La Côte d’ivoire replonge dans la crise politique

Que se passe-t-il à Abidjan ? Rien de très bon si l’on en juge par la décision brutale du président Alassane Ouattara de dissoudre son gouvernement. La raison officielle de ce limogeage XXL annoncé le mercredi 14 novembre: un désaccord avec ses partenaires du PDCI, le parti dirigé par l’ex président Henri Konan Bédié concernant le nouveau Code de la famille que Ouattara entendait amender dans un sens plus paritaire. En réalité, voilà déjà plusieurs mois que la mésentente s’est installée au sommet de l’état ivoirien. Pour récompense de son ralliement au RDR, le parti de Ouattara, lors des élections de 2010, le PDCI a décroché huit portefeuilles dans le gouvernement ainsi que le poste de Premier ministre quand son titulaire, Guillaume Soro, l’ancien chef de rebelles du Nord, s’en est allé présider l’Assemblée nationale au mois de mars dernier. Visiblement cela n’a pas suffit à calmer la grogne de très nombreux cadres du PDCI qui ont la très nette impression que le partenariat supposé gagnant-gagnant avec Ouattara s’est fait en réalité à leur détriment.

A l’issue des dernières élections législatives, le PDCI a perdu une dizaine de sièges à l’Assemblée nationale. S’il a conservé le même quota de ministres que sous la dernière mandature de Laurent Gbagbo, ces derniers, de l’aveu même de Kouadio Konan Bertin, le président de la jeunesse du PDCI, n’ont pas vraiment les coudées franches. Lors d’un bureau politique du parti, Henri Konan Bédié en personne aurait avoué « que notre histoire s’apparente à celle du cheval et du cavalier. » Manière d’exprimer, pour user d’une autre métaphore animale, un fort sentiment d’être le dindon de la farce. Et la farce en Côte d’Ivoire, celle de la filière cacao, du port d’Abidjan et de quelques autres belles et juteuses ressources naturelles, cette farce donc compte énormément. C’est d’autant plus irritant pour la base du PDCI que le processus de réconciliation nationale conduit par l’ex Premier ministre Charles Konan Banny, un des leurs, est actuellement au point mort.

A plusieurs reprises Banny lui-même a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme, suggérant à demi-mots que le nouveau pouvoir ne se montrait peut-être pas aussi attentif qu’il le faudrait à surpasser les antagonismes nés de la guerre civile. Bannny ne va pas jusqu’à dire qu’il faudrait pour cela obtenir la mise en liberté de Laurent Gbabgo, mais il a tout de même rendu visite dans sa cellule à l’ancien président toujours détenu à La Haye. Et dans les rangs du PDCI beaucoup estiment que la balance de la répression, tant à l’intérieur du pays qu’à la Cour pénale internationale (CPI), n’a pour l’instant penché que d’un seul côté, les pro-Gbagbo, oubliant soigneusement les crimes commis par les ex rebelles rhabillés en FRCI (Forces républicaines de Côte d’Ivoire). L’évident déséquilibre de traitement est d’ailleurs de plus en plus difficile à assumer, à l’heure où Amnesty International dénonce plus de 200 cas de détentions arbitraires et de tortures exercées par les FRCI contre des civils. Le climat vire au vinaigre et après une relative période de tranquillité Abidjan et certaines communes du pays ont retrouvé les réflexes des heures sombres de 2011. Des partisans de Gbagbo ont pris le chemin du maquis et attaqué des garnisons dans l’ouest du pays mais aussi à proximité de la capitale. Le prochain gouvernement d’Alassane Ouattara s’annonce plus resserré et « solidaire ». Mais sa tâche ne sera guère plus facile.

marianne.net

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