Côte d’Ivoire – Libération de Gbagbo, de quoi ont-ils peur ?

Laurent-Gbagbo--007

Par Marc Micael

A l’audience du 9 octobre dernier, tenue à la Haye, siège le la CPI, s’agissait-il de libérer Laurent Gbagbo ou non ? En tout cas, il ne s’agissait ni de l’un, ni de l’autre. Pourtant, la rumeur a circulé. Et même bien circulé. A qui la faute ? A la presse pour son laxisme, aux populations, pour avoir trop vite cédé à l’émotion?
En effet, il ne s’agissait nullement de la libération de Laurent Gbagbo. La juge unique, Silvia de Gurmendi, l’a encore précisé dès l’entame de l’audience. Il s’agissait d’entendre les arguments des deux parties (Accusation et Défense), conformément à la règle 118-3 des textes régissant la CPI. Sans plus. Pourtant, des ivoiriens y ont cru. Jusqu’au bout. Au point de se laisser aller à la rumeur : « Gbagbo a été libéré ! ». Effets immédiats : explosions de joie, scènes de liesses dans plusieurs villes de l’intérieur du pays, nous a-t-on rapporté…

Il n’en fallait pas plus pour que la presse pro-Ouattara en fasse ses choux gras. « Rumeurs de libération de l’ex-dictateur (…), les pro-Gbagbo ont dansé pour rien », titre, sur un ton sarcastique, le principal canard ouattarien. Sa une du lendemain se veut plus impérieuse : « Annonces intempestives de la libération de Gbagbo, militants du FPI, ouvrez les yeux. Affi et ses hommes vous manipulent trop ». D’autres quotidiens, ne jurant que par Alassane Ouattara et le RDR, ont cru voir dans la quasi-certitude des dirigeants du FPI, quant à la libération prochaine de Laurent Gbagbo, les risques qu’ils feraient courir à leurs propres militants. Les analystes de ces quotidiens, se sont d’abord demandés, si déclarer aux militants « avec une certitude quasi inébranlable que Laurent Gbagbo sera libéré », ne relevait pas de la « manipulation, de la surenchère politique » ou n’avait pas pour but de mettre la « pression sur la CPI et les dirigeants ivoiriens ». Puis ils ont conclu, en affirmant – sans dire comment – que : « jouer à fond avec les nerfs des militants (…) risque d’être contre-productif, si Gbagbo ne venait pas à être libéré ».
A première vue, on s’interroge. De quoi se mêlent les thuriféraires d’Alassane Ouattara ? Sont-ils déjà las de cirer les bottes à leur mentor ? Si tant il est vrai que les dirigeants du FPI « manipulent » ou « arnaquent » leurs militants, à propos de la libération de Laurent Gbagbo, n’est-ce pas tout à l’avantage d’Alassane Ouattara, celui dont ces journaux défendent l’image ? Si, dans les rêves les plus fous, des suiveurs d’Alassane Ouattara, les militants du FPI se rendaient compte au final, qu’ils ont été floués, n’est-ce pas du FPI et de Laurent Gbagbo que ces ivoiriens se détourneront, et ce, peut-être, au bénéfice d’Alassane Ouattara ? Malheureusement, pour eux, cela reste du domaine de la fantasmagorie.

Mais alors, comment interpréter cette débauche d’énegie des suiveurs d’Alassane Ouattara, dans une affaire où ils ne cessent de prédire de gros risques pour leurs adversaires politiques ? Que cachent en réalité, toutes leurs agitations autour d’une libération dont eux-mêmes jurent qu’elle ne se fera jamais ?
En fait, ils ont, tout simplement, peur. A travers leurs gesticulations, il faut aussi voir leurs inquiétudes. N’est-ce pas ces mêmes qui avaient, dès le début, crié sous tous les toits, que le FPI était « mort », et que Laurent Gbagbo était « fini » ? Or, il s’avère qu’après le 11 avril, date à laquelle ils prononcèrent la messe de requiem du FPI et de son leader emblématique Laurent Gbagbo, les choses n’ont pas évolué dans le sens qu’ils ont souhaité. Le FPI n’est pas mort. Des milliers d’ivoiriens continuent de sortir en masse pour démontrer leur attachement à ce parti. Les tournées d’Affi N’guessan en témoignent. Laurent Gbagbo n’est pas fini. Il continue de bénéficier du soutien des millions d’ivoiriens. Les jubilations d’avant-heure, occasionnées, ça et là, par la rumeur, en témoignent. Mieux, à présent qu’il est injustement incarcéré à la CPI, pour s’être soumis à la Constitution de son pays, ces ivoiriens se sentent, tout aussi victimes d’une insupportable injustice. Ils se sentent, de plus en plus humiliés par une justice sélective, imposée par Alassane Ouattara.

Si donc les ivoiriens continuent de soutenir Laurent Gbagbo et d’appeler de tous leurs vœux, sa libération, en dépit du titre « d’affreux dictateur » dont il est grossièrement affabulé, c’est en effet parce qu’ils n’accordent aucun crédit à ces diffamateurs du dimanche et à leurs soutiens de la secte internationale. C’est de cette réalité qu’on peur tous ceux qui s’agitent fiévreusement autour de la libération de Laurent Gbagbo. Ils ont peur d’être rattrapés par leur imposture ; peur qu’en fin de compte, les ivoiriens, encore plus galvanisés par la libération de Laurent Gbagbo, ne les rejettent pour de bon, car ayant comprit que depuis le début, les bombes françaises n’ont servi en réalité, qu’à détruire la vérité des urnes ; elles n’ont eu d’autre objectif que d’anéantir la démocratie et de frustrer la soif ardente de liberté des ivoiriens, pour imposer un régime qui incarne mieux les intérêts obscurs de ses commanditaires. Voici ce qui, depuis le 11 avril, constitue le mal dont souffre la Côte d’Ivoire actuelle. Voici ce qui contribue à exacerber une tension généralisée dans le pays. C’est certainement pour avoir compris cette vérité incontournable que Koffi Annan a émis le vœu de voir Laurent Gbagbo revenir dans son pays pour participer au processus de réconciliation nationale. Voilà tout le sens d’une libération, au demeurant, salutaire pour la Côte d’Ivoire. Si cela constitue une peur bleue pour certains, et bien, ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes.

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