La Côte-d’Ivoire et l’illusion de la paix retrouvée

Un soldat mutin à l’entrée de la ville de Bouaké, en Côte d’Ivoire, le 15 mai 2017. PHOTO / LUC GNAGO / REUTERS

Après les mutineries du début d’année, la multiplication de découvertes de caches d’armes inquiète en Côte d’Ivoire. La bataille pour succéder au président Alassane Ouattara en 2020 menace de déstabiliser à nouveau un pays traumatisé par la guerre civile.
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Outre le rétablissement des fondamentaux économiques, l’atout dont le président ivoirien, Alassane Ouattara, pouvait jusqu’ici se targuer, c’était bien le retour de la quiétude et de la stabilité.

Ce dernier aspect de son bilan était d’autant plus élogieux qu’il avait hérité d’un pays littéralement en lambeaux du fait de la crise postélectorale qui s’était soldée [en mai 2011] par son investiture [la contestation par le président sortant, Laurent Gbagbo, du résultat de l’élection présidentielle avait provoqué un conflit de cinq mois qui a fait plus de 3 000 morts].
Lance-roquettes, kalachnikovs, fusils-mitrailleurs, munitions

Mais alors qu’il s’achemine allègrement vers le terme de son second et ultime mandat [en 2020], cette perception est en train de se dégrader. De plus en plus, le sentiment de la paix retrouvée s’apparente à une illusion.

Avec les mutineries [des militaires] à répétition qui ont jalonné cette année 2017 et les découvertes en cascade de caches d’armes de ces dernières semaines, l’impression est celle d’une dégradation alors que l’on croyait l’acquis durable [le 27 septembre, un nouveau stock de lance-roquettes, kalachnikovs, fusils-mitrailleurs, munitions et explosifs a été découvert à Abidjan].

Décidément, le géant économique qu’est la Côte d’Ivoire repose sur des sables mouvants. Ses piliers, qui passaient pour être solides, ne le sont manifestement pas. Et la perspective du départ, dans trois ans, d’Alassane Ouattara, le président actuel, ne facilite en rien la situation. Ce départ annoncé ouvre la voie à de chaudes empoignades quant à la succession.

Or, ce contexte vient s’ajouter à une division de fond qui mine la classe politique ivoirienne. Division que le caractère bâclé et expéditif du processus de réconciliation [après la guerre civile] n’aura pas permis de combler. Loin s’en faut.

Trois camps menaçants

Ainsi, les menaces graves qui guettent le pays peuvent provenir de plusieurs camps. On peut déjà en dénombrer trois. Tout d’abord, le camp Gbagbo et par extension tous ceux qui ne digèrent toujours pas les conditions et les circonstances de l’avènement de Ouattara au pouvoir. Dans le lot, on a les proches directs de l’ancien président et les souverainistes qui ont encore en travers de la gorge le rôle que l’ancienne métropole [la France] avait joué dans l’issue de la crise postélectorale de 2010 [Paris a aidé militairement Alassane Ouattara à accéder au pouvoir].

À coup sûr, dans ce camp, il y en a qui rêvent d’une occasion de rendre la monnaie au pouvoir actuel et à tous ceux qui le soutiennent. D’autant qu’à Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, dont le séjour à La Haye semble parti pour se prolonger [l’ex-président et son bras droit sont actuellement jugés devant la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité], s’ajoutent tous les autres exilés rongés par le mal du pays.
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Pour avoir visiblement sous-estimé le ressentiment de ce groupe, Alassane Ouattara pourrait bien voir son sommeil perturbé pour le peu de temps qui lui reste à faire à la tête du pays.

Un autre camp qui a aussi des raisons d’en vouloir au président ivoirien, c’est bien celui qui se forme autour du président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro. En effet, nul besoin d’être savant pour réaliser que l’ancien chef rebelle [soutien de Ouattara pendant la guerre civile] est mécontent de la tournure que prend le processus de transmission du sceptre de la présidence.
Rupture entre Ouattara et Soro

Alors qu’avec certitude, il se voyait en dauphin légitime, Guillaume Soro s’étonne de réaliser que les choses ne risquent pas de se passer comme il l’espérait. Il est encore plus étonné par le fait qu’Alassane Ouattara, dans sa démarche, ne fasse même pas semblant de le considérer ou de le consulter.

La rupture est telle entre les deux anciens alliés que le chef du Parlement était absent [les 9 et 10 septembre] du dernier congrès du Rassemblement des républicains (RDR), le parti au pouvoir.

Dans un tel contexte, il n’est pas exclu que Soro, dont l’influence parmi les ex-rebelles demeure toujours importante, secoue un peu le cocotier en guise de rappel et d’avertissement.

Le dernier groupe duquel pourraient provenir les menaces est paradoxalement plus proche encore du chef de l’État. Il s’agit des faucons du RDR. Un groupe qui, dans la perspective du rendez-vous [électoral] crucial de 2020, ne veut surtout pas entendre parler d’un candidat unique [de la coalition présidentielle] qui serait cette fois-ci issu du PDCI [un autre parti que le RDR].
Grande incertitude

Pour eux, après une longue traversée du désert, le parti de Alassane Ouattara ne peut, pour un symbolique respect de la parole donnée, s’offrir le luxe de lâcher le pouvoir.

De tout ça, il ressort que l’avenir immédiat de la Côte d’Ivoire baigne dans une incertitude si grande que le pays pourrait bien replonger dans la crise dont elle tente péniblement de sortir.

Boubacar Sanso Barry

ledjely.com

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1 réflexion au sujet de « La Côte-d’Ivoire et l’illusion de la paix retrouvée »

  1. La réconciliation n’est pas une voie à sens unique. Où en sommes-nous avec les initiatives développées ça et là, en particulier celle de l’Honorable Méambly sur laquelle nous fondions grand espoir et supportions de tout cœur. Depuis un certain temps, ce dernier s’est transformé en messager de Gbagbo entre La Haye et les deux FPI (pro-Pédophile et pro-Affi). Nous lui avons suggéré de rester à équidistance de tous les partis et ne pas s’introduire dans les querelles intestines des crabes et sorcières d’un parti comme le FPI. Il a fait toutes les tournées qu’il voulait en Europe. Non, Méambly, le FPI et assimilés n’est point la seule victime de ce conflit. Ne commettez cette erreur de vous apitoyer sur ces acteurs de notre tragédie aux détriments des autres peuples et forces vives de notre pays.

    Alors que nous attendons son “offensive” envers le RDR et le PDCI, les deux mastodontes de notre vie politique, il continue de se mettre au lit avec le FPI, cette minorité en déliquescence. Au lieu de gaspiller les efforts pour ces tournées hors-Eburnie, pourquoi pas des tournées in-Eburnie ?

    Quant au PAN, devenu abonné absent en villégiature interminable. Pendant que bien de dossiers chauds se présentent dans notre pays, notre PAN payé par le contribuable est MIA (Missing in action). En l’absence d’une opposition pas fantoche et fantôme – ne pas confondre avec cette bande de 5400 rêveuses et “grâce” matineuses majoritaire auto-proclamés dans leur univers parallèle – que reste-t-il dans la vie politique de notre pays ?

    “Dauphin” de Ouattara ? Hmmm ???? Sourires… Est-ce à la tête du RDR ou à la tête de la CIV ? Pense-t-il vraiment que le PDCI va ou allait renoncer à sa volonté de revenir au pouvoir en 2020 pour un SoCron ? En fait, Soro, devient un gros gras bébé gâté qui doit avoir tous ses petits desiderata satisfaits sinon il croise les bras et commence à pleurnicher. Non, Soro, la voie du pouvoir se bâtît. Et puis, entre nous, entre nous, entre nous Soro, qu’as-tu accompli dans ce pays A PART mettre du sable dans l’attiéke de tes mentors frontistes d’hier qui t’ont formé aux techniques maquisardes pour déstabiliser le PDCI dans les années 90, Hmm ? Qu’as-tu accompli pour conquérir le cœur de l’Ivoirien lambda pour qu’il te porte au pouvoir en 2020 ? Je m’interroge…

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