Allassane Ouattara et le retour des réfugiés politiques ivoiriens

Dr Serge-Nicolas NZI | Chercheur en communication

I – On peut changer de gouvernement et donner quelques strapontins ministériels à l’opposition, mais si l’esprit est le même, si les libertés publiques et démocratiques sont toujours bafouées. On n’est pas du tout avancé. C’est comme un premier Ministre du PDCI et un ministre des affaires présidentielles, frère du président avec plus de pouvoir que le chef du gouvernement.

L’idée d’un ministre, frère du président de la république en Allemagne, en France ou en Italie est presqu’impossible. Souvenez vous du tôlé provoqué en France quand Sarkozy avait voulu mettre son fils, Jean Sarkozy, à la présidence du conseil d’administration de l’établissement public pour l’aménagement de la région de la défense.

Changer pour plaire aux regards de l’étranger sans changer la nature même du régime ne fait pas avancer un pays. Les ivoiriens veulent vivre libres chez eux sans les dozos et leurs frères FRCI à leurs portes tous les matins à cause de leurs appartenances ethno religieuses. Ceux qui sont originaires du nord et qui rient aujourd’hui de toutes leurs dents des mésaventures et des souffrances des autres ivoiriens, oublient qu’ils sont en Côte d’Ivoire, c’est-à-dire une des terres les plus versatiles du continent africain. Le gouvernement qui n’est pas capable d’aller vers cet objectif de paix pour tous, est un gouvernement d’incohérence nationale. Il aura certainement des suiveurs qui seront eux aussi les réfugiés de demain.

Nous sommes de ceux qui sont libres d’esprit et qui élèveront toujours la voix quand les libertés démocratiques seront en danger et surtout quand la belligérance et l’intolérance ne seront plus supportables pour les ivoiriens. Nous sommes donc des hommes libres. Il est parfois difficile dans un pays où les uns et les autres se déterminent à travers leur ventre, leur région, leur religion et leur groupe ethnique de comprendre ce qu’est un homme libre.

Un fois cela dit, mettons nous d’accord sur ce qui doit nous réunir, car à moins d’être fou un pays sans police ni gendarmerie, un pays où des hommes armés peuvent vous enlever devant votre famille et vous faire disparaître à jamais n’est pas un pays pour aller en vacances ou aller investir.

II – Rendre la Côte d’Ivoire vivable pour tous

Pour que la Côte d’ivoire se relève, il faut rassurer les ivoiriens en jetant les bases d’un pays vivable pour tous. Les ivoiriens doivent-ils être musulmans pour vivre en paix en Côte d’Ivoire ? Faut-il être ressortissant du nord pour vivre en paix en Côte d’Ivoire ? Car les ressortissants du nord ne sont pas inquiétés. Ils ne sont pas enlevés et jouissent de toutes les libertés constitutionnelles.

Ne trouvez vous pas bizarre que les 99% des prisonniers politiques sient tous des chrétiens ? Que leurs geôliers sont tous des musulmans. La plupart de ceux dont les maisons sont occupées par les dozos et autres FRCI sont des chrétiens ? Est-il aussi étonnant que la plupart des cadres de l’administration publique qui ont perdu leur poste soient tous des chrétiens ?

Y a-t-il dans le fond la guerre d’un gouvernement à majorité musulmans contre le sud chrétien de la Côte d’Ivoire ? Si des réponses n’apparaissent pas sur des questions aussi graves, le Dr Allassane Ouattara, nous met tous dans un doute préjudiciable au vivre ensemble des ivoiriens.

Il n’y a peut être pas un syndrome anti chrétien mais les faits sont sous nos yeux et le gouvernement du Dr Allassane Ouattara ne rassure personne, à par ses apparatchiks.

En ce qui concerne les réfugiés ivoiriens au GHANA, au TOGO, au BENIN ou en GUINEE.

La constitution ivoirienne par des dispositions claires et précises demande au gouvernement de mettre tout en œuvre pour que la situation de réfugiés ne soit pas éternel pour un ivoirien. Hors il se trouve que la situation sécuritaire déconseille aujourd’hui à un ivoirien de rentrer chez lui car bizarrement il est plus en sécurité au Libéria que chez lui à Duékoué, Danané, Logoualé ou Man.

Tout cela nous fait regretter les promesses du Dr Allassane Ouattara. Ou sont les solutions qu’il proposait hier concernant une Côte d’Ivoire juste, pays du dialogue, du partage, de la paix et de la fraternité ivoirienne ? Ceux qui comme nous s’expriment ici librement ne sont ni des opposants, car ceux là sont dans les partis politiques et sont connus pour leur appartenance, il s’agit ici de tirer la sonnette d’alarme devant l’immense précipice vers lequel se dirige la Côte d’Ivoire.

III – La loi d’amnistie et le retour des refugiés

Un ami américain nous demandait hier encore, et si le Dr Allassane Ouattara signait un décret d’amnistie pour favoriser la paix civile et le retour des réfugiés. Notre réponse sur ce point est claire. Où va-t-il mettre les dozos? Cela veut dire qu’ils doivent rendre les maisons occupées par ceux-ci à leurs vrais propriétaires.

Cela veut dire rétablir de nombreux ivoiriens qui ne sont pas du nord dans leurs droits, mais c’est impossible pour lui puisque la revanche du nord sur le sud et le rattrapage ethno religieux et tribal est le but de son mandat. Il ne pourra jamais s’engager dans une telle voie.

Même si demain un décret d’amnistie est publié au journal officiel, ils seront très peu à rentrer au pays. Parce que le Dr Allassane Ouattara n’a pas su construire la confiance avec les ivoiriens. Il n’a pas confiance aux Akans qui ont construit l’ivoirité contre lui. Il n’a pas confiance aux Bétés, aux Wês, et aux Krous qui n’ont pas voté pour lui.

Pour lui le PDCI est un nid de vipères. Le FPI, est un parti qu’il faut mettre à genoux. Dans cette logique il n’y a pas de place pour la neutralité, les esprits libres comme nous sont des gens à écraser au besoin on s’en prendra à leur famille sur place s’ils sont à l’extérieur, comme à l’époque coloniale.

Telle est la situation délétère créée par le Dr Allassane Ouattara. C’est ce qui rend impossible la réconciliation nationale. Il n’y a pas chez lui une envie et une volonté de respecter les ivoiriens qui ne sont pas de son groupe ethnique. Il est exactement dans un état psychique, psychologique et pathologique, proche de Joseph-Désiré Mobutu quand il s’emparait du pouvoir politique dans le Congo de joseph Kasa-Vubu, le 24 novembre 1965 à Léopoldville, aujourd’hui Kinshasa.

Pour ceux qui veulent retourner dans un pays de Dozos, de Gogos et de Zozos, nous leur disons ici qu’il n’y a pas pire dans un pays africain que lorsque l’armée mono ethnique détient une licence de meurtre et n’a rien à craindre de l’état qui le couvre au lieu de défendre le droit du citoyen.

IV – Le retour des refugiés dans un régime criminel

Il y a des exemples qui sont devant nous. Il n’est pas nécessaire d’aller au ciel ou sur la planète Mars pour comprendre qu’il faut se méfier d’un gouvernement qui banalise le meurtre et le sang de ses propres citoyens. Nous voulons rappeler ici le sort que Mobutu et son gouvernement avaient réservé à Pierre Mulélé.

L’assassinat de Pierre Mulélé reste une des taches les plus sombres du Mobutisme. En 1968 Mobutu proclame l’amnistie et demande à tous les opposants et exilés de rejoindre la République qui a besoin de tous ses enfants pour affronter les grands défis du développement et la construction d’une nation prospère pour tous. Les mots que nous utilisons ici étaient exactement ceux qu’utilisait Mobutu lui même en son temps.

Il y a toujours dans la vie des hommes suffisamment naïfs pour croire à ces genres de boniments. Le 13 septembre 1968, alors que la guérilla est depuis longtemps vaincue. Pierre Mulélé, ancien ministre de l’éducation nationale du président du mouvement national congolais notre frère le défunt premier ministre Patrice Lumumba, arrive à Brazzaville avec sa compagne Léonie Abo et trois autres compagnons. Ils se mettent sous la protection du président Congolais notre frère le Commandant de bataillon parachutiste Marien Ngouabi.

Des négociations sont engagées pour son retour. Le ministre Zaïrois des affaires étrangères, Justin-Marie Bomboko Lukumba, arrive à Brazzaville le 28 septembre 1968 et déclare à la radio, nous avons la cassette :
<< l’amnistie générale décrétée à Kinshasa par le Général Mobutu est valable pour tous. Nous accueillons donc M. Mulélé en frère. Il travaillera avec nous pour la libération totale de notre pays. >>

Quelle belle promesse et quel beau message venant d’une dictature criminelle ? Mulélé, malgré les avertissements de ses proches et les conseils des lumumbistes qui lui répètent que Mobutu va le tuer, prend le risque de traverser le fleuve, parce-que Mobutu a donné sa parole d’honneur.

Un homme qui n’a que son pouvoir et son avenir personnel comme but de vie n’a pas de parole d’honneur car justement il n’a pas d’honneur. Quel est la valeur de la parole de l’homme qui avait livré hier encore Patrice Lumumba aux sécessionnistes Katangais ? N’est-il pas plus sûr de croire à la parole du diable qu’à celle de Mobutu ?

Mulélé est accueilli en grande pompe à Kinshasa et le général Bobozo, celui là même qui avait naguère veillé sur Lumumba à Thysville aujourd’hui Mbanza-Ngungu, donne une réception en son honneur. Le soir il se rend à la résidence de Bomboko, où il passe la nuit. Ses proches, ses fidèles viennent féliciter l’ex- rebelle, tout en lui conseillant d’être sur ses gardes.

Le 2 octobre 1968 à 17 heures, on vient annoncer à Pierre Mulélé que la population l’attend au stade Tata Raphaël et se prépare à le saluer comme un des compagnons de Patrice Lumumba. Ce sera son dernier voyage. Pierre Mulélé, sa compagne Faustine Abo, son ami Théodore Bengila, prennent place dans la voiture mise à leur disposition par leur hôte, Justin-Marie Bomboko, qui se garde d’y aller avec eux.

Ils seront conduits au camp militaire Kokolo. Mulélé et Bengila vont être assassinés dans la nuit du 2 octobre 1968. La cruauté et la bestialité avec lesquelles Mulélé et ses compagnons d’infortune vont être mis à mort couvriront à jamais d’ignominie et de honte le régime criminel mobutiste qui a ordonné une telle sauvagerie.

Avant de Mourir, Pierre Mulélé, connaîtra des souffrances extrêmes, raconte Justin Marie Bomboko dans le livre de Ludo Martens : << alors qu’il était vivant, ses bourreaux lui arrachent les oreilles, lui coupent le nez, retirent ses yeux de leurs orbites. Ils lui arrachent les organes génitaux. Alors qu’il est toujours vivant, ils lui amputent les bras et les jambes. Les restes de son corps seront ensuite jetés dans un sac et immergés dans le fleuve Congo. Théodore Bengila a subi le même sort >>.

Ces meurtres cruels illustrent toute la bestialité du président Mobutu et de son régime. Le devoir de mémoire nous impose de revisiter ces témoignages insoutenables pour que les mobutistes d’aujourd’hui sachent que l’Afrique entière se souvient encore de l’horreur qui se dégage encore de la mise à mort cruelle et sadique de Pierre Mulélé.

Alors nous disons ici à tous ceux qui sont au Ghana d’observez le sort que les FRCI ont réservé à Jean-Jacques Béchiot, à Bro Grébé, aux Pr Aké Ngbo, à Abdouramane Sangaré, à Affi Nguessan et à Michel Gbagbo et vous comprendrez bien vite ce qui vous sera réservé comme cadeau de bienvenue si vous rentrez comme un cheveu sur la soupe dans le dozoland du Dr Allassane Ouattara.

Votre sort sera pire que celui de Pierre Mulélé. Car les FRCI vous porteront en triomphe et feront la bamboula sur ce qui restera de vous, si par gentillesse ils ne vous jettent pas dans une lagune infectée de caïmans. Tel est le sort qui attend des réfugiés de la 25ème heure. C’est-à-dire ceux qui pensent encore qu’ils y aura une police et une gendarmerie au service du citoyens ivoirien.

V – Postulat de conclusion générale

Sans être houphuétiste, nous pouvons affirmer que Félix Houphouët-Boigny, était un homme soucieux de l’image de son pays. Il était fier de dire qu’il n’y avait pas de prisonniers politiques dans son pays. Chez les Akan, quand ton règne est associé aux meurtres, à la guerre et au sang des innocents, tu restes dans la mémoire collective comme un homme malfaisant ou l’incarnation du diable.

C’est à l’économiste de la haute finance internationale qu’est le Dr Allassane Ouattara, que nous nous permettons de rappeler que dans le royaume du Monomotapa, le Mwené Mutapa, le souverain et maître du royaume était mis à mort au cour d’une cérémonie rituelle, quand un grand malheur s’abattait sur le pays, exemples : épidémies, sécheresses, mauvaises récoltes, conflits graves entre les sujets du royaume etc..

Si nous étions dans ce royaume médiéval, par un extraordinaire retour dans le fond des temps, immoler le président de la République pour sauver la nation de tous les dangers internes et externes, serait la solution choisie par tous les adversaires du Dr Allassane Ouattara. Vers qui nous nous tournons pour lui dire de comprendre les ivoiriens.

Il ne pourra rien réaliser de positif dans un pays coupé en deux. Dans un environnement de haine, de peur, de sang et surtout de domination d’une religion ou d’un groupe ethno tribal sur le reste de la nation.

S’il ne comprend pas le bien fondé de ce que nous disons ici, c’est qu’il est exactement dans la situation du Pharaon Ramsès II, quand Moïse le premier législateur était devant lui pour demander la permission de laisser les hébreux sortir d’Egypte.

Les partisans du Dr Allassane Ouattara nous jetteront certainement la pierre, comme d’habitude, parce que toutes observations désobligeantes envers leur mentor est un crime. Ils oublient tous que le retour des réfugiés dans une Côte d’ivoire renouvelée est un gage certain pour le vivre ensemble et la reconstruction d’un pays de paix, de progrès et de dignité pour tous.

Ils oublient aussi, ces pauvres diables, que le refus pendant des années du Général Habyarimana du retour des réfugiés Tutsis du Rwanda, avait favorisé leur formation, leur organisation dans le temps par les voisins pour reprendre le pouvoir à Kigali dans des conditions que nous n’avons pas besoin de décrire ici.

Le Dr Ouattara qui est économiste doit savoir que créer les conditions opportunes de leur retour au pays couterait moins cher qu’une nouvelle guerre qui sera plus que dommageable à lui-même et au pays qu’il veut gouverner.

Dans tous les hommes sont des frères, Le Mathma Gandhi, résume mieux encore notre propos de ce jour. << En opposant la haine à la haine, on ne fait que la répandre en surface comme en profondeur. >>

Sans descendre dans le marigot politique ivoirien, nous avons voulu prendre le monde à témoin pour faire connaître notre lecture de la problématique des réfugiés ivoiriens, éparpillés dans les pays voisins de la Côte d’ivoire et de la question de leur retour éventuel au pays des éléphants.
Merci de votre aimable attention.

Dr Serge-Nicolas NZI
Chercheur en communication
Lugano (Suisse)

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