Ministres et officiers supérieurs de l’armée désavouent le chef de l’Etat

Commandant Jah Gao

…Leur caution aux déstabilisateurs

César DJEDJE MEL Source: Linfodrome

Le souvenir du 19 septembre 2002, où par la première fois dans la jeune histoire de la Côte d’Ivoire, des Ivoiriens ont vu leur pays secoué par une tentative meurtrière de coup d’Etat qui s’est mué en rébellion armée, n’a pas été seulement qu’une date commémorative, mais de révélations.

Des témoignages recueillis çà et là par les journaux, auprès des auteurs de cette attaque qui a divisé la Côte d’Ivoire en deux parties, montrent que le Président Alassane Ouattara et certains de ses collaborateurs ne sont pas au même diapason au sujet des coups d’Etat. Au moment où le gouvernement ivoirien affirme, face aux tentatives de déstabilisation, que le temps des coups d’Etat est révolu et qu’un coup d’Etat ne peut prospérer en Côte d’Ivoire, des ministres et officiers militaires affirment le contraire.

En effet, des responsables politiques et militaires issus des Forces Nouvelles (FN) anciennement Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), voulant légitimer leur action, ont indiqué que si l’occasion leur était donnée de faire encore un coup d’Etat ou créer une autre rébellion, ils ne s’en priveront pas.

Dans l’interview qu’il a accordée à RFI et reprise par les journaux Nord-Sud Quotidien et L’Expression, successivement le mercredi 19 et jeudi 20 septembre 2012, le ministre de l’Artisanat et de la promotion des PME et PMI, Konaté Sidiki, ex-porte-parole des Forces Nouvelles, a déclaré sans fioritures : « si les mêmes conditions se mettent en place pour produire le même système, nous n’aurons pas d’autres choix que de nous engager à nouveau ». Il répondait ainsi à la question de savoir : dix ans après, seriez-vous disposé à reprendre le combat si c’était à refaire ?

Des militaires, et non des moindres, se sont inscrits dans la même philosophie que lui. D’abord Issiaka Ouattara dit Wattao, commandant en second de la Garde républicaine, ex-com zone des FN de Bouaké. Dans Le Patriote du jeudi 20 septembre 2012, lui également a affirmé la même chose dans son récit du 19 septembre 2002. « Ce que je voudrais ajouter, c’est ceci : dix ans après, je ne regrette absolument pas d’avoir pris part à ces combats qui ont changé le visage de la Côte d’Ivoire, pour en faire un pays moderne et juste. Si c’était à refaire, je le referais ».

Dans le même numéro de ce journal, un autre commandant, Koné Gaoussou dit Jah Gao, responsable du Groupement tactique 9, a donné une réponse similaire à la même question : « Oui. Si les mêmes causes se présentaient, je serai prêt à agir de la sorte ». Des propos qui traduisent les vrais sentiments des collaborateurs du chef de l’Etat et contrastent fort bien avec les déclarations formulées par le gouvernement. On peut donc dire que la Côte d’Ivoire n’est as à l’abri des coups d’Etat.

Selon eux, ce sont les problèmes de l’identité avec l’ivoirité, le tribalisme, la xénophobie, la politisation et la division de l’armée, le problème de ceux qui se considéraient comme les maîtres du pays, le refus de Laurent Gbagbo de laisser les militaires exilés de rentrer au pays, qui les ont poussés à prendre les armes. Surtout que pour eux, le pouvoir Gbagbo était anti démocratique, mal élu et n’était donc pas une garantie pour la démocratie.

Vu sous cet angle, on peut déduire que les pro-Ouattara cautionnent les actions de ceux qui en veulent au Président Ouattara et qui désirent la chute de son régime. Car eux aussi brandissent les mêmes arguments pour expliquer leurs actions contre le pouvoir actuel. « Un pouvoir venu après des élections volées, dans le sang de milliers qui sont morts dans une guerre qu’il a appelé de tous ses vœux, des militaires et politiciens exilés et traqués et d’autres en prison, la politique de rattrapage… ».

Parlant de la politique dans l’armée ou de sa division, le mal est encore plus profond aujourd’hui. Les multiples attaques qu’ont essuyées les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) ont révélé la profondeur du manque de cohésion au sein de la grande muette. Puisqu’on a oui dire de la part des hiérarques de ministère de la Défense que des policiers et autres militaires étaient complices des assaillants.

Aucun pays au monde n’a jamais légalisé un coup d’Etat ou une rébellion par conséquent la légitimité de telles actions n’existe qu’aux yeux de ceux qui les mènent et à qui elles profitent. Les pro-Ouattara, ex-Forces Nouvelles, ne peuvent donc pas prétendre que leur coup contre Laurent Gbagbo est plus légitime que celui que tentent de faire ceux-là qui, d’après le gouvernement, préparent un renversement du pouvoir depuis des pays voisins. Les causes défendues hier ne peuvent pas être plus nobles que celles qu’entendent défendre les déstabilisateurs tapis dans l’ombre. Chacun appréciant à sa manière comme disent les hommes politiques, la politique est une saine appréciation des réalités du moment.

S’ils ont affirmé qu’ils referaient les mêmes choses devant les mêmes situations, il y a dix ans, il va s’en dire que d’autres aussi peuvent le faire aujourd’hui s’ils estiment que le régime Ouattara est anti-démocratique. Les auteurs de la rébellion de 2002 n’ayant pas la vérité absolue et ne pouvant prétendre être les défenseurs légaux de la Côte d’Ivoire.

De telles déclarations de leur part sont prétentieuses et arrogantes. Elles sont mêmes blessantes pour les personnes dont les parents ont été tués, massacrés. On pourrait même se demander où est alors leur repentir ou croire qu’ils n’ont jamais été sincères dans leur excuses. Comment donc pardonner à des personnes qui ne regrettent pas leurs actions qui ont coûté la vie à des citoyens. Au demeurant, comment la réconciliation peut-elle être possible dans ces conditions ? Ces questions méritent d’être posées.

Ces aveux qui ne sont pas tombés dans des oreilles de sourds et qui vont certainement faire couler beaucoup d’encre et de salives doivent interpeller le Président Ouattara. Si les autorités du pays peuvent tenir ce genre de propos, peut-on demander mieux à la population ivoirienne et en particulier aux frustrés qui en veulent au pouvoir d’Abidjan. A mon avis, non ! C’est pourquoi au moment où tout le monde s’évertue à redonner une chance au processus de réconciliation nationale d’aboutir, le chef de l’Etat doit recadrer ses collaborateurs.

Par César DJEDJE MEL

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