La valeur du don à la lumière de la tradition hébraïque

Daniel Kedem
Daniel Kedem

Par Daniel Kedem, ancien ambassadeur d’Israël en Côte d’Ivoire et Gisèle Dutheuil, directrice du think tank Audace Institut Afrique.

Passe-t-il un seul jour sans que l’on entende parler de dons ? Dons de telle ou telle autorité ou de telle organisation. Des véhicules administratifs, des bâtiments publics restent d’ailleurs souvent marqués d’inscriptions énormes rappelant le nom du donateur. Quelles sont les motivations de ces dons ? Peut-on même parler de don ou plutôt de communication ?

En hébreu deux termes sont employés pour définir un don; soit trouma qui est un don dans le sens de contribuer, soit tsedaka qui évoque le sens de la justice. Nous comprenons donc que le don est un devoir de solidarité, de responsabilité, de justice sociale, c’est une valeur fondamentale en la dignité de l’homme. Dans la tradition, le don est un équilibre entre la justice sociale et la charité impersonnelle. Mais comprendre le sens du don c’est connaitre ses différents degrés.

Au dernier degré se trouve celui qui donne à contre cœur, par obligation, sur demande d’un pauvre qui le lui a demandé, ou sous la pression des obligations liées à ses fonctions. A ce degré se situent aussi tous ceux qui donnent, en le faisant savoir, pour que leur NOM soit glorifié et diffusé. Le donateur prendra soin de convoquer les médias pour immortaliser son geste et montrer le pauvre tendre la main en remerciant son “sauveur”.

A un degré plus haut se trouve le donateur qui ne sait pas à qui il donne, mais le pauvre sait de qui il reçoit. A ce degré le pauvre ou la personne qui reçoit sait qu’il sera redevable.

En dessus il y a celui qui sait a qui il fait don mais le pauvre ne connaît pas le donateur, il n’y a donc pas dans ce cas de dépendance du pauvre envers son donateur.

Puis nous avons celui qui donne aux pauvres sans savoir qui il donne et sans que le pauvre sache de qui il reçoit. Il n’en découle aucune dépendance puisque aucun n’attend de remerciement de l’autre. Il n’y a aucun intérêt autre que de faire du bien. Un don anonyme.

Enfin, au plus haut degré il y a le don qui consiste à soutenir l’indigent, en lui donnant du travail, en lui offrant une autonomie financière ou matérielle pour qu’il ne dépende de personne et n’ait plus jamais besoin d’avoir recours à la mendicité.

En résumé, la valeur et le sens du don reposent sur la volonté de ne jamais humilier l’indigent, de ne pas le diminuer en affichant publiquement sa pauvreté. Le don pour avoir de la valeur doit être anonyme, fait dans le respect et l’honneur de l’autre. Il doit s’apparenter à la générosité, au désintéressement, à la gratuité, à la responsabilité et à la justice sociale.

Ces valeurs portées par la tradition hébreu devraient inciter les populations, et singulièrement les populations africaines « baignant » dans l’aide, à prendre un peu de distance par rapport au don outil de communication. Doivent-elles se sentir redevables de telles actions ? Les consciences doivent s’éveiller pour demander l’offrande ultime dans la pyramide des dons : celle qui offre l’autonomie. En ce sens un progrès de la liberté serait un cadeau plus durable permettant d’accéder dignement à une autonomie créatrice.

Daniel Kedem, ancien ambassadeur d’Israël en Côte d’Ivoire et Gisèle Dutheuil, directrice du think tank Audace Institut Afrique.

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