La révolution soroïste en marche en-Côte d’Ivoire (Franklin Nyamsi)

(1ère partie: les mécompréhensions de la révolution)

Nous prendrons d’emblée nos précautions. La notion de révolution a connu tant d’aventures et parfois de déboires que l’employer sans la préciser expose l’imprudent à en connaître de nouveaux. L’astronomie, science reine des physiciens, entendit très tôt par révolution, le cycle du mouvement d’un astre sur son orbite. La révolution, ainsi entendue, est le mouvement de l’astre qui va et revient par un large détour sur ses propres traces. Eternel recommencement d’une nature fidèles à des lois inflexibles, comme tracées par une volonté architecturale souveraine. Pourtant, les Anglais au 17ème siècle, les Français et les Américains au 18ème et les Russes comme les Chinois au 20ème, nomment révolution, les mouvements insurrectionnels des citoyens contre les oligarchies aristocratiques et les oligarchies capitalistes qui dirigent leurs Etats. La révolution politique suppose une rupture avec un ordre social inéquitable, en vue de la construction d’un ordre social jugé ou espéré meilleur. On entre ainsi dans le concept politique de révolution, qui connote un mouvement de conscience et de forces politiques dominées, en vue de renverser l’ordre dominant et d’instaurer une société supposée être égalitaire, instruite de ses errances précédentes. Les Anglais obtiennent dans cette confrontation, l’Habeas Corpus. La révolution anti-monarchiste en France, accouche ainsi de la patrie des droits de l’Homme, avec sa fameuse Déclaration de 1789. La révolution russe de 1917 aboutit au pouvoir des Soviets, avec les péripéties macabres que L’Archipel du Goulag de Soljenytsine a su décrire. La révolution chinoise, sous la férule de Mao Tsé Toung, fonde en 1949 la république populaire qui en impose encore au monde actuel, avec ses bientôt 2 milliards d’êtres humains. Et depuis lors, de nombreuses révolutions ont marqué la planète, de la cubaine de Castro à celles de Nyerere, de Cabral, de Kadhafi ou de Sankara, sans oublier celles d’un Mandela ou d’un Nkrumah. Qu’en est-il donc de la révolution soroiste en Côte d’Ivoire? Et pourquoi la disons-nous en marche? Dans le présent écrit, je voudrais en réalité accomplir deux gestes. D’une part, identifier et les mauvaises compréhensions de la révolution soroïste, en ces temps fertiles en malentendus dommageables; d’autre part, indiquer les axes authentiques de la révolution soroïste, afin que nul n’en ignore, en droite ligne d’un ouvrage récemment publié par nos soins, « L’Orthodoxie du Soroïsme » que j’invite mes lecteurs et lectrices à exploiter à toutes fins utiles, en guise d’approfondissement.

I

Mécompréhensions de la révolution soroiste

J’ai pu identifier cinq fausses interprétations de la révolution politique incarnée par le leadership de Guillaume Soro en Côte d’Ivoire: l’interprétation gauchiste; l’interprétation ethnocentrisme; l’interprétation de la guéguerre inter-partisane; l’interprétation militariste; l’interprétation idolâtrique.

La première mécompréhension vient de ceux qui voient décidément rouge quand ils entendent parler de Guillaume Soro. Ils ne se contentent pas de brandir l’insurrection armée de 2002 comme un crime absolu, faisant fi au passage du droit imprescriptible de résistance face aux dictatures. Sachant qu’il fut formé dans les années 90 par une intelligentsia de gauche dont les maîtres étaient Désiré Tanoé, Gbottey Bernard Zadi Zaourou, entre autres mentors, on attribue donc à Guillaume Soro une âme de rouge indécrottable. La légendaire casquette du Che Bogota vient compléter le tableau, accrochant son parcours à la vigoureuse lignée des révolutionnaires de gauche. Pourtant, nous le montrerons, Guillaume Soro émerge bien de la gauche ivoirienne, mais n’est pas un gauchiste. Son idée centrale est de fonder la république, non pas sur une oligarchie du Capital, mais sur une priorité du Bien Commun par rapport aux fortunes individuelles. IL s’agit donc d’un approche sociale-libérale, ou d’une politique du libéralisme social, que nous aurons à creuser par l’analyse de la pratique politique de Guillaume Soro.

la seconde mécompréhension tente de circonscrire l’action politique de Guillaume Soro dans la défense d’une prétendue hégémonie du Nord de la Côte d’Ivoire sur le reste du pays. Certains exégètes de cette école ethnocentrisme ont vite fait de réduire Guillaume Soro au rang de défenseur de la « dioulaterie », entendez la domination Dioula. Pourtant, on comprendra difficilement comment une telle idée recevable pour quelqu’un qui a gagné les élections syndicales étudiantes de 1995 dans une université ouverte à la diversité ivoirienne; rempli le stade Félix Houphouêt-Boigny en 1998 avec le Forum International des Etudiants Francophones (FIEF), et auparavant , qui a été élu homme politique ivoirien de l’année 1997 par des journaux sans hégémonie Dioula…On comprendra encore moins comment le MPCI/FN de Guillaume Soro reflétait parfaitement, comme tous les cabinets Soro jusqu’à ce jour, le métissage de la société ivoirienne et internationale.

La troisième erreur d’approche des calomniateurs de la révolution soroïste, consiste à vouloir y voir une manière de diviser le RDR ou le RHDP. Ceux qui pensent ainsi, au RDR, ont en réalité la mémoire courte. Car ils ignorent que le RDR lui-même est né d’un acte de rupture au coeur du PDCI-RDA en 1994. Comment un parti né d’une rupture envers le parti historique de l’Indépendance ivoirienne peut-il faire la morale à ses victimes, alors même qu’il a lui-même par le passé dénoncé le patrimonialisme, l’ethnicisme, la corruption d’Etat et l’esprit d’inclusion dont le RDR souffre aujourd’hui comme par intime contamination? En réalité, ce qui explique aujourd’hui la crise au RDR est ce qui expliqua autre fois la crise au PDCI-RDA. La même arrogance, la même suffisance, le même esprit de clan et la même courte vue sur les mutations en cours dans la société ivoirienne.

La quatrième fausse interprétation de la révolution soroiste veut la réduire à un projet de coup d’Etat. On croit le destin politique de Guillaume Soro définitivement lié au maniement des armes. Encore une illusion d’optique. Guillaume Soro n’est pas un militariste. C’est un patriote républicain. La rébellion de 2002 fut un acte de légitime défense organisé face à un régime d’exclusion. L’engagement héroïque de 2010-2011 en vue de la reconnaissance de la victoire d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle participait du même axe sacrificiel. Mais Guillaume Soro n’a risqué sa vie que pour la naissance d’un Etat de droit démocratique en Côte d’Ivoire. Croire dès lors en la démocratie, c’est justement vouloir à tout jamais doter la Côte d’Ivoire de mécanismes d’accès, de gestion et de transmission pacifique du pouvoir d’Etat. Et les dernières révélations de sondages internationaux et nationaux sur les présidentiables ivoiriens n’indiquent-elles pas à suffisance que Guillaume Soro est celui dont le nom frémit le plus dans les urnes futures de la démocratie ivoirienne? On ne peut compter sur un coup d’Etat pour prendre le pouvoir quand on s’est battu toute sa vie pour instaurer la démocratie dans son pays.

Enfin, la cinquième erreur d’approche de la révolution soroiste consiste à l’interpréter comme l’idolâtrie de la personne individuelle de Guillaume Kigbafori Soro. Sinistre erreur! Guillaume Soro n’est demandeur d’aucun culte de la personnalité. Tous ceux qui le connaissent reconnaîtront son humilité et sa modestie naturelles. Autour de Guillaume Soro, sont bien plutôt encouragées l’émulation des intelligences, la complémentarité des talents, la créativité des acteurs de l’histoire. IL y a donc une nouvelle civilité républicaine en émergence autour de la figure de Guillaume Soro, celle d’une diversité politique rassemblée par des règles consensuelles de concurrence, dans le respect solennel de l’intérêt général du pays.

Et dès lors qu’on s’est débarrassé de ces cinq fausses approches de la révolution soroïste, comment peut-on dès lors la définir, positivement?

Tel sera l’objet de la seconde partie de la présente tribune, à votre disposition dans les 3 prochains jours: « La révolution soroïste expliquée à sa génération ».

Une Tribune Internationale de Franklin Nyamsi

Professeur agrégé de philosophie

Washington, Etats-Unis d’Amérique

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8 réflexions au sujet de “La révolution soroïste en marche en-Côte d’Ivoire (Franklin Nyamsi)”

  1. Oui, on attend la suite !!

    Comment NYAMSI va t-il faire pour nous expliquer que SORO n’est pas ce que l’on croit de lui !!

    Quelle acrobatie va t-il produire, après avoir exclu comme scenario tout ce qui était possible d’appliquer à SORO ??

    Explique nous donc la révolution SORO, vu que personne ne la comprend !

    Épilogue !!

  2. Je crois que les jeunes ont déjà fait leur choix : GKS. Il n’y a qu’à être dans leurs milieux, dans les quartier populaires pour voir que les jeunes ont déjà mis GKS à la Présidence. Vu ce qui se passe sur le terrain, je suis sûr que GKS sera Président en 2020. À moins que la CEI ne nomme quelqu’un « président ».

    J’affirme que vu ce qui se passe sur le terrain GKS est le choix des jeunes.

  3. « J’affirme que vu ce qui se passe sur le terrain GKS est le choix des jeunes. »

    Vous parlez de quels jeunes là ??

    Ceux dont les parents on subi les affres de la rébellion ??

    SORO est et demeure le chef de la rébellion ivoirienne et donc le responsable de milliers de morts dans ce pays. Ce n’est pas parce qu’il semble s’opposer à OUATTARA, « partant », qu’il deviendra subitement sympathique !!

    Ses propos de réconciliation n’ont de valeur que s’ils sont suivis d’actes concrets comme la libération de TOUS les prisonniers politiques, ordre que seul OUATTARA peut donner.

    Mais on vous comprend !!

    Des gens qui ont aujourd’hui 17/18 ans, n’ont pas souvenir de ce que la rébellion aura fait, ils n’auront donc aucune douleur à intérioriser vu qu’ils étaient encore accrochés au dos de leur mères quand les balles et les obus fusaient dans le ciel ivoirien. Tout ce qu’ils voient, c’est le panache et l’allure de SORO, le PAN, qui joue au beau parleur et à l’homme politique de salon, avec son cortège et son protocole !!

    Un conseil, la prochaine fois que vous irez sur le terrain (surtout pas à BOUAKE, on se comprend), comptez le nombre de jeunes qui ne veulent pas aborder le sujet et comparer les à ceux qui se prononcent pour SORO !!

    Vous serez surpris !!

    Épilogue !!

  4. Alors Soro le choix des jeunes Selon @jesuis
    ou alors rejet de Soro en dehors de BOUAKE Selon @ami perso ?
    Qui dit vrai? Voilà Pourquoi le suffrage met tout le monde d’accord….Les ivoiriens trancheront….

    Té ande

  5. Les ivoiriens trancheront uniquement si on y arrive !!

    Désormais, la logique qui veut que les ivoiriens se prononcent est mise à mal, avec tout ce que l’on a vu dans ce pays !!

    Les normes et le bons sens sont a reconsidérer !!

    De mon point de vue, je ne vois pas pourquoi un criminel pourrait participer à une élection !!

    Épilogue !!

  6. Hannnnn

    ami perso…. Ne me dis pas s’il te plaît qu’on est reparti pour un tour ? Tu veux encore une exclusion ? Soro ne doit pas être candidat ? Non mon ami ne retombe pas dans tes travers.,.Si c’est un assassin comme tu dis les ivoiriens qui sont en majorité des gens de bon sens ne voteront pas pour un assassin…
    C’est aussi simple…Mais les élections avec élimination de têtes d’affiche de mouvements politiques…pitié on a connu et on a vu où ça nous a conduit…
    Einstein disait que la folie c’est répéter la même expérience dans les mêmes conditions en espérant un résultat différent….

    De plus personnellement de par les infos en ma possession je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas d’élections en 2020…Mais bon il se peut qu’il y ait une catastrophe naturelle ou autre mais qu’une action humaine ou partisane empêche l’élection je n’y crois pas…

    Té ande

  7. @Dabakala,
    Boys dites: »Des gens qui ont aujourd’hui 17/18 ans, n’ont pas souvenir de ce que la rébellion aura fait, ils n’auront donc aucune douleur à intérioriser vu qu’ils étaient encore accrochés au dos de leur mères quand les balles et les obus fusaient dans le ciel ivoirien. Tout ce qu’ils voient, c’est le panache et l’allure de SORO, le PAN, qui joue au beau parleur et à l’homme politique de salon, avec son cortège et son protocole !! »
    Mon observation: Pas si sûre. Voyez vous, selon Sigmund Freud, les comportements des enfants sont influencé à 40% par leur parents. De ce fait, les ressentiments des parents pourront influencer le vote des enfants, qui ne votent pas utile, mais miment plutôt leurs parents. Ma lecture du bruit autour de Soro est simplement, un rapprochement vers le probable future régent de La Côte D’ivoire, c’est à dire le PDCI, pour rester dans les arcanes du pouvoir. Cela évidemment, si le RDR ne depasse pas ses hésitations pour endosser pleinement l’appel de Daoukro, et que le PDCI solidifie sa position et renforce son assise par de nouvelles alliances, comme le rapprochement avec les Soroistes (d’autres suivront) le PDCI se passera certainement du RDR pour aller seul à la conquête du pouvoir. Quant à la déclaration de @jesuis, elle relève plus de la propagande que de la réalité, puisqu’elle ne peut être appuyée par une étude d’opinion ou un sondage. Soro à certainement des sympathisants, mais rien pour ébranler le PDCI, le FPI, ou même le RDR son parti d’ origine, cependant il peut donner un coup d’accélérateur au PDCI. Pour ceux qui disent qu’il peut être le choix de Bedie, « this will be a long shot  » comme le disent nos amis anglo-saxons.

  8. @AGE …

    Vous dites : « les comportements des enfants sont influencé à 40% par leur parents. De ce fait, les ressentiments des parents pourront influencer le vote des enfants, qui ne votent pas utile, mais miment plutôt leurs parents. »

    Votre intervention comprend implicitement l’antithèse : forcement, les 60% se basent sur l’opinion propre de l’enfant et donc des perceptions qu’il développe dans ce cadre. Alors oui, un enfant pourrait mimer ses parents lors d’un vote, mais ce que ses parents pensent n’effacera pas forcément ce qu’il s’est construit lui même comme image du monde autour de lui.

    Vous dites : « Ma lecture du bruit autour de Soro est simplement, un rapprochement vers le probable future régent de La Côte D’ivoire, c’est à dire le PDCI, pour rester dans les arcanes du pouvoir. Cela évidemment, si le RDR ne dépasse pas ses hésitations pour endosser pleinement l’appel de Daoukro, et que le PDCI solidifie sa position et renforce son assise par de nouvelles alliances, comme le rapprochement avec les Soroistes (d’autres suivront) le PDCI se passera certainement du RDR pour aller seul à la conquête du pouvoir. »

    Je ne veux pas m’opposer à votre raisonnement vu que cela n’est pas l’objectif. Par contre, je me permets ici d’introduire une donnée que vous semblez ne pas prendre en compte : la nature du PDCI.

    Vous parlez du PDCI comme une entité, avec peut-être BEDIE à sa tête, tout ceci prés de deux ans avant une élection présidentielle.

    Je ne partage pas ce point. Je crois, comme pour le RDR qui vit une crise interne prononcée, que le PDCI aura aussi des tensions en son sein. Il s’agira de leadership et de guerre de clans. Pour le moment, on ne perçoit pas grand chose, quelque têtes ont un peu bougé (BILLON, OUEGNIN), mais si le silence s’impose dans ce parti, c’est pour deux raisons :
    • C’est bien trop tôt de s’afficher maintenant et de participer à une guerre de clan
    • Tant que la position de nombreuses personnalités du PDCI dépend du pouvoir en place (postes et nominations diverses), il ne serait pas intelligent de s’agiter maintenant et de subir ce pouvoir à travers la perte de certains avantages que seul OUATTARA peu offrir. OUATTARA n’est pas GBAGBO LAURENT et quand il sent que l’on ne va pas dans son sens, il frappe (SIDIKI, LOBOUGNON, AFFOUSSY, BILLON, MABRI, GNAMIEN, et enfin les têtes du PDCI récemment coupées..)

    La crise interne au PDCI, exactement comme en 2015, naitra forcément au moment opportun et redéfinira la politique de ce parti. Je ne sais pas si BEDIE aura suffisamment de puissance pour s’imposer comme il l’a fait, mais le risque d’aboutir à des dissensions, des division et à terme une alliance d’opinion et stratégique avec par exemple le FPI, est plus qu’immense.

    Alors oui, il faut tout mettre dans la balance. Il est possible qu’à terme, un candidat comme BILLON ou OUEGIN ait largement plus de poids que SORO et tout autre individu, justement par ce qu’il aurait moralisé le PDCI, l’aura divisé et aura noué des alliances avec le FPI, qui rentrerait de plein fouet dans le jeu électoral en offrant son suffrage massif !!

    Allons donc et voyons ce qui se fera.

    Mon inquiétude, c’est que le risque que les lois soient brisées de nouveau, que le trouble s’installe ou que les élections ne soient pas transparentes et libres, est omniprésent !!

    Et il y en a qui parle ici d’Armageddon !!

    Non, 2020 risque d’être aussi tendu que 2000 et 2015, car les cartes, mêmes si battues, se reposent sur le même clivage, les mêmes perceptions et la même propension à la violence !!

    QUID du désarmement selon l’ONUCI ??

    Hummmm…

    Épilogue !!

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