Procès Guéi en Côte-d’Ivoire «Ceux qui prennent les tueurs pour des héros applaudissent des tueurs»

1800ccf1-18c9-4f06-9736-fee5978f7573

Par André Silver Konan

Quels que soient les manquements dans le procès Guéi, l’histoire retiendra que c’est la première fois dans ce pays, que la lumière est publiquement faite, sur l’un des plus grands mystères depuis l’indépendance. En dépit des mensonges bien risibles des accusés (la vidéo de la RTI montrant Séka Séka sur le lieu du crime, ainsi que le véhicule de Dogbo Blé, sur le même lieu, a été présenté au tribunal et des avocats de la défense, n’ont même pas eu la dignité de la regarder, eux qui ont tenté, dans un rare déni d’éthique, de couvrir les mensonges de leurs clients, qui racontaient, sans rire, qu’ils n’étaient pas présents sur les lieux), l’histoire retiendra que ce jour-là, des officiers de l’armée ont commis une bavure criminelle. Tout simplement parce que dans leur esprit (l’expression est de Lida Kouassi), le Général était le commanditaire du coup d’Etat foireux du 19 septembre 2002. Les négationnistes aux petits pieds peuvent continuer à prendre les tueurs (présumés) pour des héros, tout en maudissant d’autres tueurs. Allez-y comprendre leur logique…

Ils peuvent mépriser la souffrance des parents de Guéi, tout en se posant eux-mêmes en victimes, pour d’autres crimes commis sur des proches. Allez vraiment comprendre leur logique sélective…

Ces supporters qui ne sont pas mieux que les tueurs, peuvent aujourd’hui réclamer justice pour eux-mêmes, tout en militant pour que justice ne soit pas rendue pour d’autres, dénoncer aujourd’hui la justice des vainqueurs, après avoir encouragé hier, l’impunité sur les crimes commis à Abidjan, comme à Bouaké. Allez enfin comprendre leur logique…

Malgré tout cela, le procès Guéi a le simple mérite d’avoir retracé le film de l’assassinat de l’ex-chef d’Etat et de ses proches. Aujourd’hui, quel que soit le verdict qui tombera, nous qui depuis le 19 septembre 2002, réclamons justice pour les morts, pour tous les morts ; nous savons ce qui s’est passé, qui a fait quoi et pourquoi. Les avocats du diable qui prennent ces tueurs pour des héros, eux aussi savent, malgré leurs rires carnassiers, que ceux qu’ils applaudissent sont des tueurs. Ils le savent très bien. Quant aux parents des morts, ils peuvent désormais mettre des noms et des visages sur les mains assassines qui ont enlevé la vie aux leurs et ils peuvent enfin faire leur deuil. Le temps est vraiment un autre nom du Dieu de justice.

André Silver Konan
Journaliste-écrivain

Commentaires Facebook