Côte d’Ivoire – Déclaration de la 3ème Voie

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Abidjan, le 03 Avril 2014

Entamées au Novotel Abidjan le 31 janvier 2014, les rencontres entre les partis signataires de la présente déclaration se sont poursuivies en leurs sièges. L’ordre du jour était la réflexion sur les conditions à réunir pour des élections transparentes et apaisées en 2015.

Les partis signataires, après une analyse approfondie de l’histoire et de la situation présente de notre pays, ont convenu de la dénomination, La 3ème Voie, pour leur regroupement. C’est, en effet, notre commune opinion que notre regroupement entend être une vision, une démarche et finalement, une pratique du pouvoir politique, différente de ce qui a existé jusqu’à ce jour. En tout état de cause, les partis signataires estiment avoir trois raisons essentielles qui militent à la mise en place de leur plateforme.

D’abord, ils pensent que le contexte actuel impose une solidarité sans faille à l’ensemble des partis en lutte pour la conquête des libertés, la construction d’une démocratie pluraliste effective et la réconciliation nationale véritable.

Par ailleurs, les partis considèrent que le peuple ivoirien aspire à un changement qui ne peut qu’être l’avènement d’un système démocratique. Les partis, prenant conscience que les causes de la crise ont une dimension interne et externe, entendent en faire une analyse en profondeur pour que les perspectives de la construction d’une société sur des bases justes et durables, tiennent compte des erreurs du passé et des difficultés du présent.

Les partis membres de La 3ème Voie considèrent enfin que le changement démocratique ne peut s’opérer que si ces conditions suivantes sont réunies : le recensement général de la population, l’actualisation de la liste électorale, la composition de la Nouvelle Commission Electorale Indépendante, la sécurisation du processus électoral, l’adoption du statut des partis de l’opposition, l’accès équitable aux médias d’Etat, la réconciliation et enfin le rejet de toute modification intéressée de la Constitution.

1. Du recensement général de la population
La 3ème Voie estime qu’il y a une différence inexpliquée et incohérente entre la croissance démographique et la population électorale. Ainsi, le constat a été fait, qu’alors qu’en 2010, la population nationale était estimée à 21 millions de personnes, celle qui sera enregistrée sur la liste électorale n’a été que de 5,7 millions. Cette situation est assez perturbante et appelle de notre part une vigilance accrue pour en déterminer les raisons objectives et subjectives. C’est pour cela que La 3ème Voie se félicite du commencement du recensement général de la population et de l’habitat. Cependant, La 3ème Voie estime qu’il aurait fallu que le recensement général de la population se fasse sur des bases consensuelles mais aussi utiles pour que, cet instrument de gestion et de planification économique, politique et sociale, soit à la hauteur des attentes des acteurs politiques, de la communauté scientifique et des opérateurs économiques. Par exemple, La 3ème Voie note que le recensement actuel de la population inclut l’ethnie dans son questionnaire sans pour autant justifier scientifiquement le concept dans un environnement marqué par des systèmes de référencement différents d’aires culturelles à une autre. La 3ème Voie fait cas clairement des enfants issus des couples mixtes qui peuvent se définir d’une ethnie en fonction de la dominance de la matrilinéarité ou de la patrilinéarité. Qui plus est, La 3ème Voie note que l’acte de naissance, document de base qui est utilisé pour le recensement, ne porte pas la mention de l’ethnie. Enfin, La 3ème Voie note qu’il n’existe pas un consensus sur la définition des ethnies. Vues ces précédentes remarques, il est clair, qu’il importait que le gouvernement prenne soin d’associer l’ensemble des partis politiques ivoiriens justement parce que cette opération ne peut pas être partisane. A toute fin utile, La 3ème Voie estime que pour lever les incompréhensions, il faut fixer les dates du recensement électoral et surtout mettre en place la nouvelle Commission Electorale Indépendante. Ces deux conditions pourraient lever les doutes des uns et des autres quant à la sincérité du gouvernement de ne pas profiter du RGPH pour en extraire la liste électorale.

2. De la liste électorale

La 3ème Voie propose que les nouveaux majeurs, ainsi que les exclus de la liste précédente soient intégrés sans tarder dans la liste électorale. La 3 Voie invite, une fois de plus, le gouvernement, à travailler de concert avec l’opposition, pour fixer le début et les modalités techniques du recensement électoral.

3. La commission électorale indépendante
La 3ème Voie se félicite des avancées enregistrées lors de la dernière session du Cadre Permanent de Dialogue notamment les propositions du gouvernement et celles de l’opposition. La 3ème Voie voudrait faire remarquer que cette institution fondamentale de la république ne saurait être mise en place autrement que dans un esprit de consensus largement issu d’un débat démocratique. Toute action contraire à l’esprit de dialogue permanent risque de faire remettre en cause tous les acquis des négociations entre l’opposition et le pouvoir. La 3ème Voie, en la matière, estime qu’il faut tenir compte des limites de la présente CEI politique responsable des crises électorales à répétition.

4. La sécurité
La 3ème Voie propose la dissolution des toutes les milices privées et la réforme des forces armées de Côte d’Ivoire sur des bases consensuelles et non unilatérales. Cela suppose, entre autres, la mise en place d’une concertation qui intégrerait les représentants des militaires, gendarmes, policiers, des eaux et forêts, des avocats, des magistrats et les experts des plateformes pour débattre des questions de fond afin de redéfinir la place et le rôle des forces armées au sein de la nation.

5. Le statut de l’opposition et le Cadre Permanent de Dialogue

La 3ème Voie se félicite des avancées en la matière notamment lors du dernier Cadre Permanent de Dialogue. La 3ème Voie, se définissant comme une plateforme de partis rejetant les coups d’Etat, les rébellions et la violence comme modes de prise du pouvoir, réitère sa proposition de négociation entre les plateformes au sein du Cadre Permanent de Dialogue comme une des meilleures voies pour la construction de la démocratie ivoirienne sur des bases consensuelles et justes. La 3ème Voie appelle par conséquent le CPD à approuver l’intégration des partis membres des plateformes en son sein pour que les discussions sur l’ensemble des points cruciaux débouchent sur une paix négociée et durable.

6. De l’accès aux médias d’Etat
La 3ème Voie appelle toutes les plateformes politiques à comprendre que la gestion clanique des médias d’Etat est une atteinte à la démocratie et une politique de courte vue, puisque le pouvoir en place expose toujours l’opposition à la censure. Dès lors, il importe de donner une indépendance effective aux médias d’Etat et de permettre l’accès équitable de l’opposition à ces services publics en attendant de procéder rapidement à une libéralisation totale de l’espace audiovisuel.


7. De la réconciliation nationale

La 3ème Voie estime que les troubles postélectoraux sont la conséquence d’une crise plus profonde qu’il convient d’analyser avec rigueur. Car l’efficacité des solutions proposées est fonction de l’exactitude du diagnostic posé. Il ne peut pas y avoir de réconciliation véritable dans la nation ivoirienne sans que l’on ne jette un regard rétrospectif sur les évènements du passé, les meurtres politiques et accessoirement, la mauvaise gouvernance depuis des décennies. C’est pour cela qu’il importe que les plateformes politiques s’engagent sincèrement à faire de la réconciliation dans la vérité et la justice un objectif principal, afin de permettre à la CDVR de remplir sa mission. Le refus de procéder à cette analyse et d’endosser la responsabilité des décisions prises et des actes posés dans le passé ne saurait être une option, car il aboutirait à entretenir, voire à amplifier les rancœurs entre les populations. La réconciliation ne saurait se faire au dépends de l’équité et de la vérité. Trois ans après la crise postélectorale, le temps d’une option d’une justice impartiale et/ou d’une réconciliation dans la vérité débouchant sur une repentance collective est arrivé. La 3ème Voie invite tous les acteurs politiques et sociaux à inscrire leurs actions dans ce sens..

8. Du rejet de toute modification intéressée de la Constitution :
La 3ème Voie note qu’il est fait état, en ce moment, de tractations au sein du pouvoir RHDP pour une modification ponctuelle qui instaurerait une vice-présidence et conduirait automatiquement à un référendum en 2015 et au report de l’élection présidentielle de 2015 à 2017 pour des raisons financières. La 3ème Voie entend mettre ces informations sur le compte de la rumeur publique. La 3ème Voie estime qu’un changement partiel ou total de la constitution ne saurait être le fait d’une seule plateforme politique, encore moins, dans le but de satisfaire les exigences personnelles d’un parti, la constitution devant demeurer impersonnelle. La 3ème Voie ne saurait accepter le parjure politique et juridique que constituerait une modification intéressée de la Constitution avant les élections de 2015.

En conclusion, La 3ème Voie appelle le peuple ivoirien à la vigilance extrême. La guerre, la rébellion et la violence ne doivent plus jamais avoir de place dans notre beau pays. Le peuple ivoirien ne saurait revivre des scènes de guerre de leadership simplement parce que le personnel politique n’aura pas été à la hauteur de ses attentes d’une paix durable, d’une entente cordiale et d’une vision inclusive de la nation. Il est plus qu’urgent de prendre conscience de la gravité de la situation pour accélérer les négociations et trouver une solution acceptée de tous. Côte d’Ivoire, est à la croisée des chemins. Les prochaines élections devront être le choix entre une société corrompue, décadente et déshumanisée, et une société nouvelle de solidarité et de démocratie effective.

Fait à Abidjan, le 03 Avril 2014

Ont signé :

AHIPEAUD Martial Joseph BAH Jean Enoc DOUMBIA Soumaïla
Président de L’UDL Président du CRI Président du CPR

GBALEHI Soko LAGOU Henriette KOULIBALY Mamadou
Président du PDR Présidente du RPC-Paix Président de LIDER

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