Affi aux parents de Blé Goudé « Nous irons dans la rue pour les obliger à le libérer »

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Propos recueillis par Olivier Dion, envoyé spécial L’Intelligent d’Abidjan

‘‘Nous allons descendre dans la rue pour les obliger à libérer Blé Goudé’’

Journée chargée pour le président du FPI, le samedi 6 octobre 2013 dans le cadre de tournée de compassion aux populations de la région du Gôh, Pascal Affi N’Guessan était successivement à Kragbalilié et Gnagbodougnoa, en pays Guébié, Kpogrobré, le village de Blé Goudé et à Guibéroua. Les populations de chacune de ces localités ont eu droit à un message axé sur la libération de tous les prisonniers politiques et le retour des exilés pro-Gbagbo, pour une réconciliation totale en Côte d’Ivoire. Le président du Fpi s’est aussi indigné qu’il considère comme le non respect des symboles de la République. Voici quelques larges extraits des discours du président du Front populaire ivoirien, aux populations de la région du Goh.

« Quand nous étions à Bouna, nous avons reçu la visite de Gnénéma Coulibaly qui était en ce moment ministre des des Droits de l’homme et libertés publiques. Je lui ai dit: « Gnénéma, qu’est-ce que vous faites ? Nous avons quand même servi le pays pendant des années, il y a beaucoup de monde derrière nous et vous me prenez, vous prenez Simone et tous les autres et vous nous jetez en prison. C’est un bagage trop lourd pour vous, parce que dans la vie il faut prendre un bagage que tu peux supporter ». Ils ont pris un bagage qu’ils ne peuvent pas supporter sur la tête, cela a duré le temps que ça a duré, mais ils ont été obligés de déposer ce bagage et c’est pourquoi je suis devant vous, parce que ce bagage est devenu un problème pour eux. Quand tu veux gouverner, il faut laisser tes opposants tranquilles, parce qu’ils ne sont pas le problème. Ce n’est pas mettre les gens en prison qui est un programme ou qui envoie l’eau et l’électricité au village. Les populations souffrent, ils n’ont pas d’argent, il n’y a pas d’écoles… Même si c’est par accident que tu es arrivé au pouvoir, il faut t’occuper des populations.

Au lieu de cela, c’est mettre les opposants en prison qui est devenu ton programme. Mais si on reste en prison, la Côte d’Ivoire ne peut pas bouger. Ils le savent et je l’ai dit à Gnénéma. Je lui ai dit: « Vous vous fatiguez. Nous sommes couchés ici, mais vous ne pouvez pas bouger. Toute la Côte d’Ivoire vous a tourné le dos, les gens n’ont plus confiance en vous (…) Est-ce qu’on peut gouverner un pays sans le soutien du peuple ? ». C’est pour cela que je suis devant vous, en liberté mais il faut aller plus loin parce qu’il y a beaucoup de nos camarades qui sont encore en prison. Simone Gbagbo, Blé Goudé, Jean-Yves Dibopieu sont encore en prison. Il faut qu’ils sortent et tant que ceux-là ne seront pas de prison, la Côte d’Ivoire ne sera pas en bonne santé et elle ne le sera pas tant qu’il y aura des prisonniers politiques. C’est pourquoi nous demandons au pouvoir d’être suffisamment courageux. Quand tu as pris un bagage qui te fatigue, qui fait transpirer et souffrir, il faut avoir le courage de le déposer. C’est un acte d’amour gratuit qui va te sauver la vie et celle de la Côte d’Ivoire. Nous avons beaucoup pleuré ces dix dernières années, nous avons eu le sentiment que nous étions seuls, abandonnés et que c’était fini pour nous. Mais je suis venu vous dire qu’il y a encore un espoir et le fait que je suis devant vous montre bien que l’espoir est en marche, la liberté, la dignité, la Côte d’Ivoire et le Front populaire ivoirien sont en marche vers le progrès. Nous avons souffert, nous étions au sous-sol de la République, mais nous sommes, comme un grain de mil, en train de germer pour produire des fruits (…) Il faut garder espoir, l’amour est en train de triompher de la haine, le bien de triompher du mal et ma présence n’est que le début d’un processus, d’une grande rénovation et d’une grande refondation. (…) Les gens pensent que nous faisons de la sédition quand nous disons cela, mais dans un pays il y a des symboles et les symboles c’est la police, la gendarmerie, l’armée, le drapeau, l’hymne national, les institutions, le gouvernement et il faut les respecter. Si on les bafoue, les marginalise et on les ridiculise, c’est la République qu’on ridiculise. Or aujourd’hui, qu’il s’agisse de notre police, de notre gendarmerie, de notre armée, nous sommes humiliés et ridiculisés tous les jours. Si nous sommes dans un processus de normalisation et de restauration, il faut aussi restaurer les symboles, parce que cela nous fait mal de voir la République impuissante devant certaines situations. On doit être à Oumé (aujourd’hui lundi, ndlr) et je reçois comme message qu’il y a des militants du RDR et du FPI qui revendiquent la même place pour un meeting le même jour, alors que c’est le FPI qui a demandé à faire un meeting parce que je serai là-bas. Mais, le préfet est incapable de trancher. Quand il recule devant un parti politique, une section, un groupe d’individus qui représentent des intérêts partisans et qu’à cause de cela on ne fait pas, respecter la Loi, on ne fait pas prévaloir l’autorité de l’Etat que deviendra la Côte d’Ivoire si un préfet n’est pas capable de faire respecter l’ordre et l’autorité de l’Etat ? C’est tout cela la décadence de la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui qui n’existe pratiquement pas parce que ceux qui ont pris le pouvoir sont incapables d’instaurer l’Etat de droit, de faire prévaloir l’autorité de l’Etat, un Etat qui est chaque jour bafoué, humilié et piétiné. C’est à tout cela qu’il faut mettre fin et il faut que la Côte d’Ivoire se lève et marche vers son destin. Il faut que nous mettions fin à cette gouvernance d’incompétence, d’humiliation permanente vis-à-vis de la communauté internationale. A cause de nos divisions, nous ne sommes plus une Nation, un peuple responsable (…) A Abidjan, on ne peut pas prendre une décision sans qu’une ambassade étrangère ne nous dise la conduite à tenir. Nous sommes une nation responsable ou une colonie d’une autre nation ? C’est pourquoi nous devons faire la paix et la réconciliation.

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« Nos conditions pour la paix et la réconciliation »

C’est nos divisions, nos palabres et nos affrontements qui font notre faiblesse et les gens nous divisent pour mieux régner, pour nous affaiblir et nous réduire à la misère. Depuis 1990 que nous nous battons, la Côte d’Ivoire est un terrain d’affrontements permanents. Comment le pays peut-il avancer si ses filles et ses fils passent leur temps à s’entretuer, à faire des rébellions ? (…) C’est pour cela qu’on parle de réconciliation, qu’on doit être capables de dépasser nos ressentiments, les souffrances endurées pour nous ouvrir aux autres. C’est une nécessité vitale pour que nous ayons une stabilité. Qui gagne quand des gens du Nord attaquent ceux du Sud ou quand ceux de l’Ouest attaquent les gens du Nord ? Est-ce que cela rapporte de l’argent à quelqu’un ou fait baisser les prix sur les marchés ? Nous sommes tous perdants, c’est pourquoi nous devons nous engager dans la réconciliation et mettre à la tête de la Côte d’Ivoire ceux qui veulent vraiment réconcilier les Ivoiriens. Mais pour y aller, il y a des conditions: il ne faut pas qu’il y ait des prisonniers politiques. Il faut que les prisons soient vidées et que les Ivoiriens se retrouvent. Il faut que Simone Gbagbo, Blé Goudé, Dibopieu et tous les prisonniers sortent (…) Il faut apaiser les cœurs qui souffrent pour qu’ils soient disposés à écouter le message de la réconciliation, il faut panser toutes les blessures pour que ceux qui sont en exil rentrent dans leur pays, dans leurs familles pour vivre tranquillement. C’est pourquoi nous crions. Mais certains croient que c’est pour perturber. Puisque vous ne nous laissez pas le temps de rire et de danser, nous crions dans vos oreilles. Si vous ne libérez pas les prisonniers politiques, nous allons continuer de crier tous les jours et vous rendre la vie impossible. Vous ne pourrez pas jouir du butin de votre guerre (…) Quand on a mal on crie, on pleure. C’est ce que nous faisons, c’est ce que nous allons faire et dans quelques semaines, dans quelques mois, on va commencer à faire du tapage, parce que je ne pourrai pas tolérer que Blé Goudé reste en prison jusqu’à la fin de ce mois, jusqu’à la fin de cette année. Il faut qu’il soit libéré sinon nous allons tous descendre dans la rue pour les obliger à le libérer. Pourquoi ils le détiennent ? Qu’est-ce que Blé Goudé a fait? Qu’est-ce que Simone Gbagbo a fait par rapport à des gens qui ont pris les armes, qui ont tué et qui se pavanent dans les grosses voitures et jouissent des fruits de la République, qui bouffent l’argent de l’Etat? Je crie parce qu’il y a l’injustice. On ne peut pas mettre Laurent Gbagbo en prison alors que ceux qui ont monté la rébellion et qui ont mis la Côte d’Ivoire à feu et à sang se pavanent partout dans la République (…) Je ne veux pas rendre ce pays ingouvernable, je veux qu’il se retrouve, mais nous ne pouvons pas tolérer l’injustice parce que c’est elle qui produit le désordre. Ce n’est pas juste et personne ne pourra nous convaincre que c’est normal que les pro-Gbagbo soient en prison et que les pro-rebelles se pavanent dans la République (…) Nous allons faire la réconciliation, mais dans la vérité, l’ouverture, la générosité. Nous n’avons jamais voulu faire du tort à notre pays, nous n’accepterons jamais que d’autres fassent du tort à notre pays et je suis persuadé, avec ce que je dis, que Simone Gbagbo, Blé Goudé et tous ceux qui sont en exil vont rentrer, parce que c’est la volonté populaire (…) Quand ils seront sortis, on va se préparer à aller à la réconciliation, à discuter des problèmes pour lesquels on se bat depuis 20 ans. Il faut qu’on se parle en frères de ce qu’on veut en ce qui concerne la Constitution, les conditions d’éligibilité. Il faut qu’on parle pour trouver un accord sur la question du foncier, de la nationalité, de la cohabitation avec les étrangers. Pour toutes ces questions, nous devons aller à un grand débat que nous avons appelé les états généraux de la République. Quand le moment sera venu, soyez disposés à vous engager dans la réconciliation et dans ces états généraux de la République.

« La place de Gbagbo n’est pas à la CPI »

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Notre combat le plus important, c’est que Gbagbo soit libéré et qu’il rejoigne la Côte d’Ivoire. Sa place n’est pas à la CPI, sa place n’est pas à La Haye, mais aux côtés des Ivoiriens, parce que ceux qui le détiennent ne savent plus quoi faire de lui, alors qu’ils ont déployé de gros moyens pour le transférer. Ce sont les mêmes qui ont déclaré qu’il n’y a pas suffisamment de charges contre lui. Mais qu’on le remette en liberté et nous invitons la CPI à mettre Laurent Gbagbo en liberté. Il n’a commis aucun crime, c’est un homme de bonté qui a accepté que les responsables de la rébellion soient dans son gouvernement. Il a signé tous les accords, même les plus injustes, il ne mérite pas d’être à la CPI pendant que ceux qui ont pris les armes se promènent en Côte d’Ivoire. (A ce stade de son intervention, Affi N’Guessan est interrompu par les populations qui crient: « Libérez Gbagbo ! », ndlr). Nous ne pouvons pas tolérer l’injustice et l’injustice ne peut être tolérée par une institution de justice comme la CPI. Les Ivoiriens ne toléreront pas cela, c’est pourquoi la CPI doit tout mettre en œuvre pour que Gbagbo soit en liberté ». Rien ne peut justifier que Gbagbo soit là où il est, le père de la liberté ne peut pas être privé de liberté et c’est pour cacher la vérité qu’on nous a privé de manifestations depuis tout ce temps (…) La réalité est là et cette réalité c’est que sans Laurent Gbagbo, la réconciliation sera difficile. Il n’est pas possible d’aller aux états generaux si le président Gbagbo reste à La Haye (…) Ceux qui l’ont envoyé là-bas se sont rendus compte de leur erreur ».

Propos recueillis par Olivier Dion, envoyé spécial

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