Novembre 2004: La France commettait un crime contre l’humanité en Côte d’Ivoire

kadet-bertin

Par Sam La Touch

Le 9 novembre 2004, l’armée française tirait sur des civils ivoiriens qui manifestaient devant l’hôtel Ivoire afin d’empêcher celle-ci de marcher sur le palais présidentiel du président Laurent Gbagbo. Cet acte (néo)colonial criminel perpétré par une armée d’occupation relève du crime contre l’humanité.

« Un crime contre l’humanité désigne une « violation délibérée et ignominieuse des droits fondamentaux d’un individu ou d’un groupe d’individus inspirée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux ». Cependant, « il n’y a pas, pour les crimes contre l’humanité, de définition généralement admise ». La notion de crime contre l’humanité est une catégorie complexe de crimes punis au niveau international et national par un ensemble de textes qui regroupent plusieurs incriminations.
La Cour pénale internationale comprenant 110 États-membres est le principal tribunal permanent chargé de sanctionner les crimes contre l’humanité. L’article 7 du Statut de Rome en détaille la liste, même si elle n’est pas exhaustive : meurtres ; extermination ; réduction en esclavage ; déportation ou transfert forcé de population ; emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ; torture ; viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ; persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste (..) ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour ; disparitions forcées de personnes ; crimes d’apartheid, autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale… ».

Un « Rapport d’enquête sur les fusillades survenues en novembre 2004 en Côte d’Ivoire » apporte des preuves irréfutables sur les massacres perpétrés par les soldats français. On dénombrera plusieurs dizaines de morts. Sur le lieu de l’hôtel ivoire, le rapport a autopsié 36 corps dont 27 ont été criblés de balles. Ce rapport officiel de l’Afrique du sud sur le massacre de l’hôtel ivoire par l’armée française et les bombardements par des hélicoptères français des civils sur les ponts Houphouët Boigny et Charles De Gaulle atteste des tirs délibérés des soldats français sur des manifestants ivoiriens non armés. Il fait état de tirs de tireurs d’élite de l’intérieur de l’hôtel du 6ème étage où était cantonné des soldats français mais ne relève aucune trace de coup de feu tiré des positions des civils ivoiriens vers les positions tenues par les Français. « Toutes les preuves glanées sur la scène du crime à la date de l’investigation ont montré que tous les coups de feu qui ont été tirés l’ont été à partir des positions décrites comme tenus par les Français vers les positions des civils. »

« Le document sud-africain se subdivise en cinq «sous-rapports». Le premier est intitulé «enquête sur la fusillade en Côte d’Ivoire en novembre 2004 – rapport rédigé par le service du Laboratoire d’expertise médico-légale de la Police sud-africaine».

Le second : «Assistance à l’Etat de Côte d’Ivoire – rapport établi par le Département de médecine légale de l’Université de Pretoria». Le troisième : «Analyse des matières composant les fragments retirés des corps – Rapport établi par le Laboratoire d’expertise médico-légale». Le quatrième : «Preuves photographiques des fragments retirés des corps». Le cinquième : «Rapport sur l’armement utilisé».

Le résultat des investigations sud-africaines est épais : 114 pages. Il est évidemment extrêmement technique et il confirme ce que les Ivoiriens ont vu de leurs yeux, et qui a été confirmé par une équipe de reportage de Canal +. La majorité des civils ivoiriens tués lors de ces événements l’ont été par balle, et les analyses montrent qu’il s’agit de la catégorie de balles utilisées par l’armée française.

Les enquêtes des experts venus de Pretoria ont été menées en quatre phases : l’hôtel Ivoire (du 14 août 2005 au 15 août 2005), les ponts Général de Gaulle et Félix Houphouët-Boigny (le 15 août 2005), les aéronefs de l’aéroport d’Abidjan (du 16 août au 17 août 2005), les aéronefs à l’aéroport de Yamoussoukro. «La délégation a été informée d’une fusillade qu’il y a dans une ville du nom de Bouaké, mais du fait de l’occupation française de cette zone, il n’a pas été possible de faire des investigations sur ce théâtre (l’armée française refuse l’accès des autorités ivoiriennes à cette zone)», écrivent les experts sud-africains.

Un tireur d’élite au moins au sixième étage de l’Ivoire
Sur ce qui s’est passé à l’hôtel Ivoire, l’on se souvient que Michèle Alliot-Marie avait affirmé que les soldats français avaient répliqué à des coups de feu venus de la foule. Elle avait également parlé de balles à blanc et de tirs de sommation. Le général Bentégeat de son côté avait soutenu que les manifestants s’étaient tirés les uns sur les autres. Ce que les experts sud-africains ont établi, avec un raisonnement scientifique explicité dans leur rapport est tout autre.
«Il est avéré qu’au moins un coup de feu a été tiré du sixième étage, de l’intérieur de l’hôtel, certainement par un tireur d’élite. L’auteur de ce document est d’avis qu’au moins un des points d’impact de ces coups de feu tirés par un «tireur d’élite» a été le mur de l’ambassade d’Allemagne». L’on se souvient que ce sont les militaires français qui occupaient le fameux sixième étage de l’hôtel. Les enquêteurs assènent : «Le bâtiment de l’hôtel a été passé au peigne fin mais nous n’avons trouvé trace d’aucun coup de feu qui aurait été tiré des positions des civils en direction des positions tenues par les Français. Toutes les preuves glanées sur la scène du crime à la date de l’investigation ont montré que tous les coups de feu qui ont été tirés l’ont été à partir des positions décrites comme tenues par les Français vers les positions des civils»…(Source Novembre 2004 : le rapport officiel sud-africain qui dérange).

Le journal Libération en décembre 2004 recueillait les déclarations édifiantes d’un gradé sur le terrain « Pour l’honneur de mes soldats », le colonel Destremau témoigne:

 » On arrivait pas à éloigner cette foule qui, de plus en plus était débordante. Sur ma gauche, trois de nos véhicules étaient déja immergés dans la foule. Un manifestant grimpe sur un de mes chars et arme la mitrailleuse 7-62. Un de mes hommes fait un tir d’intimidation dans sa direction ; l’individu redescend aussitôt du blindé. Le coup de feu déclenche une fusillade. L’ensemble de mes hommes fait des tirs uniquement d’intimidation ». assure le colonel Destremau, ajoutant que seuls les COS auraient visé certains manifestants avec leurs armes non létales. A propos du corps décapité que montrera la télévision, le colonel assure que ses « hommes n’ont pu faire cela ». « Nous n’avions pas les armes pour infliger de telles blessures. Si nous avions tiré au canon dans la foule, ça aurait été le massacre » conclut-il. Aujourd’hui, le colonel Destremau souhaite pouvoir témoigner devant une commission d’enquête « pour l’honneur de (ses) soldats, qui se sont remarquablement bien comportés »…

Il n’y a jamais eu de commission d’enquête parlementaire française et le rapport officiel sud-africain atteste de l’utilisation d’armes létales par les soldats français.

Le Canard Enchaîné du mercredi 8 décembre 2004 (L’armée recule sur le front des chiffres…En Côte d’Ivoire, l’enquête interne conclut à une cinquantaine de morts. La thèse de la légitime défense a pris du plomb. Et pas la moindre image des cameramen militaires pour y voir plus clair) donnait à l’époque une toute autre version des faits. Le Canard Enchaîné, cite les propos d’un officier français qui remet sérieusement en cause la thèse de la légitime défense : « Il ne s’agissait pas, comme on nous demande de le dire, de légitime défense au sens strict du terme, précise un officier, mais plutôt d’envoyer ce message : « ça suffit. On arrête de jouer ». Et ça a marché. On a tenu les points stratégiques d’Abidjan, ceux qui nous permettaient l’accès au port et à l’aéroport en vue de l’évacuation des ressortissants. On savait qu’on devait tenir ce carré-là. Nos soldats ont limité le nombre de morts en faisant des tirs ciblés. Et si on s’était vraiment lâchés, il y aurait eu des centaines de morts. »

A l’époque, Jacques Chirac était président de la République française et chef des armées, Dominique de Villepin était Premier ministre et Michèlle Alliot-Marie ministre de la défense.

Un journaliste de Libération déclara à l’époque « la France a frôlé la catastrophe ». Un racisme formidable !

Source : Rapport d’enquête sur les fusillades survenues en novembre 2004 en Côte d’Ivoire (PDF)

CAMEROON VOICE 30 novembre2012 De nouvelles vérités sur le coup d’Etat français de 2004 contre Gbagbo

SURVIE 1er février 2012 CPI / Nov 2004 : Côte d’Ivoire : pour un examen de l’action de l’opération française Licorne

PANAPRESS 15 juin 2005 La FIDH déplore l’impunité des forces françaises en Côte d’Ivoire

NOTRE VOIE 3 mars 2005 Rencontre avec un délégué de Human Right Watch : Les victimes de la barbarie française crient leur douleur

Libération 12 décembre 2004 « Pour l’honneur de mes soldats », le colonel Destremau témoigne de la fusillade devant l’hôtel Ivoire

Canard Enchaîné du mercredi 8 décembre 2004 L’armée recule sur le front des chiffres…En Côte d’Ivoire, l’enquête interne conclut à une cinquantaine de morts. La thèse de la légitime défense a pris du plomb. Et pas la moindre image des cameramen militaires pour y voir plus clair.

[Facebook_Comments_Widget title= » » appId= »144902495576630″ href= » » numPosts= »5″ width= »470″ color= »light » code= »html5″]

Commentaires Facebook

Les commentaires sont fermés.