Les équipes de défense de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ont continué d’interroger Sanogo Broulaye mardi 6 décembre à la Cour pénale internationale (CPI). Le témoin a précisé les circonstances de son arrestation, lors de la marche sur la RTI. Il a par ailleurs expliqué comment il avait été « encouragé » à témoigner devant la CPI, recevant une aide financière et morale de certains intermédiaires…
Par Camille Dubruelh Ivoirejustice
Ce qu’il lui est arrivé, le témoin en a beaucoup parlé autour de lui. Aux représentants de la Croix rouge, de l’ONUCI et de la mairie de Treichville, notamment. Mais c’est surtout un nom que Sanogo Brulay a retenu: Issiaka Diaby, président du Collectif des victimes de Côte d’Ivoire (CVCI). « Il nous encourage, nous motive », a assuré le témoin ce mardi devant la Cour. « Il m’a trop aidé moralement, financièrement », a-t-il poursuivi, répondant à la défense de Laurent Gbagbo.
« Monsieur Diaby vous a parlé de la CPI ? », a demandé Emmanuel Altit, l’avocat de l’accusé. « Il m’a dit que je vais venir témoigner », a expliqué le témoin. L’avocat a également voulu savoir si l’homme lui avait « promis quelque chose en échange de son témoignage ». « Il nous a pas promis. Il m’a dit seulement : si on finit de témoigner, ils vont trouver un terrain d’entente pour nous soutenir un peu », a admis Sanogo Brulay.
Avant ces révélations, le témoin a fourni ce matin un récit détaillé des circonstances de son arrestation, le 16 décembre 2010. Sanogo Brulay a raconté comment il était parti en Wôro-Wôro de Treichville avec deux amis ce jour-là. Objectif : « voir ce qu’il se passait à la RTI » et « aller visiter le Golfe », parce que « les gens en parlaient dans le quartier ». Mais arrivés à la gare de Cocody Saint Jean, les trois amis auraient pris peur face au nombre de corps habillés déployés et décidé ainsi de rebrousser chemin. Ils seraient alors montés dans un autre taxi, qui filait direction Adjamé.
Le témoin dénonce une mise en scène
Chacune à leur tour, les équipes de défense ont relevé des incohérences dans le récit du trajet du témoin. Ainsi, Jean-Serge Gbougnon, avocat de l’accusé, a notamment voulu savoir pour quelles raisons le témoin s’était dirigé vers un Wôro Wôro jaune pour rebrousser chemin, alors que ces taxis ne desservent que la commune de Cocody. De la même manière, l’avocat a demandé pourquoi, alors que le chauffeur était censé rejoindre Adjamé, aucun des trois amis ne s’était inquiété de passer par Riviera, située à l’exact opposé. Mais le témoin a peiné à répondre à toutes ces questions. A plusieurs reprises, il a évoqué le fait que le chauffeur voulait « dévier » de route à cause des barrages des forces de l’ordre.
C’est à l’un de ces barrages que le Wôro Wôro aurait justement été arrêté, au niveau du carrefour Marie Thérèse, non loin de l’Hôtel du Golf. Après avoir contrôlé les papiers des occupants du véhicule, des membres des forces de défense et de sécurité (FDS), en treillis et cagoules pour certains, auraient voulu arrêter les trois amis. Si ses deux compagnons seraient parvenus à fuir, le témoin aurait lui, été rattrapé en atteignant un second barrage et remis à ses poursuivants. Les FDS auraient alors procédé à une mise en scène. Sanogo Broulay assure avoir été frappé et attaché. Puis les corps habillés auraient posé des armes et grigris devant lui avant de le photographier. « C’était une manière de me charger, de dire que j’étais un espion du Golf », affirme le témoin.
« Le témoin n’est jamais allé à la MACA »
Le témoin a expliqué avoir été transféré à la gendarmerie de Cocody, puis à la préfecture de police et enfin à la MACA. Il aurait finalement été libéré le 31 décembre après être passé par le tribunal. Problème, selon la défense, la « seule preuve » de la présence du témoin à la MACA est son billet de sortie. Mais les informations figurant dessus « ne correspondent en rien » à celle de Sanogo Broulay, a souligné Emmanuel Altit, le prénom, la date de naissance, les noms de son père et de sa mère étant différents. Le témoin a répliqué que sous les coups, il avait donné un faux nom aux policiers « par peur ».
Une explication qui n’a pas convaincue la défense de Charles Blé Goudé. Celle-ci s’est étonnée : le témoin ayant déclaré que les FDS avaient pris ses papiers, comment pouvaient-ils se tromper en retranscrivant ces éléments ? « Je vais vous démontrer que le témoin n’est jamais allé à la Maca », a plaidé Jean-Serge Gbougon, alors que le juge rejetait cette dernière question.
Une fois les dernières questions posées et pour clore cette riche journée, un nouveau témoin a fait son apparition cet après-midi à la barre. Monsieur Bakayoko Kaladjy a été amené à décliner son identité et s’est engagé solennellement à dire la vérité devant la Cour. Son interrogatoire en tant que tel commencera demain matin avec les questions du bureau de la procureure.
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