Côte-d’Ivoire “Sont-ils en train de se venger d’Houphouet ?”

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Contribution libre du Dr DION Yodé Simplice

Je commence par une confidence. La confidence, dit Nouhad Mansouri, «confie ce qui est dense». On me confia un jour, qu’au plus fort de sa maladie et, pour tout dire, à l’article de la mort, le Président Félix Houphouët-Boigny, informé par ses services de renseignements des ″manœuvres et manigances″ de ses proches qui épiaient son dernier soupir pour ravir le Trône, levant les mains au ciel s’écria : « O grand Dieu ! Ai-je consacré toute ma vie à bâtir cette nation pour qu’elle parte en ruines après mon départ ? »

Le grand Bélier s’en est allé depuis, et depuis, ce pays est en capilotade. Comme si on avait décidé quelque part dans une officine secrète de ″régler les comptes au Vieux″, d’en finir avec ce Houphouët-Boigny et d’effacer toutes traces de son passage sur cette terre des hommes. On a fait la guerre dans le pays de cet homme de paix. On a divisé et opposé ceux qu’il avait unis et rassemblés. On a laissé tomber en ruines ce que son génie créateur avait produit pour le bonheur de son peuple. Maintenant, on a décidé de lui porter l’estocade en faisant disparaître le PDCI-RDA, l’œuvre de sa vie, l’instrument de combat politique et de développement socio-économique sorti de l’esprit conquérant de ce parfait ″magicien ès sciences politiques″ !

Les militants du PDCI-RDA s’interrogent et veulent comprendre. Comment peut-on méthodiquement travailler à effacer de la mémoire collective l’œuvre politique de celui-là qui vous a fait passer, contre l’avis quasi unanime de ses proches, du néant de l’anonymat à l’être de la gloire et de la notoriété ? Comment peut-on travailler à faire disparaître pour les besoins d’une cause, dont la pertinence reste sujette à caution, les traces fortes et puissantes de celui qui, parmi tant de Cadres ivoiriens non moins méritants, a fait de vous ce que vous fûtes hier et ce que vous êtes aujourd’hui ? Oui ! Qu’auriez-vous été sans Houphouët dans ce pays ? Qu’auriez-vous pu être et que seriez-vous devenus s’il ne vous avait placés sous son égide, bénéficiant ainsi de son appui, de son aide et de sa paternelle protection ? Comment, dis-je, peut-on contribuer, activement ou passivement, à ″tuer″ ce père si aimant qui a mâché la besogne pour vous, qui a combattu pour vous tous vos adversaires intérieurs ou extérieurs, réels ou imaginaires, pour vous confier son bien le plus précieux, son âme et celles de ses valeureux compagnons, le PDCI-RDA ? A la limite, vous qui feignez d’ignorer que l’argent ne saurait tout acheter, vous avez le droit de vendre votre âme au prix que vous souhaitez. Mais de quel droit voulez-vous, en plus de la vôtre, vendre l’âme d’Houphouët et de ses compagnons, c’est-à-dire le PDCI-RDA ? Ce parricide-là, les « enfants » d’Houphouët ne le comprennent pas et ne l’acceptent pas. C’est pourquoi je ne saurais me taire car, dans ce genre de situation, garder le silence revient à se faire complice. Et les sages disent que c’est à cause du silence que la sorcellerie décime les familles.

Quelle urgence y-a-t-il à brader notre héritage, notre fétiche familial ? Quelle urgence y-a-t-il à prononcer maintenant la mort du PDCI-RDA, un parti qui, vingt-trois ans après la disparition de son fondateur, dix-sept ans après avoir été renversé par un coup d’Etat militaire, possède encore toutes ses capacités pour reprendre démocratiquement le pouvoir, dans les urnes ? Il y a dans l’attitude de ces grands Prêtres sacrificateurs du PDCI-RDA une logique que mon entendement n’arrive pas à percer. Pourquoi vouloir à tout prix tuer la poule aux œufs d’or ? Pourquoi vouloir gommer notre identité pour se fabriquer ou emprunter une identité factice et surfaite qui n’est pas nôtre ? Le PDCI-RDA aurait-il désormais honte de son nom ? Qu’on ne cherche pas à nous en faire accroire. Qu’on ne me dise pas que le RHDP ne signifie pas la mort d’Houphouët. Au contraire, depuis l’appel de Daoukro, l’histoire de cette alliance politique qu’est le RHDP n’est que la chronique de la mort annoncée, et maintenant actée, du PDCI-RDA qui est le parti fondé par F.H.B. Au contraire, la meilleure manière de faire vivre ce grand homme pour toujours, c’est bien le retour de tous ceux qui s’en réclament au PDCI et non la dissolution de ce parti-souche dans un rassemblement hétéroclite qui n’offre aucune communauté de valeurs !
Nous avons tous entendu ou lu ce fameux communiqué de Daoukro ! Je pense l’avoir compris, parce que comprendre un discours, c’est comprendre ce qu’il veut dire et non pas ce qu’il dit. La signification ne se dégage pas de la littéralité du discours, mais de l’interprétation, c’est-à-dire du déchiffrement de ce qui est caché dans l’apparent. C’est pourquoi, en fait, on ne comprend pas un discours, on comprend son auteur. Comprendre les mots, c’est remonter à l’intention qui les anime. Il y a ce que ce fameux communiqué de Daoukro dit (les mots), et il y a ce qu’il veut dire (l’intention). Ne nous y trompons point ! Il y a quelqu’un qui, pour je ne sais encore quelle raison (mais cela se saura un jour), mûrit l’intention de faire disparaître le PDCI-RDA qu’il n’a pas créé mais dont l’existence semble être un obstacle à ses desseins dont nous ne savons rien. Mais quelle sorte d’héritiers sont-ils donc pour planifier, acter et exécuter un parricide aussi nauséeux quand on a eu droit à l’or, au lait et au miel ? Quelle sorte d’héritier est l’héritier qui brade la demeure familiale pour aller s’abriter dans la case du voisin ou qui vend aux enchères le fétiche tutélaire pour s’en remettre à celui de la case d’à côté?

Ce parricide-là, je ne l’accepterai jamais. Il me semble encore plus dur à admettre que le coup de poignard mortel de Brutus à César : « Toi aussi, mon fils ! » aurait dit César en agonisant. Du fond de sa tombe, Félix Houphouët-Boigny pourrait lui aussi s’écrier : « Vous aussi, mes fils ! » à tous ceux qu’il a aidés, aimés, blanchis, choyés, nourris, fabriqués… et qui assistent sans mots dire à ce parricide ignoble et dégoûtant ! Ah, les hommes !

Est-on entrain de déboulonner Houphouët et dépecer le PDCI par pure cupidité ou vénalité ? Est-ce juste pour des postes de ministres ou de hauts cadres dans l’administration ? A moins que …je ne consente à donner raison à Louis-Ferdinand Céline qui écrit fort justement : « les gens se vengent des services qu’on leur rend ». Cela s’appelle de l’ingratitude ! Allons-nous regarder les gens se venger de Félix Houphouët-Boigny pour le bien qui leur a fait ?

O grand Dieu ! Que devient ce pays ? Quel sort réserves-tu au parti de ton serviteur Félix Houphouët-Boigny ? Et où sont-ils ces ″enfants″, ces disciples, ces proches collaborateurs, ces anciens ″barons″ du régime Houphouët qui avaient juré au PDCI une fidélité usque ad mortem, jusqu’à la mort ? Où sont-ils ces valeureux militants qui, il y a quelques temps encore, hurlaient à s’époumoner : « Je suis PDCI, tu es PDCI, il est PDCI, etc. ». Vont-ils participer activement ou assister impuissants, silencieux, complices, au sacrifice du grand Eléphant qui hier libéra nos parents des chaînes de l’oppression et construisit un pays d’espérance et d’hospitalité ?

Que devient, dans ce pays devenu si matérialiste, l’éthique de la parole ? Ma parole de ce jour vous paraît-elle triviale, spontanée ? Mais, à la vérité, trivialité et spontanéité sont très souvent gages de vérité. Je vais dire les choses comme je le pense. J’ai beaucoup de respect pour les Anciens mais pas assez pour ceux d’entre eux qui tombent dans le parjure. Parce que le parjure est injure à soi, profanation de la parole donnée (la parole donnée n’est-elle pas sacrée ?) mais déchéance dans l’estime des autres qui ont placé en vous leur totale confiance. C’est pourquoi le parjure peut exposer à l’injure. Mais je ne franchirai jamais ce Rubicon parce que le langage de la violence et de la haine n’est pas houphouétiste. Et je suis enfant d’Houphouët ! Rien d’impur ne sortira de ma bouche ni ne coulera de ma plume.
Je dis seulement ceci à celui ou ceux qui dirigent actuellement le PDCI-RDA : donner sa parole, c’est prendre des risques. C’est risquer sa dignité. Quand on a dit que le PDCI aura un candidat à l’élection présidentielle, il faut faire en sorte de tenir sa parole. Quand on a dit qu’on fera tout pour que le parti unifié soit le parti réunifié, c’est-à-dire le PDCI-RDA, il faut faire en sorte de respecter ses engagements et non se renier le lendemain au moindre cri d’orfraie. Quand on a dit qu’en 2020, le PDCI reviendra au pouvoir, il faut œuvrer pour atteindre cet objectif et non créer le flou dans l’esprit des militants, les enfariner, pour enterrer le plus grand parti de la Côte d’Ivoire ! La parole donnée établit un pacte avec l’autre que nous voulons fidéliser en étant nous-mêmes fidèle à notre engagement. C’est de cette manière qu’on inspire confiance et que les autres nous font confiance. C’est pourquoi, comme le dit, Gusdorf, « l’homme de parole paie de sa personne ». En effet, l’homme qui ne respecte pas sa parole ne mérite plus la confiance ni des dieux ni de ses semblables. C’est pourquoi, et vous l’aurez compris, je n’ai plus aucune confiance en ceux qui dirigent le PDCI-RDA. Parce que lorsque l’on me demande de prendre un chemin, je veux savoir où on va, comment on y va et surtout pourquoi ! Est-ce trop demander à ceux qui dirigent le PDCI de nous dire au moins une fois ce qu’ils veulent exactement ? Est-ce trop leur demander de nous respecter et de nous considérer, mais aussi de se faire respecter et considérer ? Il faut arrêter de nous mentir, et de vous mentir à vous-mêmes ! Cela suffit ! Trop, c’est trop !

Je terminerai ma réflexion par une incursion dans la mythologie grecque à travers la figure du sphinx, le maître des énigmes ; les énigmes qui tuent. Les noms que nous portons ou assumons nous parlent et nous conditionnent. Nous savons comment le sphinx a assiégé la cité de Thèbes, la prenant en otage et donnant du fil à retordre à ses habitants, à travers ses énigmes insolubles. Mais nous savons aussi que furieux de se voir percé à jour et dévoilé, le sphinx se jette du haut de son rocher. Le sphinx a fini par être vaincu, pris dans le piège de ses propres énigmes. Trop d’énigmes tuent l’énigme. La fin du sphinx vaincu par Œdipe redonne la liberté au peuple. Il en est ainsi de l’histoire des peuples. Il y aura toujours un Œdipe suscité par l’histoire pour mettre fin au règne de l’absurde. Je crois que ce piège du « parti unifié » est la dernière énigme qu’il faut résoudre pour libérer définitivement le PDCI-RDA ! Je crois qu’il faut prendre le sphinx à son propre jeu. Le sphinx… de Daoukro nous donne lui-même dans l’énigme la solution à l’énigme : le seul parti, la seule maison capable de rassembler et d’abriter les enfants d’Houphouët-Boigny, ce n’est pas le RHDP, c’est le PDCI-RDA !

L’heure est arrivée pour nous de joindre toutes nos forces et fédérer toutes nos intelligences pour libérer Thèbes, pour libérer le PDCI-RDA !

Dieu bénisse le PDCI-RDA !
Dieu bénisse la Côte d’Ivoire !

Dr DION Yodé Simplice
Membre du Bureau politique

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