La lettre d’Amérique Les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent

Par Charles Kouassi L’Intelligent d’Abidjan

Chers Roger et Ibrahim, je vous dédie en particulier la lettre du jour, destinée en général à tous les lecteurs et amis de l’Intelligent d’Abidjan.

Ibrahim, tu es très branché Intelligent d’Abidjan ces deux jours et tu ne veux rien laisser passer. Je ne m’adressais pas à toi l’autre fois, parce que même quand souvent tu oublies d’acheter ton exemplaire (ou plutôt quand tu achètes sans pouvoir le lire), tu es un ami de tout le temps et de tout moment de l’IA. Merci pour tes messages, réactions et suggestions. Je suis arrivé à New York en même temps que la neige. C’était fort! Mais c’était prévu! Les pompiers, les services de police et les services de la municipalité se sont mobilisés pour limiter les dégâts et nettoyer les routes. Cela a créé un embouteillage monstre.Nous avons mis plus de deux heures pour arriver à notre hôtel, pourtant situé à 15 minutes de marche dans les conditions normales de circulation. Quand j’ai été en Chine à la faveur du voyage du Chef de l’Etat, Alassane Ouattara, une forte pluie s’était abattue sur la ville de Pékin. Elle a fait des morts et fait évoquer le caractère vétuste des canalisations. En même temps, j’ai entendu dire que cette pluie que la Chine n’avait pas connue depuis des années (ils devraient chercher à faire ami-ami avec notre Bédié national et inviter N’Zuéba assez souvent chez eux) aurait été suscitée et protégée par une technique qui a consisté à pulvériser des produits dans l’atmosphère et secouer les nuages. C’est cette technique qui aurait fait ainsi pleuvoir abondamment. Il faut bien y croire, comme il faut croire à la tradition selon laquelle nous avons dans nos pays, des attrapeurs de pluie, des gens qui empêchent la pluie de tomber. Mais ici, l’Amérique, le pays qui a accordé l’exil à Albert Einstein, le pays qui donne les moyens aux chercheurs, on n’a pas encore trouvé ( ou peut-être on n’a pas voulu défier davantage la nature et troubler l’ordre des choses, après avoir construit et bâti sur cette faite de forêts et de dangers de la nature durant des décennies et décennies), des remèdes contre les vents violents, les neiges, les tempêtes et autres calamités naturelles qui mettent en péril de nombreuses vies humaines.

Cher Roger,

Je n’ai pas pu te prévenir de mon voyage mais je sais que tu es de cœur avec moi. Chaque matin, quand je fais ma prière, tu es présent dans mes vœux et je souhaite une excellente santé à toi et à la famille.

Ici, les lendemains d’élection sont des lendemains de jour normal. Jour d’élection comme jour normal. Les dirigeants africains ont exprimé leurs attentes vis-à-vis des Etats Unis-d’Amérique à la suite de la réélection d’Obama. Au-delà des félicitations classiques, les uns ont souhaité qu’Obama aide l’Afrique à émerger davantage, d’autres ont appelé à un renforcement de la démocratie, un appui aux faibles, aux pauvres, à la lutte contre l’impunité. Mais, nos leaders savent-ils que c’est à eux et à eux seuls que revient cette exigence et non pas à Barack Obama ? Les transformations des peuples, les changements dans les pays sont d’abord des réalités et des phénomènes internes. Quand je dis souvent que les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent, d’autres ont du mal à accepter. Des pro-Ouattara disent que la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens n’ont pas mérité que Laurent Gbagbo les gouverne pendant dix ans. Pourtant de façon libre, et dans le cadre d’une stratégie, les opposants ont collaboré avec l’ex-Président à des degrés divers au cours de cette période. Les Ivoiriens ont bien mérité Laurent Gbagbo, parce que l’ex-Président ne s’est pas imposé tout le temps par la force. Les mécontents, les aigris et les frustrés avaient accepté de prendre leur mal en patience. Aujourd’hui, n’en déplaise aux pro-Gbagbo jusqu’à avis contraire, tous les Ivoiriens méritent le Président Alassane Ouattara. Les peuples ont donc les dirigeants qu’ils méritent puisqu’en dépit de la nature des dangers encourus, des leaders et des populations savent oser pour dire non (la Birmane, Aung San Suu Kyi). Ceci est une réalité aussi bien dans un système démocratique que dans un pays non démocratique. Malgré les risques et les dangers, des populations et des leaders d’opinion savent dire non à l’imposture de leurs dirigeants : De Gaulle, le printemps arabe et certaines tentatives de révolution pacifique ainsi que la mobilisation interne pour sauvegarder la victoire d’Alassane Ouattara. Les dirigeants et les peuples d’Afrique doivent prendre acte de cette réalité pour se mettre davantage au service de leurs Nations. La seule chose à attendre de l’Amérique et d’Obama, c’est de comprendre que le parcours, l’histoire et les victoires du Président réélu par les Américains incitent à plus d’ouverture, à moins d’intolérance, à moins d’intransigeance dans la conduite des affaires publiques. Tout en restant inflexible sur ses valeurs et sur ses convictions, il est possible de bâtir une société démocratique faisant la promotion du dialogue et du consensus.

Chers Roger et Ibrahim, voilà les réflexions que j’avais à partager, au moment où de loin nous suivons cette polémique entre les autorités ivoiriennes et Amnesty International, ainsi que tous les autres sujets d’actualité. J’ai appris que le siège du quotidien Nord-Sud a été cambriolé! Salut confraternel et solidarité aux amis et confrères de Nord-Sud. Cette attaque n’est pas anodine et mérite une réflexion! Elle inquiète et laisse penser que personne n’est à l’ abri. C’est un mauvais signal pour moi. De l’extérieur, on a le sentiment que le feu couve encore dans le pays et que le volcan des haines, des ressentiments et des frustrations ne s’est pas éteint. Les conseillers ne sont pas les payeurs. Si demain ça se gâte, tous ceux qui sont derrière le Président Ouattara diront: on lui a parlé mais il ne nous a pas écoutés. On a entendu cela au sujet du Président Bédié, et de Guéi. Des gens du FPI, ont bien envie de dire la même chose de leurs dirigeants, mais ils ne feront rien tant que Laurent Gbagbo et les siens vivront. En politique, les chefs ne s’en sortent toujours pas mieux lotis. S’il est vrai qu’un bon général, c’est celui qui ne meurt pas au front, la théorie selon laquelle, les leaders sont bons mais que c’est leur entourage qui est mauvais, semble de moins en moins convaincre. Tous les leaders risquent de finir par se retrouver derrière des barreaux pour assumer des actes qu’ils n’ont pas eux-mêmes commis. Tel est le principe même de la création de la Cour Pénale Internationale. De New York, sous la neige avant-hier, mais avec un temps plus clément hier, je me permets au-delà de l’élection américaine de partager cette réflexion sur la situation dans notre pays. J’ai l’air peut-être pessimiste mais il s’agit d’un pessimisme positif visant à fouetter l’orgueil des uns et d’autres pour créer les conditions mettant définitivement la Côte d’Ivoire à l’abri de l’aventure et des tentations déstabilisatrices des désespérés.Je vous souhaite le meilleur, un bon Vendredi, comme à tous les lecteurs et amis de l’IA. A demain, pour la dernière lettre d’Amérique, avant le départ de New York prévu pour Lundi !

A demain!

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