Par Connectionivoirienne.net
Entre la promesse du président Ouattara à Hollande et la réalité du terrain : le hiatus
Des élections « totalement apaisées, démocratiques et ouvertes ». Telle est la promesse faite par le chef de l’exécutif ivoirien à son homologue français François Hollande avec qui il s’est entretenu le mardi 16 juin 2015 à l’Elysée. Comme gage de sa bonne foi, Alassane Ouattara ajoute qu’il n’en serait autrement avec une commission électorale ‘’indépendante’’ et des ‘’conditions équitables’’ pour tous les candidats.
A 6 mille kilomètres d’Abidjan, le chef de l’Etat français qui veille sur les intérêts de son pays, a bien entendu ce qu’il avait envie d’entendre. Près de 640 entreprises françaises opèrent en Côte d’Ivoire et ont besoin d’un climat apaisé pour poursuivre leur prospérité pour et assurer près de 15% du PIB ivoirien. Pour les besoins de la diplomatie, le message du président Ouattara est clair et ne souffre d’aucune ambigüité au plan purement rhétorique. La diplomatie a ses exigences. Toujours rassurer, présenter la bonne image avec un discours policé qui ne frustre et qui ne blesse. Alassane Ouattara en est un féru, c’est indéniable.
Mais il n’y a qu’à descendre dans l’arène, sur le « théâtre des opérations » pour appréhender ce message dans sa réalité et dans son champ sémantique. Les conditions actuelles de préparation de la présidentielle inspirent-elles vraiment confiance aux Ivoiriens eux-mêmes et plus largement à tous ceux qui nous font l’amitié de vivre chez nous ? C’est quoi des « élections ouvertes » ? C’est quoi des « conditions équitables » ?
Un ami expatrié me confiait il y a quelques jours son désir de se retirer dans un pays voisin, le temps de la présidentielle avant de revenir dans les prochains mois si tout se passait bien par la suite. C’est dire que notre processus électoral tel qu’il est enclenché suscite bien d’inquiétudes qui sautent très vite aux yeux de ceux qui ne sont pas concernés mais dont l’avenir en dépend. Cet ami n’est certainement pas le seul à être pris de cette peur à mesure que l’on approche de l’échéance.
Dans la classe politique comme au sein des organisations proches des chapelles politiques, les sons qui se font entendre tous les jours ne sont pas de nature à rassurer. Chaque jour quand le camp de l’opposition projette une action, il s’en suit des menaces du camp au pouvoir qui craint une entreprise de déstabilisation. Le 9 juin dernier une marche de l’opposition a été encore réprimée dans le sang. Et l’opposition de la CNC n’entend pas abdiquer. Elle projette un meeting le 20 juin dans la commune de Yopougon. Dans le même temps, une partie du Fpi affilié à la CNC s’est prononcé en faveur d’un boycott des opérations électorales en cours et à venir, notamment les activités de la CEI, l’organe en charge de l’organisation du scrutin d’octobre 2015. Le Rdr, le parti présidentiel n’a pas attendu longtemps pour produire une déclaration dans laquelle elle taxe les auteurs d’un tel projet de déstabilisateurs.
Comment ces élections seront-elles apaisées dans un tel contexte ? A fortiori comment seraient-elles ouvertes ou inclusives si une partie de la classe politique n’y voit aucun intérêt à y participer, estimant que tout le processus est biaisé, pris en otage par le camp au pouvoir ?
En outre, c’est tous les jours que « l’opposition choisie » qui a émis le vœu de participer à ces élections dénonce des entraves et des cas de fraude en préparation, notamment sur les titres d’identité. Le Fpi d’Affi N’guessan a fait une sortie début juin pour faire remarquer que le pouvoir ne jouait pas la carte de la transparence en violant les conditions minimales d’équité et de transparence. Notamment la campagne prématurée du candidat Ouattara avec les moyens de l’Etat sous le prétexte de « visites d’Etat ». Jusqu’à présent, la télévision d’Etat reste l’otage du camp présidentiel qui s’en sert pour sa propagande. Adieu le monitoring du Cnca (aujourd’hui Haca, organe régulateur des médias audiovisuels) d’avant la présidentielle de 2010.
Dans ces conditions où le candidat du pouvoir et ses alliés ont seul le droit d’occuper l’espace public et l’opposition condamnée aux seules conférences de presse, où est l’équité ?
« A beau mentir qui vient de loin », dit l’adage et Hollande devrait l’apprendre à ses dépens. Ces élections inquiètent plus qu’elles ne rassurent. Elles sont totalement sous influence de l’exécutif qui les prépare à ses conditions et à son rythme sans y associer tous les prétendants au fauteuil. Le maintien de Youssouf Bakayoko à la tête de la CEI alors qu’il est un acteur majeur de la crise postélectorale de 2010 achève de convaincre de la volonté du pouvoir d’avoir une mainmise totale sur le processus électoral. Une telle élection ne saurait être ouverte ni apaisée à plus forte raison démocratique. A moins que l’on ne veuille prendre les vessies pour des lanternes.
SD à Abidjan
Les commentaires sont fermés.