Côte d’Ivoire: Le boom de la médecine traditionnelle

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Abidjan (Xinhua) – Les guérisseurs, encore appelés praticiens de la médecine traditionnelle ou tradi-praticiens, ont le vent en poupe à Abidjan où la cherté de la vie, notamment le coût élevé des produits pharmaceutiques, oblige une grande majorité de la population à se tourner de plus en plus vers la médecine traditionnelle.

Ils sont nombreux, les tradi-praticiens qui proposent la guérison à moindre coût aux Abidjanais dans les quartiers populaires tels Abobo, Yopougon, Port-Bouet, Adjamé, Koumassi et Treichville et même au Plateau, le quartier administratif et des affaires.

Comme ce Nigérien, soit disant spécialiste de la faiblesse sexuelle, qui se fait appeler Krokodine, certains sillonnent à pied les quartiers d’Abidjan du matin au soir et proposent leurs médicaments. Krokodine vend à 1.000 francs CFA (deux dollars) une poudre brune contenue dans un petit sachet et censée assurer une virilité à toute épreuve.

Ce n’est pas tout, Krokodine soigne aussi les courbatures et les maux de reins avec de « la graisse de lion ». Beaucoup d’autres tradi-praticiens sont installés dans les marchés ou sur les trottoirs.

Assise devant un étal d’écorces, de racines, de tiges et de feuilles, Mamie Ahou, entourée de canaris de toutes tailles, fait ses consultations au bord d’une ruelle à Kankakoura dans le quartier populaire de Koumassi (sud d’Abidjan).

Mamie Ahou, la soixantaine, soigne de nombreuses maladies dont les plus fréquentes sont le « koko » (hémorroïde), le « bobodouman » (maladie de l’utérus), la fièvre jaune, la stérilité, la méningite, le paludisme, la tuberculose, les maux de reins.

« Vraiment, ces médicaments sont bons et puis ce n’est pas cher, tu peux te soigner à 200 francs, 500 francs ou 1.000 francs CFA au lieu d’aller payer des frais de consultation à l’hôpital avant de te faire prescrire une liste de médicaments coûteux à payer à la pharmacie », confesse l’un de ses clientes qui s’empresse d’ajouter « la vie est chère, on n’a pas d’argent ».

LA SANTE A UN PRIX

Un traitement du paludisme à l’hôpital public coûte, au bas mot, 10.000 francs (20 dollars). A ce prix, les praticiens de la médecine traditionnelle font de bonnes affaires.

« Avec 500 francs, je guéris les maux de ventre alors que dans les hôpitaux et cliniques, le malade va dépenser au moins 10 fois plus, donc les gens préfèrent se soigner avec nous », explique Mamie Ahou.

Mamie Ahou reçoit plusieurs dizaines de patients par jour et déclare gagner plus de 300.000 francs par mois. Selon une estimation du ministère de la Santé, en Côte d’Ivoire, 80% de la population a recours à la médecine traditionnelle communément appelée « indigénat ».

Et à Abidjan, ils sont nombreux à se soigner « à l’indigénat », comme au village. Kouassi Ahoutou est fonctionnaire de son état. Il fait partie de ces personnes qui ne jurent que par « l’indigénat ».

Francis Kouakou, enseignant, n’oublie pas ce médecin traditionnel qui l’a guéri de la fièvre typhoïde en deux semaines moyennant la somme de 1.000 francs. Tout comme lui, Joseph K., un électricien, soutient l’efficacité des praticiens de la médecine traditionnelle. « Ma femme était malade, on lui a prescrit une ordonnance de près de 15.000 francs, grâce à un tradi-praticien je n’ai dépensé que 3.000 francs », affirme-t-il.

LA MEDECINE TRADITIONNELLE SE MODERNISE

Une nouvelle vague de guérisseurs prospère et exerce dans des « cabinets de médecine traditionnelle ».

Ces guérisseurs se font appelés pompeusement « docteur » au grand dam de l’Ordre des médecins qui après avoir voulu les poursuivre en justice pour usurpation de titre a dû jeter l’éponge. Ces « docteurs » misent sur une meilleure conservation et commercialisation de leurs produits conditionnés et présentés dans des emballages améliorés.

Ils font la publicité de leurs produits à la télévision, à la radio, ou sur des pancartes installées aux abords des trottoirs. Ce qui irrite les pourfendeurs des praticiens de la médecine traditionnelle.

« Ils sont souvent en promotion, vraiment ça ne fait pas sérieux « , s’insurge Touré Soualio, professeur d’université. Pour lui, comme pour beaucoup d’autres Abidjanais, ces  » docteurs » ne sont que des charlatans.

« C’est trop facile, ils remplissent des bouteilles d’eau sale et affirme soigner plusieurs maladies avec, on ne sait pas qui ils sont en réalité et rien ne permet d’authentifier leur savoir », s’indigne M. Touré qui ne cache pas son scepticisme à l’efficacité des tradi-praticiens.

Des brebis galeuses existent bien au sein des milliers de tradi- praticiens et des centaines de « cabinets de médecine traditionnelle » à Abidjan.

Le président de la Fédération des tradi-praticiens de santé et naturothérapeutes de Côte d’Ivoire, « Docteur » Daniel Ano Kouao, élu récemment président de la Confédération de l’association des praticiens de la médecine traditionnelle en Afrique de l’Ouest (CAMTAO), en est conscient. Il entend crédibiliser l’activité à travers des mesures  » vigoureuses » pour assainir et professionnaliser le milieu.

« Docteur » Daniel Ano Kouao a le soutien de l’Etat, par l’intermédiaire du Programme national de promotion de la médecine traditionnelle (PNPMT), un service du ministère ivoirien de la Santé. Son coordonnateur, Dr Kroa Éhoulé (un vrai docteur), a élaboré un code de déontologie ainsi qu’un code d’éthique et de bonne pratique du métier et attend le vote par les députés d’une loi qui va encadrer l’activité des tradi-praticiens. Pour les autorités médicales, la loi va extraire du rang des tradi-praticiens les charlatans et permettre à la pharmacopée africaine de jouer son rôle de « médecine alternative » à la médecine moderne, comme le préconise l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

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