Présidentielles 2010, chute de Gbagbo…Les grosses lacunes du livre de Blé Goudé

L’Inter

Le dernier livre écrit par Charles Blé Goudé, intitulé « Côte d’Ivoire / Traquenard électoral », circule sous le manteau à Abidjan. Depuis que la cérémonie de sortie officielle de ce bouquin, prévue au Baron de Yopougon, a été étouffée dans l’œuf, l’ouvrage suscite davantage la curiosité. Pourtant ce livre, annoncé à grand renfort de publicité, pêche aussi bien par sa qualité littéraire que son contenu. La mauvaise facture de ce troisième ouvrage de l’ex-leader des jeunes patriotes est frappante. Elle se voit notamment aux multiples fautes d’orthographe et de grammaire, qui parsèment l’ouvrage. Des fautes si criantes et abondantes qu’on se demande comment l’éditeur a pu les laisser passer. Elles donnent en tout cas le sentiment que le texte a été publié à la hâte, sans doute par souci de tirer des dividendes de ce témoignage d’un Blé Goudé supposé avoir été au cœur des violences post-électorales de l’année dernière. Si tel était le cas, le fait que l’ouvrage soit truffé de fautes en tous genres risque de produire l’effet contraire.

QUE DE FAUTES !

Déjà à la quatrième de couverture, on dénombre plus d’une faute de frappe et d’accent : « er » pour « et », « écclaire » pour « éclaire » ; « A travers, cet ouvrage, il met en lumière, les manœuvres politiques et internationales qui ont abouti a( au lieu de à) la chute… ». A l’intérieur, reviennent comme une litanie des fautes d’orthographe telles que: entrain de (pp 26, 68) (au lieu de en train de) : L’ONU est-elle entrain de prendre la mesure de la situation ? L’organisation est-elle entrain d’évoluer dans le bon sens »(p26) ; sensé ( au lieu de censé) (pp 34, 68, 140) : « Les élections dites de sortie de crise, étaient sensées sortir le pays de la crise… »(p 68); emprunt de ( au lieu empreint de) (pp 81, 92) : « Pour se ( au lieu de ce) faire, il importe de poser les jalons d’une réconciliation emprunte de( au lieu de empreinte de) sincérité. ». A ces fautes d’orthographe non exhaustives, il faut ajouter des fautes grammaticales. Quelques exemples : « Invitées à cette fête, les Forces nouvelles se sont faites représentées( au lieu de se sont fait représenter) par une délégation conduite par le ministre Konaté Sidiki… » (p133) ; « Au chapitre de ces mesures, les banques publiques nationales sont appelées à suppléer celles ayant fermées( au lieu de ayant fermé) leurs portes… »(p65) ; « En réponse au ministre des Affaires étrangères, les soldats français rétorquent que consigne leur a été donné( au lieu de donnée)de remettre main à main le courrier au président de la CEI »( p42) ; « Paradoxalement, ce sont les patriotes aux mains nues qui ont été présentés comme les bourreaux, les tueurs et pilleurs par les médias occidentaux alors que ceux qui étaient identifié ( au lieu de identifiés) comme des rebelles étaient et sont toujours présentés comme des sauveurs… »( p.130).

TROP DE LIEUX COMMUNS…

Au delà de ces fautes évidentes, le livre est pauvre en anecdotes qui auraient permis d’en savoir davantage sur les secrets du ballet diplomatique et de la guerre ayant suivi le contentieux électoral. Ceux qui attendaient de Blé Goudé, des révélations sur toutes les péripéties ayant abouti à l’arrestation de Gbagbo le 11 avril 2011, auront peu de choses à se mettre sous la dent. Alors qu’il est supposé être au cœur du système Gbagbo, l’auteur se borne à servir des lieux communs, des faits sus de monsieur-madame tout le monde, quand ce ne sont pas des affirmations gratuites, sans aucun début de preuve. Concernant la victoire de l’ex-chef de l’État à la présidentielle de 2010, il affirme : « Le président Gbagbo a gagné les élections et la communauté occidentale avec ses colonies d’Afrique ont voulu lui faire dire qu’il les a perdues… » (P. 111). Rien de plus. Il n’étaye pas son propos d’arguments qui le fondent à soutenir que c’est Gbagbo qui a gagné le second tour de la présidentielle du 28 novembre 2010. Aucune confidence, aucun extrait de rapport d’Ong internationales, aucun chiffre. Le lecteur est donc laissé sur sa faim. Tout comme Blé Goudé ne lui permet pas d’en savoir davantage sur les circonstances de l’arrestation de l’ancien chef de l’Etat et la mort de l’ex-ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro. Au sujet de ces faits qui continuent de nourrir la polémique, il se complaît dans des lieux communs quand ce ne sont pas de simples opinions. Concernant l’arrestation de Gbagbo, voici ce qu’il écrit : « Aussi bien en Afrique qu’en Côte d’Ivoire, des observateurs de la scène politique ivoirienne continuent de s’interroger sur la paternité de la capture de Laurent Gbagbo. Si certains l’attribuent aux hommes de Ouattara, nombreux sont ceux qui estiment qu’au regard du déroulement des événements, c’est l’armée française qui, en facilitant la prise d’Abidjan et l’accès à la résidence du chef de l’Etat, en est le véritable auteur. La vérité est bien celle-là : « à l’issue de la bataille d’Abidjan, Laurent Gbagbo et ses collaborateurs ont été arrêtés par les soldats français et remis aux hommes de Ouattara qui les ont déportés au Nord de la Côte d’Ivoire »( p. 81) . La vérité énoncée par Blé Goudé n’est qu’une affirmation gratuite de plus. Le lecteur en est à se demander sur quoi se fonde cette « vérité » péremptoire. Là où il s’attend à des secrets que Blé est censé détenir pour être un habitué du bois sacré, celui-ci nous sert du déjà entendu. A la vérité, loin du théâtre des opérations (il dit avoir rencontré Gbagbo pour la dernière fois le 29 mars 2011 et l’a eu au téléphone pour la dernière fois le 5 avril 2011), Blé ne pouvait en savoir plus que le commun des Ivoiriens. A moins que d’autres barons de l’ex-parti au pouvoir lui aient fait des confidences, confidences dont il ne souffle guère mot.

… ET DES CONTRE-VERITES

Même constat quand il évoque la mort de Tagro : « Au cours de l’escale au Golf Hôtel, le Président Laurent Gbagbo, sa famille et ses collaborateurs sont maltraités. Matés à coups de crosses de kalachnikovs et de rangers, sérieusement défigurés, des proches du Président succomberont plus tard à leurs blessures. C’est le cas du ministre Désiré Tagro. Blessé lors de l’attaque de la résidence du chef de l’Etat alors qu’il brandissait un mouchoir blanc en signe de cessez-le-feu, Tagro mourra la mâchoire totalement broyée » (p 79). Avec ces lignes, on n’en sait pas plus sur les circonstances de la mort de l’ex-ministre Tagro ; Blé Goudé se contentant de reprendre à son compte une version mainte fois ressassée. Par ailleurs, l’ouvrage est cousu de contre-vérités par endroits. Entre autres, la proclamation des résultats du second tour de la présidentielle de novembre 2010 et la certification de ces mêmes résultats par Young Jin Choi, Représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies. Concernant les résultats proclamés par la CEI, voici ce que dit Blé Goudé : « La CEI, institution administrative ivoirienne en charge de l’organisation des élections présidentielles, et d’en donner les résultats provisoires, n’a pu les produire parce que forclose. Aucun procès verbal sanctionnant les travaux de la CEI n’existe dans les archives de l’institution. Ainsi les seuls résultats donnés aux Ivoiriens sont ceux produits par le Conseil constitutionnel dirigé par le Pr Paul Yao N’dré. Le Conseil a proclamé les résultats définitifs après analyse du contentieux qui a bloqué la CEI dans son travail. Malheureusement, la décision du conseil constitutionnel est contestée par le camp Ouattara et la communauté internationale qui aura préféré les faux « résultats provisoires » et hors délai de Youssouf Bakayoko » (p 44). Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas cohérent de soutenir que la CEI n’a pas pu produire de résultats, étant forclose, tout en parlant de « faux « résultats provisoires et hors délai de Youssouf Bakayoko ». La vérité, c’est que le président de la CEI a bien livré des résultats le jeudi 2 décembre 2010, non pas au sein des locaux de l’institution, qui était assiégée par les Forces de défense et de sécurité la nuit précédent cette annonce de résultat. C’est d’ailleurs ce résultat qui sera remis en cause par Paul Yao N’dré, président du Conseil constitutionnel, le jour suivant, soit le vendredi 3 décembre 2010. Avant que le patron de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire n’entre en jeu pour certifier, le même jour, les résultats proclamés par Yao N’dré. C’est bien à la suite du président du Conseil constitutionnel que Choi est intervenu, remettant en cause le verdict de Yao N’dré. Tout le contraire donc de ce que soutient Blé Goudé lorsqu’il écrit : « Le Représentant spécial du Secrétaire général de l’Onu, M. Choi, entre aussitôt également dans la danse : contrairement au premier tour, il n’attendra pas cette fois-ci les résultats définitifs du Conseil constitutionnel pour reconnaître la victoire de M. Alassane Ouattara, outrepassant ainsi ses compétences. » (pp 45-46). Au total, cet ouvrage, supposé rétablir la vérité des faits, laisse le lecteur sur sa faim.

Assane NIADA

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