Par la voix de Lambert Mende, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, le pouvoir en place à Kinshasa a annoncé que « les derniers résidus du M23 [venaient] d’abandonner leurs retranchements de Chanzu et Runyonyi sous la pression des [FARDC] ». Une « victoire totale de la République Démocratique du Congo », aux dires de Lambert Mende, confirmée par le lieutenant-colonel Olivier Hamuli, porte-parole de l’armée nationale congolaise pour la province du Nord-Kivu. Des éléments de la brigade d’intervention de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (Monusco) se sont joints aux forces gouvernementales pour neutraliser les positions rebelles, après la mort de six civils tués par des chutes d’obus sur la vielle de Bunagana. Le chef militaire des rebelles, Sultani Makenga, aurait fui vers le Rwanda où de nombreux rebelles ont également trouvé refuge, ainsi qu’en Ouganda.
Soutenues logistiquement par les casques bleus de la Monusco, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) ont repris depuis le 25 octobre 2013, au terme d’une offensive foudroyante, la totalité du territoire qu’occupaient les éléments du M23 pendant dix-huit mois. En quatre jours, les villes de Kibumba, de Kiwanja, de Rutshuru et de Rumangabo, les bastions de la rébellion, ont été récupérées par l’armée gouvernementale. La victoire des FARDC sur les poulains du Rwanda et de l’Ouganda, comme a claironné Lambert Mende ? Pas si évident.
La cessation des combats et la dissolution du M23
Le président des rebelles du M23, Bertrand Bisimwa, a ordonné le 3 novembre dernier à tous ses combattants de cesser dans l’immédiat les hostilités avec l’armée congolaise, laquelle avait pris sérieusement le dessus sur les champs de bataille. En référence aux négociations en cours à Kampala, il a prétendu agir de la sorte « pour permettre la poursuite du processus politique ». Après la débandade d’au moins 300 rebelles qui se sont retranchés sur les collines de Mbuzi, de Chanzu et de Runyonyi – à environ 80 km au nord de Goma, la capitale du Nord-Kivu –, Bertrand Bisimwa a dans la foulée publié une déclaration de « fin de rébellion » en annonçant l’intention du M23 de « poursuivre, par des moyens purement politiques, la recherche des solutions aux causes profondes qui ont présidé à sa création ». Ainsi a-t-il appelé le chef d’état-major et les commandants des grandes unités du M23 de « préparer les hommes des troupes au processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion sociale dont les modalités [seraient] à convenir avec le gouvernement [congolais] ».
Le respect de la souveraineté territoriale congolaise
Très curieusement, un appel aux rebelles congolais du M23 a été lancé le 5 novembre à Pretoria par les pays africains voisins de la République Démocratique du Congo pour qu’ils renoncent à la rébellion afin de permettre la signature rapide d’un accord de paix. Pourquoi une telle précipitation, sachant que lesdits Etats se sont toujours montrés moins pressés quand le M23 avait, sur le terrain, l’avantage sur l’armée loyaliste ? Veut-on à tout prix façonner l’argile pendant qu’elle est encore humide, dans l’optique d’amnistier les rebelles et de les réintroduire dans les institutions étatiques pour mieux finaliser la politique d’infiltration ? Espère-t-on en réalité obtenir diplomatiquement ce qui vient d’être perdu par les armes ?
On ne peut agir cyniquement, comme si rien de dramatique ne s’est passé dans le Nord-Kivu. Il est inhumain de passer par pertes et profits les 10 millions de morts congolais. On ne peut pas continuer à cautionner l’impunité en faveur des groupes rebelles. Agir de la sorte consiste à fermer les yeux sur les crimes de guerre et crimes contre l’Humanité commis en République Démocratique du Congo. Le problème n’est pas tant d’accepter « publiquement » l’annonce du démantèlement de la rébellion pour permettre la signature d’un « accord final », mais de faire respecter la souveraineté territoriale congolaise par le Rwanda et l’Ouganda. Quelques préalables doivent être absolument respectés.
Les conditions en vue d’une paix durable
En tout cas, un « accord formel » ne vaudra rien tant qu’aucune garantie ne sera apportée par le Rwanda et l’Ouganda quant au respect de différents accords de non-agression et à la non-assistance aux forces négatives. Trois facteurs sont décisifs en vue de l’entente cordiale dans la région des Grands Lacs.
Primo, seule la condamnation officielle des parrains du M23 garantira la souveraineté de la République Démocratique du Congo. Secundo, tant qu’aucun mécanisme de suivi des accords déjà ratifiés n’est habilité à sanctionner les signataires fautifs, d’autres rébellions risquent de voir le jour non pas forcément dans la région du Nord-Kivu, où les forces onusiennes sont présentes, mais dans d’autres provinces comme le Katanga. Tertio, il est impossible d’envisager le réaménagement de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL) tant que les peuples rwandais, burundais et congolais ne se réconcilieront pas. Cela ne sera pas envisageable tant que la République Démocratique du Congo n’aura ni fait son deuil, ni réformé totalement son système défensif.
Face aux rebelles du M23, le gouvernement congolais doit désormais se comporter en vainqueur. Sa magnanimité, s’il en faut, ne doit en rien hypothéquer l’avenir d’un peuple qui, depuis 1997, n’a cessé de vivre un calvaire. Kinshasa doit donc imposer sa volonté aux vaincus, et mettre le Rwanda et l’Ouganda dans l’obligation de ne plus s’ingérer dans ses affaires intérieures. Telles sont les conditions sine que non en vue d’une paix durable dans la région des Grands Lacs africains. De toute évidence, au risque de retourner à la case départ, la victoire militaire des FARDC doit être confirmée par le gouvernement congolais sur le plan diplomatique.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko
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