture doit être une richesse pour nous et non une source de déchirement. En mettant sur pied le festival des arts et de la culture agni, je ne pense pas que nous faisons mal. Chaque culture est riche, elle a une valeur. Donc pour le moment, nous voulons rassembler ce vaillant peuple et prôner le message de l’unité, de l’unicité ».
Le Festival des arts et de la culture agni, faut-il le rappeler, est né en 2013 et la première édition s’est tenue à Bongouanou, dans le Moronou. Selon ses initiateurs, il vise à faire connaître le patrimoine culturel de cette communauté aux générations actuelles et futures. L’édition de Koun Fao en pays Agni Bona intervient après celle de l’Agneby-Tiassa en 2016.
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr
Quand un senoufo va dire ça on va le taxer de djoula.
Promotion de l’ethnie, la quadrature du cercle. On va encore opposer le Japon et sa promotion culturelle vue comme authenticité dans un monde qui invite au rapprochement. Le « moi » est certes haïssable, mais j’ai grandi (à titre d’exemple) sans avoir JAMAIS eu le moindre ami de mon ethnie, et n’ai appris « ma langue » qu’autour de 16-17 ans. C’était l’idéal de construction nationale voulue par Houphouët qui fait que dans les communautés urbaines, les enfants se fichaient bien de qui parle quelle langue et où il a son village, jusqu’au début des années 2000 où malgré la tentation des années de retour au multipartisme et la carte de séjour tristement célèbre, le vrai schisme est apparu avec l’obligation de se choisir un camp.
Ceci dit, peut-on encore en vouloir à un Ivoirien d’être « tribaliste » ? Entre une pression sociale qui le pousse vers la tribu et un constat d’échec du projet Nation ivoirienne. Qu’est l’ethnie ? Une micro-nationalité qui épouse les contours de la définition : identité d’origine, identité de croyances, identité de langue, identité de valeurs, identité de monnaie,… Nier l’existence de ces micro-nationalités pour promouvoir le modèle Français (encore que là-bas, certains s’affichent Bretons, Corses, Alsaciens, Normands, etc) qui fond tout le monde dans un ensemble où politiquement seules comptent les obédiences, est une erreur. Surtout après l’effondrement de l’entité au-dessus (la Nation) censé fondre tout le monde dans un creuset unique, sur quelle valeur pouvait se replier la population ? Sur l’entité en dessous, celle de la micro-nationalité. Est-ce illogique qu’un Agni se sente davantage proche d’un Aowin , d’un N’Zima ou d’un Ashanti du Ghana ? Est-ce illogique qu’un Guéré se sente plus proche d’un Khran du Liberia ? Est-ce illogique qu’un Malinké se sente davantage proche d’un Bambara du Mali ? Dans chacun de ces cas, la proximité linguistique, culturelle et historique fondent la foi en une nationalité partagée, en dépit des frontières coloniales.
La quadrature du cercle consiste pour nos élites politiques à décréter à la fois, la foi en l’idéal de Nation et celle de l’authenticité culturelle. Objectifs à visée multiculturalistes mais totalement antinomiques. La dernière fois que des personnes se sont penchées sur la question et tenté de fondre l’ensemble en une valeur reconnue et acceptée de tous, cela a donné l’Ivoirité, encore décriée de nos jours. Et si l’on faisait comme l’a préconisé Raël (qu’on l’aime ou qu’on le déteste) : reformer les micro-nations africaines, afin de créer une Union Africaine fédéraliste qui reconnaisse à chacun sa spécificité et son autonomie relative ? En attendant, le projet Agni, si beau soit-il, est une illusion qui se heurte inévitablement à la structure sociale et même constitutionnelle de notre pays, en l’état actuel des choses.