François Hollande en Afrique du Sud pour dissiper la méfiance

AFP/ALEXANDER JOE
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LE MONDE Sébastien Hervieu (Pretoria, Afrique du Sud, envoyé spécial)

Une salve de vingt et un coups de canons a été tirée, lundi matin 14 octobre, devant le palais présidentiel, sur les hauteurs de Pretoria, la capitale administrative sud-africaine, pour accueillir François Hollande. Le chef d’Etat français et son homologue, Jacob Zuma, ont ensuite passé en revue les troupes avant de s’entretenir en tête-à-tête.

Mali, Centrafrique, Madagascar, République démocratique du Congo, la visite d’Etat de François Hollande d’une trentaine d’heures en Afrique du Sud – la première depuis son élection – devait notamment permettre d’évoquer les crises africaines actuelles, et d’entretenir des relations bilatérales jugées stratégiques mais qui demeurent empreintes de méfiance et de méconnaissance mutuelle.

« Quand il y a des tensions entre nous, nous en discutons afin de les éliminer », a assuré, mardi 8 octobre, la ministre des affaires étrangères sud-africaine, Maite Nkoana-Mashabane. Depuis deux ans et demi, plusieurs dossiers sensibles ont mis à l’épreuve les rapports entre deux pays que plusieurs analystes estiment en « concurrence » en raison d’un désir d’influence commun sur le territoire africain.

En 2011, c’est la stratégie interventionniste de la France en Côte d’Ivoire et en Libye – provoquant respectivement les chutes de Laurent Gbagbo et de Mouammar Kadhafi –, qui suscite la colère de la première puissance économique du continent. En visite en Afrique du Sud en novembre cette année-là, Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères, est pris à partie par Gwede Mantashe, secrétaire général de l’ANC, le parti au pouvoir, qui l’accuse d’avoir « assassiné  » le colonel libyen, et de chercher à « recoloniser l’Afrique ».

« FANTASMES »

En 2012, l’Afrique du Sud a accusé la France de faire campagne contre sa candidate, Nkosazana Dlamini-Zuma, qui devra s’y reprendre à deux fois pour décrocher la présidence de la Commission de l’Union africaine. En début d’année, la responsabilité de la France a été de nouveau pointée du doigt par des cadres du ministère des affaires étrangères qui, sous couvert d’anonymat, dénoncent dans la presse locale la passivité des troupes tricolores lorsque treize soldats sud-africains se font tuer en Centrafrique par les rebelles de la Séléka sur le point de faire chuter le régime de François Bozizé.

« Ces crises ont alimenté beaucoup de fantasmes du côté sud-africain », juge un diplomate français qui, tout en démentant les accusations, assure que « les choses vont désormais mieux » et que François Hollande et Jacob Zuma ont régulièrement l’occasion de se voir en marge de sommets internationaux et de discuter au téléphone. « Depuis que les socialistes sont au pouvoir en France, on a vu une différence, souligne un diplomate sud-africain. Il y a moins d’interférences dans les affaires africaines et les Français cherchent mieux à comprendre ce que nous faisons en Afrique. »

La semaine dernière, la ministre Maite Nkoana-Mashabane a toutefois tenu à rappeler une évidence géographique, mais qui l’est beaucoup moins en géopolitique : « L’Afrique du Sud est un pays africain, la France est un pays européen. » « De nombreux diplomates sud-africains considèrent que l’Afrique francophone n’a toujours pas réussi à se libérer de l’influence française », constate Alfredo Tjiurimo Hengari, spécialiste de politique étrangère à l’Institut sud-africain des affaires internationales. Et d’ajouter : « Le président Jacob Zuma marche dans les pas de son prédécesseur, Thabo Mbeki (1999-2008), qui avait une vision très anticolonialiste et insistait pour que les solutions apportées aux problèmes africains soient africaines. »

HÉGÉMONIE ÉCONOMIQUE CONTESTÉE

Soucieuse de renforcer son rôle de porte-parole du continent au moment où son hégémonie économique est de plus en plus contestée par le dynamisme d’autres puissances africaines comme le Nigeria, l’Afrique du Sud aimerait davantage s’aventurer hors de sa zone initiale d’influence de l’Afrique australe, au risque de rencontrer de plus en plus souvent la France sur son chemin.

Les deux « puissances africaines » s’affrontent également dans leurs conceptions d’imposer et d’assurer le maintien de la paix. « Pour l’Afrique du Sud, la négociation est la seule solution possible, et rien ne saurait justifier l’usage de la force, résume Paul-Simon Handy, directeur de recherche à l’Institut d’études de sécurité, basée à Pretoria. Ce pacifisme dogmatique est lié à l’histoire du pays, qui s’est réformé par la discussion. L’Afrique du Sud veut aussi être perçue comme une puissance rassembleuse. »

« SITUATION EFFRAYANTE »

Les crises malienne et centrafricaine ont toutefois révélé aux Sud-Africains les limites de leurs ambitions sur le continent. Faute de moyens financiers et militaires suffisants, parfois aussi contrainte par les réticences d’autres pays africains, l’Afrique du Sud n’a pu intervenir comme elle l’aurait souhaité. « Elle a essayé de jouer un rôle de gendarme en Centrafrique à la place de la France, mais elle a vite dû plier bagages, avec de lourdes pertes », rappelle l’analyste Alfredo Tjiurimo Hengari.

Avant de retrouver François Hollande ce lundi à Pretoria, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, avait fait étape dimanche dans la capitale centrafricaine, Bangui, décrivant sur place une « situation effrayante » et promettant l’envoi de troupes supplémentaires « d’ici la fin de l’année « . « La Centrafrique serait par exemple une occasion en or pour l’Afrique du Sud et la France de coopérer car ils ont des intérêts sécuritaires communs et pourraient partager le fardeau politique et financier. » Jacob Zuma a accepté l’invitation de François Hollande à participer à la conférence sur la paix et la sécurité en Afrique, qui se tiendra à Paris les 6 et 7 décembre.
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