FIDH – Choisir entre la justice et l’impunité, les autorités ivoiriennes face à leurs engagements

Kouy

11 décembre 2014

La FIDH et ses organisations membres en Côte d’Ivoire, le MIDH et la LIDHO, publient aujourd’hui un rapport intitulé « Côte d’Ivoire : choisir entre la justice et l’impunité » qui souligne que malgré le renouvellement de la Cellule spéciale d’enquêtes et d’instruction (CSEI), les avancées judiciaires contre les responsables des violations des droits humains de la crise post électorale qui avait fait plus de 3000 morts en 2010 et 2011 demeurent insuffisantes.

Parmi les préoccupations soulevées par la FIDH le MIDH et la LIDHO dans ce rapport figurent : l’organisation d’un procès visant uniquement des pro Gbagbo, qui ne traite pas des violations des droits humains ; des obstacles posés aux instructions actuellement en cours contre des FRCI, avec notamment des responsables présumés qui n’ont pas répondu à des convocations émises par les autorités judiciaires ; et enfin des procédures concernant des crimes perpétrés à l’ouest postérieurement à la crise post électorale bloquées, etc.

A un an de l’élection présidentielle et alors que le processus de réconciliation nationale ne répond pas aux attentes, la FIDH, le MIDH et la LIDHO appellent les autorités ivoiriennes à lever tous les obstacles pour le jugement impartial et équitable de tous les responsables de la crise post électorale, y compris parmi les FRCI.

Trois ans après le début des procédures judiciaires engagées par la justice ivoirienne afin de juger les auteurs des crimes de la crise post électorale, la FIDH, la LIDHO et le MIDH font un nouvel état des lieux des engagements des autorités ivoiriennes en matière de lutte contre l’impunité et de réconciliation nationale. En participant dès 2012 à ces procédures en tant que parties civiles aux côtés de 75 victimes de tous bords, la FIDH, la LIDHO et le MIDH avaient décidé d’accompagner la justice nationale, vers laquelle les victimes de la crise se sont tournées en priorité.

« Le peu d’avancées réalisées par la justice ivoirienne dans la lutte contre l’impunité depuis un an demeurent insuffisantes et le seul procès de la crise post électorale prévu pour le moment ne traitera pas des violations des droits humains et apparaît très politique à un an de l’élection présidentielle » a déclaré Me Doumbia Yacouba, président du MIDH qui défend les victimes. « Les autorités ivoiriennes doivent garantir des procédures judiciaires plus équitables, notamment obliger les FRCI cités à comparaître afin de répondre aux droits des victimes à la vérité, à la justice et à réparation » a-t-il ajouté.

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Le rapport dresse notamment un état des lieux des procédures judiciaires engagées par la justice ivoirienne sur la crise post électorale. La procédure portant sur les « atteintes à la sûreté de l’État » visent exclusivement des pros-Gbagbo dont le procès de 91 d’entre eux y compris Mme Simone Gbagbo devait s’ouvrir le 20 octobre 2014 et qui malgré son ajournement sine die, a été critiqué par nos organisations pour le caractère très politique des incriminations, le fait qu’il ne portent pas sur les violations des droits humains et par conséquent l’absence de victimes qui en résulte. La seconde procédure porte sur les crimes « de sang », à savoir les graves violations des droits humains commises pendant la crise, mais qui demeure là encore presque exclusivement tournées contre les pro-Gbagbo et insuffisamment avancée pour entrevoir un procès. La troisième procédure judiciaire a été initiée à la suite du rapport de la Commission nationale d’Enquête (CNE) et demeure la seule procédure judiciaire visant la responsabilité des éléments des FRCI suspectés de crimes graves pendant la crise post électorale. Dans ce dossier, un suspect arrêté en 2013 a désigné de hauts chefs des FRCI de l’ouest comme des personnes l’ayant soutenu dans ses actions lors de la prise de Duékoué fin mars 2011. ceux-ci n’ont pas encore été entendus par la justice.

« Plusieurs responsables, dont le ComZone Losséni Fofana dit « Loss » ont été mise en cause dans les procédures judiciaires et devraient aller s’expliquer devant la justice sur leurs actions pendant la crise. Les autorités devraient garantir que les FRCI suspectés de tels crimes soient interrogés, répondent aux convocations de la justice et le cas échéant inculpés. » a déclaré Me Patrick Baudouin, président d’Honneur et responsable du Groupe d’action judiciaire de la FIDH qui défend les victimes. « L’engagement de lutter contre l’impunité vaut pour tous, au risque d’accréditer une justice à deux vitesses ou une justice des vainqueurs » a-t-il ajouté.

Les faibles avancées de la justice font échos au processus de réconciliation nationale qui, malgré l’audition d’environ 65 000 personnes, n’a jusqu’à présent pas été en mesure de répondre aux attentes des populations sur les causes de la crise et n’a pas offert un récit global des crimes commis pendant la crise post électorale.

Selon Pierre Adjoumani Kouame, président de la LIDHO « les ratés de la réconciliation nationale résultent d’un processus mal engagé et d’un manque de volonté des responsables de mettre en lumière l’ensemble des responsabilités de la crise, c’est une nouvelle occasion manquée pour tous les ivoiriens de faire face à leur histoire ».

Les autorités ivoiriennes sont donc aujourd’hui face à un moment important : choisir entre laisser perdurer l’impunité des auteurs des crimes les plus graves ou concrétiser la volonté politique de rendre une justice impartiale afin de faire la lumière sur les crimes du passé et de répondre aux attentes de justice des victimes ivoiriennes, seul processus à même de garantir l’instauration d’un véritable système politique apaisé et démocratique en Côte d’Ivoire, à un an de l’élection présidentielle.

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