Côte-d’Ivoire : Roger Capri alias “You phaser’’, le précurseur du Zouglou, à la tête bien faite (PORTRAIT)

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En créant au début des années 80 l’embryon de ce qui deviendra plus tard le Zouglou, célèbre genre musical ivoirien, Roger Capri, alors jeune lycéen, ne s’imaginait certainement pas que ses chants inspirés par le souci de se récréer après les cours avec ses amis du lycée, s’imposerait aussi durablement comme l’identité culturelle de la Côte d’Ivoire.

A 56 ans, Roger Capri, enseignant-chercheur à l’université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan, fait partie de cette catégorie de personnes dont le nom ou surnom est certes célèbre sans qu’elles-mêmes, soient connues du grand public, au point de passer presqu’incognito dans les rues.

Son pseudonyme “You phaser’’ qui signifie en langue nationale bété “l’enfant qui fait des prouesses’’, a retentit pendant de longues années comme un refrain dans presque toutes les chansons populaires en Côte d’Ivoire.

Casquette noire vissée sur la tête, lunettes aux yeux, Roger Capri dit You phaser, vêtu d’une chemise à manches longues multicolores et d’un pantalon jean, nous reçoit à son bureau dans une Université privée à Marcory (au sud d’Abidjan) où il donne des cours d’Economie.

D’une voie fluette, ce solide gaillard de 1,90 m, père de neuf enfants explique les origines de ce qui est incontestablement le genre musical urbain le plus populaire en Côte d’Ivoire. “J’ai créé d’abord l’ambiance facile dans un bistrot non loin du lycée classique d’Abidjan où nous nous retrouvions après les cours pour des parties de beuverie’’.

“Ambiance facile’’, parce que les chants de Roger Capri et ses amis étaient accompagnés de musique de percussion créée sur instruments improvisés tels que grattoirs en métal, bouteilles en verre. “Il n’y avait pas de contrainte technique. On n’avait pas besoin de soulever de gros tam-tam pour se déplacer. Il n’y avait pas non plus de contrainte financière puisque ces instruments ne coutaient rien’’, explique-t-il.

Par la suite, l’ambiance facile dérive pour devenir “le Wôyô’’ dont la notoriété s’établit lors des compétitions sportives dans les écoles où des groupes d’élèves créaient des chansons pour encourager leurs équipes qu’ils accompagnaient.

Le Zouglou s’est plus tard inspiré de ces rythmes et mélodies et est ainsi devenu le premier style musical considéré comme multi-ethnique et représentatif de la nation ivoirienne.

Roger Capri revendique aujourd’hui avec “fierté’’ la paternité de ce style musical. “Il n’y a pas de débat en la matière’’, affirme cet originaire de Gagnoa, ville du centre-ouest ivoirien, en plein cœur du pays bété.

Mais après des années de frénésie, le mouvement Zouglou semble marquer le pas, un peu comme frappé par une panne d’inspiration de ses principaux animateurs. La faute “à une guerre de clans et des conflits de clochers’’, selon You phaser.

“Chacun voulait s’approprier une chose qui ne lui appartenait pas’’, précise-t-il. Pour lui, le succès planétaire du groupe Magic System est “l’arbre qui cache la forêt’’ des difficultés dans lesquelles se trouve le Zouglou.

Malgré la notoriété au cours de ses années lycée, Roger Capri peut se targuer d’avoir réalisé de brillants résultats académiques et un parcours professionnel dense et fourni.

Auréolé de son Baccalauréat Série C obtenu au Lycée Classique d’Abidjan, “You phaser’’ décroche quelques années plus tard un Doctorat en Sciences économiques à l’université de Bordeaux 4 en France. Il est, en outre, titulaire d’une Licence en Science politique et d’un Diplôme d’études approfondies (DEA) en Histoire.

Depuis 1990, il a cumulé de nombreuses fonctions: cadre commercial dans la filiale ivoirienne d’un célèbre laboratoire pharmaceutique anglais, Enseignant-chercheur à l’université, Enseignant à l’Ecole nationale d’administration (Ena).

“J’étais un modèle pour la jeunesse. Et un modèle n’a pas droit à l’erreur. J’avais un devoir de montrer que le leader charismatique que j’étais devait atteindre un certain niveau d’études pour passer le témoin à la génération d’après dans des conditions idoines’’, résume-t-il.

Depuis le 26 mars 2016, l’ancien boute-en-train du Lycée Scientifique de Yamoussoukro et du Lycée Classique d’Abidjan a mis sur pied la fondation You phaser pour les arts et la culture (FYPAC).

Un projet destiné à expliquer au “monde entier qu’il y a eu en Côte d’Ivoire, une révolution culturelle qui a abouti au Zouglou’’

Serge Alain KOFFI

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