Par Connectionivoirienne
Si c’était pour jauger la capacité de mobilisation des deux franges du Fpi qui se livrent une bataille fratricide depuis juillet 2014, on peut le dire, le régime Ouattara a aujourd’hui la réponse. Mais avec un gros biais pour parler comme les statisticiens.
Ce samedi 17 juin 2017, à l’appel de Pascal Affi N’guessan, des Ivoiriens ont marché de Treichville à Adjamé pour disent-ils, exprimer leur colère face à la gestion chaotique du pays. La marche a eu lieu, sans grabuge, sur l’itinéraire prédéfini, avec l’encadrement des forces de sécurité publique. Le ciel ne s’est pas effondré. Telle est pour la lecture superficielle.
Mais au-delà même des proclamations et de la dénomination, cette marche avait valeur de test pour Affi N’guessan qui a eu du mal à intégrer le succès de la fête de la liberté à Akouré en termes de mobilisation. Pour se remettre de ce coup de semonce de ses adversaires, il avait plutôt embouché la rhétorique du dénigrement estimant (à tort ou à raison) que c’est le pouvoir qui a donné un coup de pouce et qui a mis à disposition les moyens logistiques et financiers.
Il avait donc à cœur de prendre sa revanche en faisant mieux que Sangaré. Aussi, a-t-il dans sa stratégie, voulu embarquer tout le monde en dénommant sa manifestation « marche de la colère ». Les mots sont bien choisis. C’est un fait et une réalité tangible qu’en Côte d’ivoire, la gouvernance Ouattara fait chaque jour de nouveaux frustrés dont la colère ne serait que légitime face aux déboires subis. D’ailleurs ce même samedi de la marche, des habitations venaient encore d’être démolies à Vridi et les habitants laissés pour compte.
Mais combien y a-t-il eu de marcheurs ? Les organisateurs se gardent de donner des chiffres pour sans doute éviter d’être ridicules comparés à la population abidjanaise qui dépasse à elle seule 5 millions d’habitants et où le nombre de frustrés du régime peut battre des records et dépasser les 5 mille fêtards d’Akouré. S’il accusait hier ses ex-camarades d’avoir bénéficié d’un coup de pouce, que dirait-on de sa manifestation ?
Une fois n’est pas coutume, la manifestation programmée a eu droit à un coup de grâce de la télévision nationale. Elle a été évoquée au journal télévisé de 20 heures la veille même si, volontairement elle a été qualifiée de marche contre les mutineries. Avant et pendant la marche, aucun soupçon d’interdiction n’a été glissé par le pouvoir pour décourager les marcheurs. C’est en toute confiance que ceux-ci ont rallié le lieu du rassemblement. Tout a été mis en œuvre pour une réussite totale et Affi n’aurait eu aucune excuse si fiasco il devait y avoir.
Le pouvoir avait ses objectifs. Dans un contexte de désaffection après les dernières mutineries, Alassane Ouattara qui est en déplacement dans les capitales européennes, à la recherche de ressources pour boucler un budget mis à mal par la chute drastique des cours du cacao, avait là une bonne occasion de redorer son statut de ‘’démocrate’’. Un pouvoir légitime, ouvert à la discussion, qui laisse ses opposants s’exprimer quand ils le veulent.
Ces arguments sont ceux qui lui avaient valu le soutien de la communauté internationale dans son duel contre Gbagbo et il fallait qu’il en donne la preuve. Cela fait, Affi peut monter sur le plus haut immeuble du Plateau pour crier sa colère, sa voix restera aussi inaudible que celle de ses adversaires du Fpi pro-Sangaré. Et les organisations des droits de l’homme et les bailleurs de fonds multilatéraux et les multinationales et tous ceux qui en profitent fermeront les yeux sur les dérives pour lesquelles ils s’étaient naguère érigés en donneurs de leçons.
C’est malheureusement de ce piège infernal que ne veulent pas sortir les opposants au régime d’Abidjan, eux qui sont plus experts dans leur façon de se porter l’estocade que dans la mise en place d’un front uni contre un pouvoir qui, à la vérité, n’a plus rien à proposer aux Ivoiriens qui bien que fâchés, préfèrent jouer les révolutionnaires de salon en attendant la providence.
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr
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